EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
L’enfant
Je suis né le 6 juillet 1946, l’année du baby-boom à New Haven, dans le Connecticut. Ma mère raconte que je tardais à sortir. Alors grand-mère [1]Dorothy lui donna une bonne dose d’huile de ricin et je sortis sans problème, « couvert de gloire ». En d'autres termes, de matière fécale ou, pour être encore plus clair, de merde. Certains journalistes mal intentionnés, connaissant cette anecdote, osèrent insinuer que lorsque je vins au monde ça devait sentir la merde à plein nez et que c’était un signe avant-coureur de celle que j’allais balançait sur la planète lors des années 2000 à 2008 ! Quels connards ! En plus, ils se croient pleins d’humour.
J’admire mon père, car il se libéra de l’emprise écrasante de grand-père Prescott. Par tous les moyens, il essaya de réussir différemment. Comme il le dit : Si j’étais psychanalyste, je pourrais en conclure que j’essayais de ne pas être en compétition avec mon père, mais de faire quelque chose par moi-même. Sorti, major de sa promotion grâce à son père Prescott et à ses relations, il aurait pu connaître une ascension fulgurante à Wall Street et gagner facilement une immense fortune. C’était mal le connaître. Foncièrement indépendant, il voulait réussir par lui-même et décida de courir sa chance dans les champs pétrolifères du Texas parmi les simples foreurs et manœuvres de chantier pour devenir un chef d’entreprise sans avoir un merci à donner à quiconque et surtout à son père. Dans son autobiographie, il écrit : Nous étions encore jeunes, nous n’avions qu’une vingtaine d’années et nous voulions suivre notre propre chemin, faire nos propres erreurs et façonner notre propre avenir. Mon père ne connaissait rien à l’industrie pétrolière lorsqu’il est venu au Texas à la fin des années quarante, mais son manque de connaissance ne l’a pas arrêté. Il a compris comment partir d’une position modeste et travailler dur pour obtenir quelque chose. Lorsque j’étais à Midland, le slogan était : « Tout est possible ». Cela valait pour tout le monde, pas simplement pour quelques privilégiés.
N’empêche que grand-père bien qu’il fut outré que son rejeton ne suive pas les voies qu’il avait tracées lui trouva, dès sa sortie de Yale, un premier emploi dans la société Dresser Industrie ; une filiale, dont il était membre du conseil d’administration. Cette usine fabriquait des trépans et du matériel pour puits de pétrole dont il acheta, en 1929, pour 4 millions de dollars en actions. Ma sœur Robin naquit au cours des nombreux déplacements le 20 décembre 1949. Elle était blonde avec de magnifiques yeux bleus.
Ma ville de Midland
Quelque temps après, nous déménageâmes à la ville de Midland dans le Texas où naquit mon frère Jeb le 11 février 1953 et ma future épouse Laura le 4 novembre 1946. Nous habitions un grand ensemble immobilier dont les maisons étaient identiques si ce n’est la couleur. La nôtre était bleue et mes parents l’obtinrent en faisant un prêt de 7500 dollars. Cet ensemble résidentiel reçut le nom [2]d’Easter Egg Row. Dans cette ville champignon, je passais les années cinquante. La vie était identique pour tout le monde. Chaque foyer se trouvait éloigné de leur famille. Alors tous s’invitaient pour les pique-niques, les barbecues, les soirées. Tous allaient à la Première église presbytérienne où mes parents enseignaient le catéchisme. Ma mère s’occupait constamment de nous. Pour le caractère, je tiens d’elle plutôt que de mon père. Nous nous ressemblons beaucoup. Je n’ai pas peur de me battre. Elle non plus. J’ai les yeux de mon père et la bouche de ma mère. Dans ses mémoires, maman disait à mon sujet que j’étais le fils qui ne prend pas de gants et dit les choses telles qu’il les pense. J’apprécie par-dessus tout son caractère, car ma mère a toujours eu son franc-parler. Si quelque chose la tracasse, elle le dit sans détour. Une fois que c’est passé, vous savez exactement à quoi vous en tenir et puis voilà. Elle n’y revient pas, ne s’acharne pas sur vous, elle ne fait rien de tout cela.
Mon père travaillait dur et passait chaque jour douze heures à vendre des trépans. On ne le voyait pas souvent à la maison. Durant ces années, j’ai eu une relation privilégiée avec ma mère, elle m’a nourri, élevé et éduqué […] Côté discipline, ma mère était au premier rang. C’était le sergent. Mon père, lui, fixait plutôt les objectifs et les idéaux, c’est à lui qu’il fallait obéir en fin de compte. Mais maman exerçait une autorité immédiate.
Lors de la Convention républicaine de 1988, maman raconta. Je me rappelle avoir appelé George un jour et lui avoir dit : Je suis désespérée, je ne sais pas quoi faire. Ton fils a encore des ennuis. Il a tout simplement lancé un ballon qui est entré chez les voisins par l’une des fenêtres de l’étage. Et George a dit : Ça alors, quel exploit ! Puis il a ajouté : As-tu récupéré le ballon ? Dans la cour de récréation, je me battais souvent et en classe j’étais un élément perturbateur. C’est pourquoi, j’étais régulièrement puni et ma mère régulièrement convoquée par le directeur de l’école. Oui, j’étais un garçon turbulent, du genre « petit dur » et des voisins me traitaient souvent de sale gamin. Avec mes camarades, nous passions notre temps à parcourir la ville à bicyclette, à jouer au base-ball, à encourager notre équipe de football des Bulldogs. J’étais fou de base-ball. Pendant des heures, je répétais inlassablement les gestes de Willie Mays, mon idole. Mais j’avais un gros problème. Je ne rattrapais pas les balles coupées. Au mieux, j’avais beaucoup de mal pour y arriver. Par conséquent, je devais admettre qu’une carrière semblable la sienne m’était complètement exclue, car lui, c’était le roi des balles coupées.
Bill Sallée se souvient.
– Nous rampions sous les grilles du stade du lycée et nous nous mettions debout sur les barres transversales. Nous nous y balancions comme des petits singes. Si on avait glissé, on se serait tué. Bon sang, on était à un étage et demi du sol. On grimpait sur les lampadaires qui entouraient le stade.
Tout comme Mike Protor.
– Nous passions notre temps à jouer. Après l’école, nous foncions sur le terrain de jeu approprié, choisissions des équipes et nous mettions à jouer. George se précipitait toujours pour être le capitaine.
Ainsi que Charlie Yonger.
– On était tous branchés sport. Vous nous lanciez un ballon rond ou ovale et, peu importe, c’était parti. On était à bonne école dans ce quartier.
Le vendredi, nous regardions le feuilleton de Buck Rogers et le samedi après-midi des films de cow-boys au théâtre du Ritz. [3]Nous avions d’autres jeux avec mes copains. Surtout avec Terry Throckmorton, nous nous amusions à tirer sur des grenouilles dans les mares avoisinantes. Il nous arrivait de les attraper. Alors on leur enfonçait des pétards dans la bouche et on les lançait en l’air. C’était amusant de les voir exploser. Cela peut paraître barbare. Mais nous étions des enfants et les enfants sont quelquefois cruels. Je n’ai rien contre les animaux. Surtout, il ne faut pas croire que je ne les aime pas. La preuve, j’adore Barney et mes vaches !
Maman à la maison et papa parcourant le Texas à signer des contrats ou à travailler dans son champ de pétrole. La situation des femmes en raison des absences répétées de leurs maris était bien dure à supporter. Hugh Liedtke un ami de papa exprime parfaitement celles des hommes.
– Nous passions des nuits sur un puits de pétrole, nous restions dans les champs plusieurs jours d’affilée, puis nous rentrions à la maison couvert de graisse.
Comme je l’ai dit précédemment, papa fut capitaine l’équipe de base-ball de Yale et il passait souvent ses week-ends à entraîner l’équipe Junior de Midland. Mes camarades l’admiraient et j’étais fier de lui. Malgré les années passées, il garda toute sa dextérité et sa rapidité. Je voulais à tout prix l’égaler. Jamais je ne fus aussi heureux que le jour où mon père ne retint plus son lancer.
La mort de Robin
Au cours de l’année 1953, mon père avec d’autres associés créèrent la compagnie Zapata Petroleum Corporation. Un matin de printemps de la même année, Robin alors âgée de 3 ans, se réveilla toute pâle. Elle était toujours pleine de vie et d’énergie à revendre. Ce matin là on la trouva complètement apathique. Elle murmura d’une petite voix éteinte :
– Maman, je n’arrive pas à décider ce que je vais faire aujourd’hui. Je vais peut-être sortir et aller m’asseoir dans le jardin pour regarder les autos passer ou alors je vais simplement rester au lit.
Mère l’amena immédiatement chez notre pédiatre et amie Dorothy Wyvell. On lui fit des prises de sang qui révélèrent une leucémie à un stade avancé. Dorothy donna à mes parents les conseils suivants :
– Règle numéro un : n’en parlez à personne. Règle numéro deux : ne lui donnez pas de traitement. Ramenez-la à la maison, rendez-lui la vie aussi agréable que possible et dans trois semaines elle sera partie.
Mes parents refusèrent de baisser les bras. Dès le lendemain matin, ils prirent l’avion pour New York et allèrent voir l’oncle de papa, le docteur John Walker, ancien cancérologue. Ils se mirent d'accord pour lui administrer immédiatement un nouveau médicament anticancéreux. Durant les sept mois qui suivirent, Robin et maman firent de nombreux allers-retours entre l’hôpital de New York et la maison. Mes parents décidèrent de me cacher sa maladie. Ma mère se souvient : « Nous nous en voulions beaucoup, mais nous pensions que cela aurait été un fardeau trop lourd pour un si petit bonhomme. » Plus tard, j’ai appris combien Robin était courageuse, forte et patiente en dépit de ses trois ans. Elle subissait à répétition des greffes de moelle osseuse et des transfusions sanguines. C'était angoissant et terriblement douloureux. La Docteure Charlotte Tan, pédiatre de l’établissement, disait :
– Je me souviens très bien d’elle parce qu’elle faisait partie de ces adorables enfants que l’on ne peut oublier […] Elle a toujours fait preuve d’une grande maturité. Il faut être une petite fille sacrément forte pour supporter une tente à oxygène et tout le reste quand on a trois ans.
Maman ne quittait pas une seconde Robin lors de ses hospitalisations à New York. Le choc et la douleur furent si terribles qu’à 28 ans ses cheveux devinrent gris. Papa s’occupait de tout à la maison, de mon petit frère Jeb, de moi-même et de sa récente Société. Quand il devait s’absenter, il nous confiait à des voisins. Heureusement que [4]grand-mère Dorothy lui envoya une nurse. Finalement, ce nouveau médicament engendra des effets secondaires qui provoquèrent une hémorragie. Une opération de dernière chance fut tentée. Robin n'y survécut pas. Mes parents repartirent immédiatement à Midland. Je revois comme si c’était hier, notre Oldsmobile verte, s’approcher doucement de l’école élémentaire. Tout de suite, j’ai dit à ma maîtresse :
– Ma mère, mon père et ma sœur sont de retour à la maison. Je peux aller les voir ? Je me rappelle avoir regardé dans la voiture et avoir cru voir Robin à l’arrière. J’avais cru la voir, mais elle n’y était pas. Dans la voiture, je savais que quelque chose n’allait pas ! Mais, je ne pouvais pas imaginer que ma sœur était partie définitivement au ciel. J’ai posé plusieurs questions dont je ne me souviens pas. Lorsqu’ils finirent par tout me dire, je me mis à frapper le siège de la voiture et à pleurer sans pouvoir m’arrêter. Pour un petit garçon, c’était très dur à comprendre. Je savais que Robin était malade, mais je n’avais jamais imaginé qu’elle était mourante. Lorsque nous arrivâmes à la maison, je me précipitais dans ma chambre. Je claquais très fort la porte et je déchirais la moitié de ma collection de cartes de base-ball que j’aimais beaucoup. Si je n’en déchirais que la moitié, c'est parce que maman entra dans ma chambre et m’arrêta :
– Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ? Répétais-je sans cesse.
Maman répondit avec tristesse et lassitude :
– Et bien, cela n’aurait rien changé.
Pourtant des années après, elle s’interrogeait toujours et un jour elle me dit :
– Je ne sais pas si c’était une bonne ou une mauvaise décision. Vraiment, je n’en sais rien.
Ma chère maman, mon cher papa, tout ce que je sais aujourd’hui, c’est que vous avez fait ce que vous pensiez être le mieux pour moi. Parce que moi aussi, avec Laura, nous sommes à notre tour des parents et que nous avons deux filles.
La vie continue
Sans le montrer, mon père souffrait autant que ma mère. Tout au long de la maladie de Robin, maman fut héroïque. Mais quand ma petite sœur partit, elle s’effondra littéralement. Papa demeura formidable à tous les égards. Maman lui fit un merveilleux hommage : Il me prenait dans ses bras pour me faire partager son chagrin et me faire comprendre qu’il était aussi grand que le mien. Il ne voulait pas laisser mon chagrin nous séparer, nous éloigner l’un de l’autre, ce qui arrive si souvent après une telle perte. Et aussi longtemps que je vivrai, je serai respectueuse et reconnaissante envers mon mari d’avoir fait preuve d’une si grande compréhension.
Moi aussi, je me faisais beaucoup de souci et je voulais absolument m’occuper d’elle. Surtout quand papa ne pouvait pas être à la maison à cause de sa société. Alors je devenais le chef de famille et je devais veiller sur tout le monde. Un après-midi, mes copains vinrent me chercher pour jouer. Maman s’était assoupie dans son fauteuil. En baissant la voix, je leur dis :
– Je ne peux pas jouer aujourd’hui parce que je dois rester avec ma mère. Elle est si malheureuse.
Des années après, je sus qu’elle avait tout entendu.
– Cela marqua le début de ma guérison. Je me suis rendu compte que j’étais un fardeau trop lourd à porter pour un petit garçon de sept ans. […] J’avais fini par me reposer et de plus en plus sur lui. Nos amis nous en faisaient d’ailleurs la remarque. À l’époque, j’avais bien sûr Jeby, petit bébé. Mais George était si mignon, si drôle et si aidant avec moi. […] C’est là que j’ai compris que mes amis avaient raison. Et à partir de là, j’ai lâché un petit peu de lest et je lui ai rendu sa liberté.
Je pensais souvent à Robin. Un jour, je questionnais mon père.
– Avez-vous enterré Robin couché ou debout ?
Il fut surpris :
– Junior, pourquoi me demandes-tu ça ?
– À l’école, j’ai appris que la terre tournait et je voulais savoir si elle passait une partie de son temps la tête en bas.
Une autre fois, nous assistions à un match de foot :
– Papa, j’aimerais être à la place de Robin.
Surpris, il me demanda pourquoi.
– Eh bien, elle est mieux placée que nous ! Je parie que d’en haut elle voit cent fois mieux le match que nous.
Le 22 janvier 1955, environ 15 mois après la mort de Robin, naît Neil Mallon. Le 22 octobre 1956, c'est au tour de Marvin Pierce. Dans une lettre, maman écrivait à sa mère. Nous avons besoin d’une fille, nous en avions une autrefois. Elle se battait, pleurait, jouait et suivait son chemin comme les autres. Mais elle dégageait une certaine douceur. Son calme me donnait l’impression d’être forte et tellement importante.
Quand on parlait de Robin, elle disait :
– Ce que je vais faire ; je vais essayer d’avoir une autre fille.
Enfin, Dieu l’exauça ! Le 18 août 1959 naît Dorothy. C’était incroyable ! Doro, c’est Robin en brune et en plus agitée. Elles se ressemblent tellement que Papa et Maman ont tous les deux appelé Dorothy « Robin » […] J’ai honte de l’avouer, mais j’ai réellement détesté Doro pendant un ou deux mois après sa naissance. Personne dans la famille ne prononçait plus le nom de Robin et j’avais l’impression à l’époque qu’ils étaient tous aux pieds de Doro comme si c’était la réincarnation du Tout-Puissant. Il faut garder à l’esprit qu'à l'époque, j’étais jeune. Mes sentiments et mes émotions étaient confus, mais je ne pense pas que personne, pas même ma mère, n’a su qu’un peu de moi était mort avec Robin. Pendant un certain temps, la vision de cette nouvelle petite sœur n’a fait que rappeler le sentiment de perte que j’avais ressenti.
Dans les années cinquante, mon père assura à sa famille la sécurité financière et il fit construire la première piscine privée de Midland. Nous commencions à vivre le rêve américain comme mon père le concevait. Mère, comme d’habitude, résume bien notre vie. Durant cette période, les journées étaient longues, mais les années passaient vite. Entre les couches, les nez qui coulaient, les maux d’oreille, un nombre inimaginable de matchs de jeunes joueurs, les amygdales, les courses imprévues vers les urgences de l’hôpital, l’église et le catéchisme, les heures à presser les enfants de faire leurs devoirs, les petits bras potelés autour du cou, les baisers poisseux et les moments chaotiques – pas beaucoup, mais quelques-uns – où j’avais l’impression que je ne pourrais plus jamais m’amuser et où je devais affronter le sentiment que mon mari, tout à son excitation du lancement d’une petite entreprise et de ses voyages à travers le monde, était loin de m’ennuyer.
Lorsqu’il était à l’extérieur, maman disait que je devenais son « meilleur ami ». Également le père de mes frères et ma sœur. J’allais alors, au collège de San Jacinto. En quatrième, on me bombarda délégué. L’après-midi, en rentrant du lycée ou d’un entraînement de base-ball, j’aidais maman à faire le ménage. Ensuite, je faisais quelques demi-volées avec Jeb dans le jardin. En été, j’apprenais Marvin à nager. Changer les couches de ma petite sœur ne me faisait pas peur. Je fus le premier à remarquer que Neil avait des problèmes de lecture. Le bougre fut assez malin pour dissimuler jusqu’à l’âge de huit ans. Mais c’était compter sans moi. Je veillais au grain et depuis un certain temps je l’observais. Après des examens approfondis, il s’avéra qu’il souffrait de dyslexie, ce qui expliquait ses difficultés à lire. À l’époque, la dyslexie était encore méconnue. Maman a travaillé dur avec Neil, le disciplinant, l’entraînant et l’encourageant. C’est elle qui a vraiment consacré du temps à s’assurer que Neil puisse apprendre l’essentiel.
Je ne pourrais pas mieux terminer ce chapitre sur mon enfance qu’en vous citant ses paroles. Je repense à ces années passées au Texas occidental et je me demande comment j’aurais fait sans mon fils aîné. Il n’a jamais grommelé ou rouspété (même s’il me traitait tout bas de « Renard gris » lorsque je le mettais en colère.) J’ai probablement mis plus de responsabilités sur ses épaules que je n’aurais dû le faire, surtout pour un garçon de cet âge. Mais vers qui d’autre aurais-je pu me tourner avec son père qui était souvent absent à cette époque ? C’était mon rocher de Gibraltar, tout simplement, et cela explique que nous ayons une relation très privilégiée.
[1] Sa grand-mère paternelle
[2]La Rangée d’Oeufs de Pâque
[3] Un article du New York Times du 21 mai 2000
[4] La mère de George H. W. Bush
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
L’adolescent
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le jeune homme
L’université de Yale
En 1964, malgré mes notes minables obtenues à Andover je rentre à Yale pistonné par ma famille et leurs relations. En particulier grâce à grand-père Prescott, qui fut de 1944 à 1956 un des administrateurs de cette prestigieuse université. Par la suite, à qui voulait m’entendre, j’affirmais que c’était par mes propres mérites.
– C’est parce que j’avais dans l’idée d’essayer de tirer le meilleur parti de la vie et de faire un maximum de chose que j’ai opté pour Yale […] Il y avait aussi cette notion d’être en contact avec les gens venant tous d’horizons différents, comme c’est le cas sur la côte Est. J’aimais cette atmosphère.
La seule chose que je concédais :
– Je n’ai pas fait des merveilles à Yale, mais j’avais toujours à cœur de réussir. J’étais un étudiant très moyen. Mes parents étaient inquiets de voir tous les efforts que je faisais pour montrer de quoi j’étais capable.
Je me souviens le 21 mai 2001, je me trouvais justement à Yale, pour la cérémonie de remise des diplômes, devant une centaine d’étudiants tous vêtus de leur chapeau et costume universitaire. Pour la circonstance, je portais moi aussi la même toque et la même toge. Aussitôt, mes souvenirs de potache refirent surface et mon côté clown d’alors se manifesta tout naturellement :
– À ceux d’entre vous qui ont obtenu honneurs et diplômes. Je dis bravo…
Puis, comme je le fais lorsque je m’apprête à sortir une bonne vanne qui va faire tordre de rire l’assemblée, je plisse le front et les yeux en prenant un petit air narquois qui fait craquer tout le monde puis je penche légèrement la tête de côté. Ensuite, je prends mon temps pour donner le meilleur effet possible et enfin, je balance :
– Et aux étudiants médiocres…
Je me redresse et attends quelques secondes. Comme prévu, c’est une ovation. N’empêche que cela fait plaisir. Je les laisse à leur enthousiasme et applaudissements. Je permets à quelques secondes de filer pour susciter l’attente et le suspense et j’envoie enfin ma dernière tirade :
– Je dis… Vous pouvez devenir président des États-Unis !
Ce fut un triomphe tellement ce fut marrant ! Eh bien, figurez-vous que Norman Mailer, un écrivain marxiste décadent, a osé dire de moi :
– Nous avons le pire président de l’histoire des États-Unis. Il est arrogant, ignorant, totalement stupide dans tous les domaines. Sauf un : il a su se faire aimer par une large partie de la population ; la moins intelligente qui est très contente de lui, car devant l’étendue de sa bêtise ils peuvent se dirent : formidable ! Si ce crétin peut être président ?! Pourquoi pas moi ?
Avouez tout de même que c’est insultant, injuste et désobligeant pour un président des États-Unis ! Heureusement qu’il est mort en novembre 2007. Sinon j’aurais bien aimé le faire se suicider.
Avec mon entrée à Yale, l’année 1964 fut riche par d’autres événements familiaux. Grand-père Prescott, bien qu’âgé de 69 ans, était complètement usé, car il souffrait douloureusement de rhumatismes. Après 10 ans, il quitta son siège de sénateur et se retira dans ses nombreuses résidences familiales de Long Island dans le Connecticut, à Kennebunkport dans le Maine, ou dans sa retraite privée d'une île de Floride. Mon père entra en politique aux élections sénatoriales du Texas contre le sénateur démocrate Ralph Yarborough. Il fut battu. Juste après l’assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963, le nouveau président américain Lyndon Johnson relança à fond la guerre au Viet Nam. Il annula le retrait des troupes amorcé par Kennedy et au contraire en envoya de nouvelles. À Yale, la majorité des étudiants protestaient contre cette guerre. Ils allèrent jusqu’à faire circuler un manifeste demandant de s’engager à être prêt à quitter le pays ou à aller en prison plutôt que de partir au Viet Nam. Je n’ai pas signé. À vrai dire, cela ne me préoccupait pas du tout. Cependant, je crois que c’est à partir de ce temps-là que mon atavisme ancestral concernant la politique fit surface et que je commençais à m’y intéresser. Comme je suis quelqu’un de foncièrement modeste, je laisserai parler quelques-uns de mes amis qui pourront mieux que moi décrire le formidable gars que j’étais pendant mon séjour à Yale. Tous vantent ma mémoire visuelle et mon sens du contact. Jugez plutôt !
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Mon entrée dans la confrérie Delta Kappa Epsilon
C’était en 1966, lors de la cérémonie de bizutage pour entrer dans la confrérie DKE. Delta Kappa Epsilon fut créée en 1848 par 15 étudiants qui cherchaient à établir à la fois une fraternité et une camaraderie « ou le candidat le plus prisé devait combiner en égales proportions le gentilhomme, l’érudit et le brave gars ». Cette organisation compte parmi ses membres cinq des quarante-quatre présidents des États-Unis : Rutherford B. Hayes, Theodore Roosevelt, Gerald Ford, George HW Bush, et George W. Bush, Franklin Delano Roosevelt.
Nous sommes donc, une cinquantaine de postulants, à genoux, les mains derrière la tête, dans des baquets remplis d’eau. Autour de nous, dans un nuage de fumée et de vapeurs d’alcool, une cinquantaine d’anciens vocifèrent. Le maître de cérémonie nous oblige à garder cette position humiliante et quand on y déroge, il nous rappelle à l’ordre par un coup de baguette. Il nous pose aussi des devinettes. Lorsqu’il n’obtient pas la bonne réponse, il abreuve le candidat d’insultes reprises en chœur par les anciens tout en vidant bouteilles de whisky, vodka et cannettes de bière. Après les insultes, les coups de baguette au candidat, des suppléants introduisent un entonnoir dans la bouche et versent un cocktail de vodka jus d’orange. Ensuite, d’autres balancent dans son bac un bloc de glace, histoire de lui rafraîchir les idées. On nous fait chanter, alors qu’on se les gèle et qu’on claque des dents, on nous verse sur la tête de l’eau avec des arrosoirs. Après toutes ces humiliations, le président de la confrérie descend l’escalier en frappant chaque marche de sa canne de commandement :
[1]– Bien, je vois qu’on s’amuse bien.
Tout le monde approuve bruyamment, bêtement et bestialement.
– Ouais !…
– Bonsoir à vous chers camarades Deltakapaistes en devenir. C’est la semaine du serment, vous réussissez les épreuves, vous devenez un frère. Les frères Delta Kapa sont des hommes d’honneur, une grande naissance dotée d’une grande force de caractère. Ça, avec nos fortunes familiales fait que nous dirigeons le monde. Pas vrai, les frères ?!
– Ouais ! Ouais !
– Tant que vous n’êtes pas Delta Kapa, sachez que vous êtes toujours d’immondes tas de merde.
Il y avait à côté de moi Jim ; un gros avec des lunettes.
– Toi, donne-moi le nom des frères que tu connais dans cette salle.
Le pauvre Jim ne put donner que 4 noms.
– 4 noms sur 50, c’est tout. Peut-être que tu t’en souviendras d’autres après avoir bu un coup.
On lui enfile l’entonnoir dans la bouche et on déverse une bouteille de whisky. Le pauvre Jim recracha le liquide et subit à nouveau le traitement sous les huées et les rires.
C’est mon tour.
– Et toi, ma grande, crois-tu que tu peux mieux faire ?
– Oui, chef, je crois que je peux faire mieux !
– Alors, vas-y !
Je leur sors le nom de tous les anciens. Ils restent ahuris et satisfaits, fiers d’entendre chacun leur nom. C’est vrai, ma mémoire d’éléphant est mon fort et elle m’a toujours servi.
– Ouais ! On a un cerveau qui marche ici ! Il vient tout droit du Texas. Il va être un des grands de Delta Kapa !
– T’as de la famille ?
– Oh oui ! Le père, le grand-père. Ça remonte jusqu’aux arrière-grands-pères.
– Pour tous les ignares, qui ne sont pas au courant, son grand-père était un grand sénateur du Connecticut.
– Oui ! Et mon père se présente aux élections au Texas.
– Tu comptes marcher sur les traces de tes précurseurs, Bush ?
– Oh ! Non ! Pour rien au monde, je veux faire ça !
Tout le monde se met à rire. Un frère me tend une cannette de bière que je vide d’un seul trait. Clay Johnson fut mon camarade à Andover et à Yale et était avec moi lors de notre bizutage, il confirme mon histoire.
– Je me souviens de la fois ou Junior et moi fîmes notre entrée dans la confrérie la seconde année, à l’université où nos aînés nous ordonnaient de nous lever et d’essayer de citer le nom des cinquante autres initiés […] On se levait et on en citait trois ou quatre en moyenne. George s’est levé et a cité le nom des cinquante. Il s’intéressait tellement aux gens qu’il se souvenait de leur nom. Il s’appuie sur les noms comme d’autres s’appuient sur les chiffres. […] Notre confrérie s’était rendue célèbre pour ses soirées tapageuses où la bière coulait à flot et pour son côté horde sauvage. Je pense que les 50 élèves bizutés que nous étions à cette époque vous répondraient tous comme moi : quand on est jeunes et cons, il y a juste à attendre que ça passe.
Roland Betts, ami depuis Yale, président de Silver Screen Management of New York, une société de financement de films, ajoute :
– Il s’intéresse tellement aux gens. Ils le ressentent et y sont sensibles. […] Ce n’était pas le plus élégant. Ce n’était pas le plus athlétique. On pourrait dire que cet aspect-là c’est juste Bush, l’homme politique ; quelque chose qu’il a appris de son père. Mais je peux vous assurer que lorsque j’ai connu George en 1964, il abordait n’importe qui, absolument n’importe qui, et disait en tendant la main : « Hey, je suis George Bush » et il se mettait à discuter. Le nom de George Bush n’évoquait rien pour personne. C’était simplement sa nature. Depuis 25 ans, je le connais, je ne pense pas qu’il ait changé le moins du monde. Il n’est ni prétentieux ni exploiteur. George a un charme très désarmant.
Christopher Tilghman, romancier, journaliste et chroniqueur, confirme :
– Il était exactement comme cela. Il avait cette aisance incontestable avec les gens. La façon dont il vous regardait dans les yeux en vous serrant la main, la façon directe dont il s’exprimait ; c’est difficile à décrire, mais en fait vous repartiez en vous disant qu’il était plus intéressant que l’étudiant moyen.
Lanny J. Davis. Je fis sa connaissance à Yale et il sera le conseiller juridique de Clinton :
– Bush avait la faculté de saisir l’essence de quelqu’un très rapidement. Était-ce un enfant gâté, un gosse de riche ? Absolument pas ! S’il y a une chose qui transparaissait, c’était son absence de prétention. Vous n’auriez jamais deviné qui était son père ni de quel genre de famille il venait. Rien, en lui, n’évoquait une quelconque hiérarchie.
[1] Dialogues et scène du film W. d’Oliver Stone
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
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EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Lorsque j’étais président de Delta Kappa Epsilon
Durant mes années d’études, j’avoue n’avoir « jamais été un grand intellectuel ». Juste un étudiant très moyen en histoire qui fut la spécialité que j’avais choisie. Cependant, j’étais très populaire, un boute-en-train de première, « un gars débordant d’énergie, en compagnie duquel on s’amusait bien ». Je n’avais pas mon pareil pour mettre l’ambiance et ma sélection à DKE, certainement, je ne la dois pas à mon érudition, ni à mes qualités de gentilhomme, mais seulement au fait que j’étais considéré comme un brave gars. Au point que j’ai été, en 1966, proclamé président de la confrérie. Vous n’allez pas me dire que ce n’était pas prémonitoire ! J’organisais souvent des soirées avec orchestre. On dansait. On flirtait. On buvait beaucoup d’alcool. Russ Walker assure que lors d’une soirée trop arrosée, ivre mort, je suis tombé et me mis à dévaler la rue. Je suis rentré littéralement au dortoir en roulant sur moi-même. Pendant ma présidence, juste pour nous amuser, avec quelques camarades, nous volâmes une décoration de Noël dans un magasin. Nous nous fîmes piquer. La police avertie débarqua et un policier me demanda :
– Pourquoi avez-vous fait ça ?
Je ne me suis pas dégonflé :
– Nous libérons une couronne de Noël. Ne comprenez-vous pas qu’il nous manque une guirlande de Noël au local de Delta Kappa Epsilon ?
Ils nous ont gardés un certain temps au frais et nous ont libérés grâce à l’intervention d’un ami de mon père. Mon ami Tom Seligson explique bien pourquoi j’en étais arrivé là.
– Je pense que George, comme chacun d’entre nous, avait souffert des contraintes et voulait probablement rattraper le temps perdu. Les années d’université sont l’époque du défoulement. Je n’ai jamais vu Bush prendre de la drogue. Mais s’il ne prenait pas de ma marijuana à cette époque, alors c’était un vrai zombie.
Je dois vous parler maintenant de Steve Weisman, ancien étudiant de Yale. Il est chroniqueur pour le New York Times. À l’époque, j’étais, le chef de bande de DKE. Il écrivit un article dans le Yale Daily News qui dénonçait des rites d’initiation sadiques et obscènes sur les nouveaux venus consistant entre autres à leur appliquer un fer « rouge brûlant » au creux des reins. De plus, il produisit une photo montrant une cicatrice dans le dos ayant la forme de lettre lambda large d’un centimètre. À l’époque, je défendais, auprès du Yale Daily New, cette pratique, j’expliquais à Weisman complètement bouché à l’émeri.
– La blessure qui en résultait n’était pas plus méchante qu’une brûlure de cigarette. […] Je suis étonné qu’on fasse des histoires à propos de marquage. Dans les universités du Texas, on utilisait des aiguillons.
Puis d’un revers de main, je renvoyais aux oubliettes cette affaire qui pour moi n’avait aucun sens ni aucune importance. Je crois que ce fut précisément à cette époque que je pris l’habitude de renvoyer d’un revers de main tout ce qui m’agaçait profondément les gens comme les choses et que je balançais, avec un rire moqueur, mon habituelle formule : Ah ! J’étais jeune et irresponsable ! Lorsque j’étais jeune et irresponsable, je me comportais comme un irresponsable.
Le New week, en date, 16 novembre 1998 publiait, un article faisant mon portrait. Il est allé à Yale, mais sa matière de prédilection semble avoir été de boire de la bière à la Deke House.
Papa n’essayait jamais vraiment de diriger ma vie. Le pire qu’il pouvait m’arriver est qu’il me dise que je l’avais déçu. Souvent, pour rejoindre une petite amie, j’ai laissé tomber des jobs d’été que mon père m’avait dégotté. Une année, il fut très mécontent. Je travaillais depuis deux jours dans une exploitation pétrolière. Je passais mon temps à grimper au sommet du derrick et à descendre pour huiler nettoyer les tiges de forage selon les bons vouloirs de mon chef d’équipe qui était un tortionnaire des plus vicieux. Je baignais littéralement dans la sueur, la graisse, le cambouis. J’avais constamment sur la tête un casque de chantiers que je ne devais pas quitter et que je détestais. [1]Ce jour-là, il faisait particulièrement chaud, je demande en espagnol à mon compagnon :
– Miguel, où sont les bières ?
– Les bières ? Ça va pas ! Il y a que de l’eau !
– Il fait très chaud !?
– Mon vieux. Ça, ce n’est rien ! C’est l’hiver comparé à ce qui va nous tomber le mois prochain !
Sans plus, je pars dans le mobil-room et je me sers une bière tirée du vieux frigo. Je m’apprête à prendre un peu de repos bien mérité et à me la siroter quand dans l’encadrement de la porte apparaît mon chef d’équipe. Un immense gars, faisant pas loin des deux mètres, avec une barbe ébouriffée jusqu’à la poitrine pleine de poils et une gueule infernale à vous déboucher les oreilles dès les premières syllabes :
– Hé ! Bush ! Qu’est ce que tu fous encore en dehors de la plateforme ? Tu bosses jusqu’à 18 heures !
– Je bois un petit coup, monsieur !
– Ah oui ! Eh bien ! Retourne là-bas ! Le moteur surchauffe. J’ai besoin de vous tous, bande de glands !
– Ouais, je sais bien, monsieur. Mais comprenez, je meurs de soif ! Et j’ai besoin de me reposer 10 minutes, là.
– Tu l’as déjà fait ta pause. On n’est pas dans une école de fils à papa friqués ici ! Alors maintenant, tu vas bouger ton petit cul et retourner au moteur avant qu’il t’arrive un problème.
Tranquillement, je me lève, je le toise en levant bien haut la tête vu qu’il me dépassait bien de 20 cm :
– Vous savez quoi monsieur ? Je crois que le petit cul, il va arrêter.
Je me remis à boire au goulot. Cela le mit encore plus en fureur :
– Tu vois les choses comme ça ? Eh bien, c’est parfait ! Alors, casse-toi de mon derrick !
– D’accord, je saute dans le prochain bus. Merci.
Je balançais royalement mes gants crasseux par-dessus mes épaules ainsi que mon casque et je sortis fier comme Artaban. Quelques jours plus tard, mon père me demanda de le joindre dans son bureau dans le centre de Houston. Il me dit simplement :
– Mon père m’aurait flanqué la raclée de ma vie si je m’étais comporté comme toi Junior. Ce n’est pas comme ça que ça marche avec moi ; avec notre famille. Dans notre famille et dans la vie, on respecte ses engagements. Tu m’as déçu.
Et ce fut tout. Mon père n’était pas rancunier, trois heures après le sermon, il m’invita avec ma petite amie à un match de base-ball. Papa apparemment excusait mon « irresponsabilité juvénile ». Mais il savait tout de moi, de mes bringues, conduite en état d’ivresse, excès de vitesse, petites amies. Avant d’être directeur de la CIA, il avait son KGB personnel en recrutant, des profs, des membres de la confrérie et même des camarades de chambre qui le tenaient au courant quotidiennement de mes frasques. Il sut le premier que j’avais un gros problème avec la boisson. Bizarrement, il ne m’a jamais rien dit. Il espérait que je me débarrasserais de cette mauvaise habitude lorsque je sortirais de l’université, mais c’était ne pas vouloir regarder la vérité en face.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
De nouveau le Skull & Bones
À la fin de l’année 1967, ma troisième et avant dernière année à Yale, je fus sélectionné, avec 14 autres étudiants pour intégrer la société secrète du Skull & Bones dont je vous ai entretenu dans un chapitre précédent.
« La confrérie Skull & Bones, créée par la promotion de Yale 1833, était le Saint des Saints ou la réelle élite pouvait se distinguer des simples privilégiés. Deux fois par semaine, après six heures du soir le jeudi et le dimanche, durant l’année universitaire, les membres se retrouvaient dans le « Tombeau » de la confrérie, construction en pierre sans fenêtre ressemblant à un mausolée de High Street, afin de « célébrer notre bref passage sur terre ». Tout comme les membres du Bohemian Club de Californie, ils accomplissaient leurs rituels en cercle fermé. Une séance traditionnelle consistait habituellement à demander à un membre de révéler scrupuleusement ses pensées les plus intimes et de détailler un nouveau chapitre de son « autobiographie sexuelle », tenant les autres dans un état de jouissance suprême.
Les histoires sexuelles permettaient de briser les défenses naturelles des membres, selon Lucius H. Biglow, avocat de Seattle à la retraite et ancien membre de la confrérie. De cette façon, vous faites s’impliquer tout le monde dans une certaine mesure », se souvient-il. C’était une façon d’instaurer progressivement la confiance. Le chantage que permettaient d’exercer de telles informations, cependant, était de toute évidence en permanence utilisé pour faire respecter la loyauté parmi les membres de la confrérie.
Lyman Bagg a raconté dans un ouvrage, « Quatre ans à Yale », paru anonymement en 1871, comment il analysait les mécanismes mis en place par l’institution. Ces pratiques autorisées reflètent selon lui le pouvoir énorme des coutumes de l’école dans la création d’une folie temporaire qui fait des hommes faibles des êtres cruels et des hommes bons des êtres sans pitié.
[1] Le cartel Bush ou l’itinéraire d’un fils privilégié de James Hatfield Page 40 (Édition Timéli Genève)
Mon mariage raté
L’année de mon entrée au Skull & Bones, j’ai failli me marier. Ouais ! Je vous assure, ce n’est pas une blague. Elle s’appelait Cathryn Lee Wolfman. Elle était la fille de juifs propriétaires d’un magasin de luxe. Je l’ai connue lors de notre déménagement à Houston. Lorsque j’étais à Andover, je la voyais de temps en temps. Notre relation devint sérieuse lorsqu’elle s’inscrivit à l’université de Rice à Houston et moi à Yale. Même si j’aimais courir la gueuse à Yale, lors des vacances, comme tous les amoureux du monde, nous nous promenions la main dans la main en ville, échangions des baisers dans les endroits retirés. Pour lui faire plaisir, nous allions aux matchs de tennis et en retour, elle m’accompagnait aux rencontres de base-ball. Nous assistions aux cocktails et à tous les événements mondains de la ville. Bref, de vrais tourtereaux malgré mes innombrables conquêtes féminines à Yale, dont les récits lors de certaines de nos réunions du jeudi et du dimanche au Temple où nous révélions « notre autobiographie sexuelle », tenaient en haleine et sous haute tension mes 14 camarades qui en redemandaient. Le premier janvier 1967, un article de la chronique mondaine du Houston Chronicle fit sensation avec comme titre : « Le fils du membre du Congrès va épouser une étudiante de Rice. » Pourtant six mois après l’annonce des fiançailles nous sommes devenus des étrangers l’un pour l’autre à cause de la distance géographique. J’étais fou d’elle. Pourtant, nous décidâmes de ne pas nous marier au moment prévu. Lorsque nous obtînmes notre diplôme, nous reportâmes, d’un commun accord, notre mariage d’une année. Puis nous annulâmes tout projet de vie commune. Il est vrai que dans le monde de ma famille, composé des plus vieilles fortunes de la côte Est et des nouvelles de celles de l’Ouest, des rumeurs déplaisantes et méprisantes circulaient au sujet de la famille « de marchands » et de son entourage juif de mon ex-fiancée. N’empêche que j’en fus très affecté, car nous étions de bons amis. En plus, étant donné les nouvelles du Vietnam, j’avais peur de partir pour rejoindre le demi-million de jeunes recrues et finir parmi les 350 qui tombaient chaque semaine.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
L’étudiant diplômé
En 1968, j’obtiens mon diplôme d’histoire. Mon père me fit un chèque de 17 000 dollars pour poursuivre mes études. Le vieux ne s’était pas foulé. Par certains côtés, il avait des oursins dans les fouilles. Surtout quand il s’agissait de sa famille. Il considérait que mon diplôme d’histoire ne me mènerait pas à grand-chose et espérait que j’utilise son fric pour suivre une formation en commerce ou en droit. Je n’en fis rien et je dépensais l’argent comme je savais si bien le faire en festoyant avec mes amis et petites amies. Je laissais filer le temps. Le réveil fut rude, car mon sursis, en tant qu’étudiant, prit fin. Ce qui voulait dire que je devais faire mon service militaire avec une grande chance de partir au Vietnam !
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
La Garde nationale
Je ne voulais pas partir faire la guerre, mais j’étais conscient que je ne pouvais pas casser ou tout au moins porter préjudice à la carrière politique de papa qui s’annonçait prometteuse après son élection au Congrès en 1966. Il m’en aurait trop voulu et rendu ma vie impossible. Il fallait bien que je fasse mon service militaire. Mais où et comment pour m’éviter le casse-pipe ?! Sans me le dire ouvertement, ma famille et les relations parentales me conseillèrent d’aller voir auprès de la Garde nationale pour m’enrôler. Bien vite, je compris que cette armée de réserve était une manière d’échapper au Vietnam. En effet, il n’y eut que 15 000 soldats sur plus d’un million qui y furent envoyés. En 1968, lorsque je postulais pour y entrer, il y avait une liste d’attente qui s’élevait à environ 100 000 noms. Autant dire que c’était mission impossible pour tirer le bon numéro en arrivant à la 100001e place.
Le commandant de la Garde s’appelait Walter « Buck » Staudt. À plusieurs reprises, il eut l’occasion de rencontrer mon père au Congrès. Je fus donc « miraculeusement » retenu pour entrer dans la Garde et le commandant paraissait très satisfait d’avoir sous sa coupe le fils aîné d’un sénateur, lui-même fils d’un autre sénateur, ami personnel d'Eisenhower et dont Nixon, lui-même, disait qu’il fut son mentor. Il se fit un devoir de faire venir la presse à une cérémonie spécialement pour moi et tint personnellement à me faire prêter serment. Alors que je m’étais engagé comme simple deuxième classe, je fus promu seulement quelques mois plus tard au grade de sous-lieutenant. Paraît-il que ce fut une des promotions la plus fulgurante des annales militaires. Mon commandant clamait à qui voulait l’entendre :
– Bush remplit tous les critères requis pour ce programme !
Beaucoup, n’étant pas convaincus, faisaient comprendre qu’il y avait dans cette nomination du piston dans l’air. Le commandant organisa une nouvelle cérémonie en mon honneur dans son bureau pour fêter dignement ma barrette d’officier. La presse fut convoquée et mon célèbre père vint spécialement de Washington pour m’épingler les galons. Comment douter un seul instant que le commandant voulait à tout prix se faire bien voir par mon père ? ! Il fut traité par les plus durs de lèche-cul et par les plus indulgents de lèche-bottes. Il n’empêche qu’à cette époque tout le monde savait que le pistonnage marchait pour « certains » gosses de riches. J’étais au courant pour certains de mes amis du DKE et du Skull & Bones. Alors pourquoi mes amis n’auraient-ils pas été au courant pour moi ? Toujours est-il que ni mon père, ni mon grand-père avant les trois années qui lui restaient à vivre ne m’ont soufflé mot. Pour moi, il n’était pas question que je leur en parle. Mais c’était tout comme ! Oui, c’était comme un accord tacite et silencieux entre nous. On n’avait pas besoin de se parler. Ils savaient tellement bien faire, surtout grand-père, quand il s’agissait de suggérer sans même avoir l’air de demander ou même exiger un « service » en échange d’un retour d’ascenseur s’il était exaucé. Ou, dans le cas contraire, d’un retour de bâton.[1] John DeCamp était très clair à ce sujet :
– Dans les années soixante, vous aviez des garçons avec de l’argent et de l’influence qui ne voulaient pas aller au Vietnam et se débrouillaient pour intégrer la Garde nationale. Et puis vous en aviez d’autres n’ayant pas autant d’argent, dont certains ne voulaient pas aller au Vietnam, qui se sont engagés comme volontaires ou ont été appelés et sont partis. Et beaucoup d’entre eux, comme moi, ont reçu pas mal de balles, et un grand nombre se sont fait tout simplement tuer.
Un ancien directeur du personnel du Texas reconnaissait que des personnes haut placées pouvaient intervenir en faveur de certains « gosses de riches » :
– Évidemment, le gouverneur, le lieutenant-gouverneur et le speaker de la Chambre avaient une grande influence sur la Garde nationale. Et si vous regardez cette liste, vous verrez à côté du nom de George W. Bush, celui de nombreux fils de familles texanes politiquement influentes qui sont comme par hasard entrés dans la Garde – indépendamment des listes d’attente.
J’ai souvent été « cuisiné » par la presse, attaqué par mes adversaires qui voulaient que j’avoue que j’avais bénéficié d’un traitement de faveur pour entrer dans la Garde malgré la fabuleuse liste d’attente. Jusqu’à présent, je ne m’en suis pas trop mal sorti.
– Bon d’accord, on pourra toujours prétendre que j’ai essayé de tout faire pour ne pas être soldat, mais moi j’ai sauté sur la première opportunité pour être pilote et j’ai accompli mes obligations militaires. […] Si mon unité avait été appelée, je serais parti au Vietnam. Je m’étais préparé à partir.
Et le plus souvent, je terminais toujours en plaisantant :
– Ils ont deviné que j’allais être l’un des plus grands pilotes de tous les temps. Je ne prétends pas avoir été un grand héros de guerre […], mais je veux que vous compreniez que piloter des avions de chasse F-1021, mettre l’engin en combustion au bout d’une piste revenait ni plus ni moins à faire partie de l’armée. Je ne dirais pas forcément que c’était risqué, mais nous avons perdu deux gars dans notre unité.
Bien sûr, cela n’a rien à voir avec les 153 300 blessés et 58 209 tués sur le terrain ni avec le genre de vie qui prévalait au Vietnam comparé à celui que je vivais à la base de San Antonio. Je sais que 90 000 jeunes refusèrent l’incorporation et désertèrent au Canada. Il est reconnu que des milliers préférèrent intégrer la Garde nationale pour éviter le Vietnam et beaucoup se firent pistonner. Je sais qu’on me soupçonne d’en faire partie. Mais tout de même ! Je n’ai pas honte le moins du monde de ce que j’ai fait.
[1]John William DeCamp né le 6 juillet 1941 à Neligh dans le Nebraska. Sénateur du Nebraska de 1971 à 1987. Vétéran du Vietnam
Le pilote
Ainsi, non seulement, j’eus le privilège d’entrer à la Garde nationale, de voir le spectre du Vietnam s’éloigner définitivement, d’être promu sous-lieutenant, mais en plus, mon commandant après ma formation à la base aérienne de Lackland à San Antonio et ma promotion m’accorda exceptionnellement deux mois de vacances en Floride. Encore, paraît-il, du jamais vu !
En automne 1968, après ma période de villégiature, au volant de ma petite décapotable sport, une magnifique Triumph TR-6, je partis pour la base aérienne de Moody en Géorgie pour ma formation de pilote. Nous étions environ soixante-dix gars et j’étais le seul à provenir de la Garde nationale. Je n’étais pas dupe. Je savais que des rumeurs circulaient à mon sujet comme quoi j’étais pistonné par mon père, membre du Congrès, pour entrer dans la Garde et éviter le Vietnam. Pourtant, au cours du stage, je les retournais tous comme une crêpe. Et à fin, la plupart de mes camarades gardèrent un bon souvenir de moi.
Le colonel Ralph Anderson :
– C’était un gars très sociable, un bon pilote et un sacré rigolo. Je l’aimais beaucoup. C’était un gars qui savait boire, lorsque les futurs pilotes de chasse se retrouvaient après le travail au bar de la base. À la fin des années soixante, l’alcool ne courrait pas les rues à Valdosta et la fête du vendredi soir au Club des Officiers n’était pas triste. La bière coulait à flot et toutes les filles de la ville venaient. Tout le monde s’enivrait. Surtout, Junior qui souvent enlevait son uniforme et dansait nu sur le comptoir en chantant en play-back sur un air du chanteur un peu voyou George Jones, comme « White Ligtning » que diffusait le juke-box.
Un autre camarade :
– Au fond, il n’a fait que perpétuer la tradition des fêtes après l’université. Un jour, il obtenait son diplôme, le lendemain il s’engageait dans la Garde nationale et partait suivre une formation à San Antonio pendant quelques semaines. À partir de là, il n’a plus jamais levé le pied de l’accélérateur de la vie. Il a piloté, conduit des bolides, eu plus de maîtresses que Hugh Hefner et s’en est donné à cœur joie.
Ce que je peux dire c’est que j’ai travaillé dur même si je me suis bien amusé. Durant les journées de rude formation au pilotage en Géorgie. J’ai gardé tout mon sang-froid à une époque plutôt chaotique. Pour moi, cela avait un côté beaucoup plus pragmatique. Je ne suis pas très doué pour m’auto-psychanalyser, mais j’ai appris à piloter des avions. […] Vous lâchez les freins, vous donnez une pichenette sur la combustion et là vous avez un gros bruit d’explosion. Je me souviens avoir entendu au bout de piste dans une extrême concentration où plus rien ne compte que l’instant que vous êtes en train de vivre. […] Je me souviens que je disais partout où j’allais, que peu importait, d’où vous veniez et ce que vous faisiez, lorsque vous allumez un injecteur, vous vous concentrez sur cet instant. Piloter ces avions demandait une grande concentration.
En 1969, après ma formation de pilote, mon unité fut chargée de la défense aérienne du sud du pays et du golfe du Mexique. Promu lieutenant, je pris à nouveau du galon. Mon affectation à temps partiel me permit de participer à la campagne sénatoriale de mon père en 1970. Après deux ans, je me retrouvais libéré de mes obligations militaires. Un rapport d’évaluation me concernant affirmait : « Le lieutenant Bush est un jeune officier dynamique et social. Il ressort comme un excellent pilote d’intercepteur de chasseurs. »
Comme quoi quand on me demandait pourquoi je suis rentré dans la Garde alors qu’il y avait une liste d’attente de plus de 100 000 demandes et que je répondais en rigolant : « Ils ont deviné que j’allais être l’un des plus grands pilotes de tous les temps. » Je n’étais pas si loin que ça de la vérité.
Une histoire de fille
Entre 70 et 71, au cours de ma formation, je tombais amoureux d’une magnifique blonde géorgienne. Elle s’appelait autant que je me souvienne, « Judy ». Pour quelque temps, je laissais tomber mes compagnons de beuveries. Ce qui ne m’empêchait pas de picoler avec elle. Elle voulait qu’on se marie. Quand j’étais saoul, je lui promettais un grand mariage et tout le tralala. Lorsque je dessaoulais et qu’elle me rappelait ma promesse, je lui répondais :
– Je ne devais pas avoir toute ma raison quand je t’ai dit ça !
Un jour, j’étais avec Judy dans un bar passablement ivre. Elle me faisait la gueule et je n’aime pas quand une nana me fait la gueule ? J’essayais en vain de la dérider en la consolant :
[1]– Combien de fois il faut que je te le répète ? Tu es ma gonzesse, je te promets, avec toi, je suis aussi heureux qu’un lapin dans un champ de carottes !
– Quel avenir veux-tu qu’on ait ensemble si tu plaisantes tout le temps ?
– Oh ! Arrête ! Tu me plais et je suis complètement dingue de toi. On va aller à Houston, on va faire un super mariage à l’Église, avec tous les extra, avec tout le tralala.
– Dans quelle Église ?
– Ben ? J’étais épiscopalien… En fait non, j’étais presbytérien et ensuite on est devenus épiscopaliens. Finalement, je ne sais plus…
– Et bien, moi, je suis baptiste !
– Épiscopaliens, baptistes, qu’est ce qu’on en a à foutre ! Tu vas devenir une des nôtres. Une Bush ! Alors qu’est-ce que tu en dis ma cocotte ?
– Tu le penses ?
– Ouais !
– Tu peux le jurer ?
– Ouais ! Et ensuite, on ira à New York. Tu es déjà allé à New York ?
– Non…
– Ah les lumières ! C’est encore plus grand que Dallas ! Je vais bosser à Wall Street, tu sais, j’ai un oncle qui m’a trouvé un job. Il m’a dit : « Dis-moi juste quand tu viens ! » Voilà, tu imagines la montagne de pognon qu’on va se faire ?
– New York ?! J’en ai rêvé.
– Et bien, tu peux maintenant.
– George ? Est-ce que tu me demandes de t’épouser ? me demande-t-elle à la fois inquiète et prête à tout croire.
– Euh ! Eh bien, si j’avais une pierre assez grosse je te l’offrirais tout de suite.
Elle ouvre grand la bouche avec des yeux ronds comme des billes et pousse un grand cri de joie en me sautant au cou et me roule un patin à faire pâlir de jalousie Reagan avec Jane Wyman. Elle ne me faisait plus la gueule. Il ne lui en fallait pas beaucoup. Il faut savoir s’y prendre avec les gonzesses et moi, sans me vanter, j’étais un spécialiste. Juste en ce moment, le Juke-box joue une de mes chansons préférées. Sans plus attendre je la fais grimper sur le comptoir, je la rejoins et on met une sacrée ambiance en nous trémoussant comme des forcenés.
Malheureusement quelques jours plus tard, rebelote, mon père me convoque dans son bureau. Je rentre. Il me fait signe d’attendre, le temps de finir sa communication téléphonique. Cela me donne le temps de contempler les photos avec le vieux en compagnie de tous les dirigeants de la planète, avec ses médailles, ses diplômes...
– [2] À nous deux maintenant, assieds-toi. Si ma mémoire est bonne, tu n’as pas aimé vendre des articles de sport, ni ton boulot sur les derricks. Travailler dans des sociétés de placements ce n’était pas pour toi non plus ! Cette place dans le ranch d’Arizona, ça n’a pas duré longtemps. Tu n’as pas spécialement brillé dans la Garde nationale, hein Junior ? D’ailleurs, ce n’est pas encore réglé cette affaire. Maintenant, il y a cette fille, Judy, qui commence à raconter partout que tu l’as mise en cloque !
Comme d’habitude, dès l’ouverture des hostilités, il commençait à me gonfler. J’essaye de me retenir en me montrant conciliant histoire d’arrondir les angles.
– Attends, papou, comment tu sais ça ?
– Les nouvelles vont vite, Junior.
– C’est des bobards, des conneries tout ça ! Papou, j’ai mis une capote. Je suis pas con ! Quoi !
– À quoi es-tu bon ? Faire la bringue, courir la gueuse et conduire bourré. Pour qui tu te prends ? Pour un Kennedy ! Tu es un Bush ! Comporte-toi comme un Bush ! Tu n’es même pas capable d’aller au bout d’un travail. On a toujours travaillé pour gagner notre vie ! Il est largement temps que tu rejoignes le reste du clan et que tu décides enfin ce que tu vas faire de ta vie.
– Je sais papa, mais comment dire ? J’ai du mal à me projeter dans les choses que je pourrai faire.
– Eh bien, il va falloir te projeter bientôt Junior. To frère Jeb a intégré l’élite Alpha Beta Kapa.
– Écoute Jeb, c’est pas moi, je n’ai pas envie d’être Jeb Papou. Écoute, ce que j’aimerais vraiment, mais vraiment faire, c’est trouver un job dans le base-ball.
– Comment ça ? Tu ne sais pas jouer ? Tu veux être coach, tu essaies de pêcher la lune dans l’eau. Choisis quelque chose de concret. J’ai commencé dans les gisements de pétrole, moi ! Et j’espérais...
– Non, non, papa. Je vais m’accrocher. Je te jure. Je vais y arriver !
– Tu crois ? Tu peux y arriver ?
– Ouais !
– Tu étais d’accord pour travailler un certain temps et tu n’as pas tenu une seule fois parole. Pas une seule fois ! Dans notre famille ; la famille des Bush, nous honorons nos engagements.
Je ne savais plus quoi lui répondre.
– Je vais m’occuper de cette jeune femme.
Silence entre nous. Je comprends que l’entretien est terminé. Je me lève pour prendre congé. Et comme je m’y attendais :
– Tu m’as déçu Junior. Terriblement déçu !
– C’est tout !
– Oui !
Je file vers la porte et la fais claquer violemment en quittant la pièce. Quel triste sire le paternel ! Je me souviens, bien des années après que Kip Hollandsworth du journal Texas Monthly , si je me souviens bien, a écrit dans le le Washington Post : Si George père incarne pour les femmes le mari monotone qu’elles ont eu un jour, George fils évoque le fougueux ami de leur jeunesse. C’était un sacré numéro et les femmes lui tournaient volontiers autour. Ma pauvre mère n’a pas été à la fête tous les jours et elle n’avait pas besoin de mettre le nez dehors pour voir le mauvais temps. Quel emmerdeur, le vieux !
[1] Dialogue dans le film W. d’Oliver Stone
[2] Dialogue dans le film W. d’Oliver Stone
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
L’appel de l’Ouest
En 1975, à 30 ans, je décroche péniblement ma maîtrise en administration. Comme pour papa, il n’est pas question pour moi de bosser à Wall Street. La côte Est me sort par les yeux et les trous de nez. Je ressens l’Ouest comme un appel et mon cher vieux Texas me manque terriblement. J’enfourche ma vieille Oldsmobile Cutlass, peinte fraîchement à la bombe et arborant ses cinq printemps. Sans travail, sans rien me voilà parti à la recherche d’une nouvelle frontière comme papa, une trentaine année plus tôt. Arrivé à Tucson, dans l’Arizona, je fais une halte pour revoir James « Jimmy » Allison, un copain d’enfance avec qui j’ai bossé en 72 pour la campagne désastreuse de Winton Blount. Nous avons vidé comme il se doit quelques bières, parlé de l’industrie du gaz et du pétrole et de la façon dont quelqu’un qui est prêt à travailler dur et avec l’esprit vif pouvait aller de l’avant tout seul. Finalement, je débarque à Midland, la ville de ma jeunesse, bien décidé à réaliser mon rêve américain et montrer à mon père de quel bois je me chauffe. Mon père avait eu un paternel doté d’une personnalité écrasante et obtint une réussite exceptionnelle dans les affaires et la politique. Il en fut de même pour moi. Le mien eut l’intelligence de ne pas entrer en compétition directe avec le sien en réussissant différemment. Comme il disait si bien : Si j’étais psychanalyste, je pourrais en conclure que j’essayais de ne pas être en compétition avec mon père, mais de faire quelque chose par moi-même.
Comme je l’ai dit, je suis nul pour la psychanalyse. Mais chaque fois que je pense à mon vieux je constate que je l’adore et qu’en même temps je le déteste. Je veux au moins l’égaler. Non ! Je veux le dépasser pour l’emmerder, l’étonner, le rendre fier ! Pour qu’il me dise : « Junior, je suis fier de toi ! ». En tout cas, pour qu’il ne me balance plus jamais : « Junior, tu m’as déçu… très déçu ! » Jusqu’ici, malgré moi, par tradition familiale ou parce que c’est mon destin, j’avais emprunté le même chemin que mon père et à chaque étape je constatais sa supériorité et ma nullité. À Andover, il était toujours premier ; moi j’avais du mal à suivre. À Yale, il sortait major de sa promotion ; moi je décrochais péniblement un diplôme en histoire qui ne menait à rien. Il fut pilote et devint un héros de guerre ; je fus pilote dans la Garde nationale, mais pour éviter le Vietnam. Il quitta la côte West pour celle de l’Ouest en rêvant de découvrir un fabuleux champ de pétrole ; moi aussi je m’apprêtais une nouvelle fois à faire comme lui ! Quoi qu’il en soit, à nous deux, papa ! Mano à mano ! Je n’ai pas dit mon dernier mot ; rira bien qui rira le dernier
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
La drogue
Mon vieux, comme je l’ai dit plus haut, se lança en 1964 en politique et se présenta contre le sénateur démocrate Ralph Yarborough au Texas. Je fus à ses côtés pour sa première campagne où mon père taxait son adversaire de démagogue gauchiste et en réponse, se faisait traiter d'opportuniste par Ralph. Mon père fut battu pour ce premier mandat qu’il convoitait. Cela ne l’empêcha pas de se faire élire de 1966 et 1968 à la Chambre des représentants dans le 7e district du Texas. En 1970, de nouveau, il chercha à entrer au Sénat et se trouva cette fois face au démocrate Lloyd Bentsen, alors qu’il pensait prendre sa revanche avec Ralph Yarborough son vieux rival. Tout cela pour dire que pendant mon incorporation dans la Garde, j’avais beaucoup de congés grâce à mon généreux commandant toujours aux petits soins pour moi. Étant très désœuvré, comme d’habitude je faisais beaucoup de « conneries ». Me voyant à la dérive, mon père se souvint qu'au cours de sa campagne de 1964 je lui avais montré un certain savoir-faire que je savais faire savoir (surtout quand il s’agissait de dénigrer un adversaire). Pour ces deux raisons, il me trouva un job pour les sénatoriales de 1970. Il échoua une nouvelle fois et se retrouva alors sans fonction élective. Mon père fit preuve de courage et comme d’habitude, je lui tire mon chapeau. Plutôt que d’être réélu facilement à la Chambre des représentants, il préféra se lancer dans une campagne sénatoriale risquée. Ce courage dut être remarqué par Nixon qui en 1971, le nomma ambassadeur des États-Unis auprès des Nations unies.
Après cette période que je qualifie de « nomade ». J’habitais au-dessus d'un garage dans un studio que mes amis qualifiaient de dépotoir nauséabond. J’empilais une montagne de vêtements sales que j’amenais aux épouses de mes amis pour qu’elles veuillent bien me les laver. Cela ne me gênait pas de fouiller leur coffre à linge à la recherche de la chemise la moins sale. Joe O’Neill, un ami de l’époque ne me contredira pas, un jour il raconta à un journaliste :
– Je n’exagère pas. Un jour, j’enlève une chemise et il me dit : « Elle a l’air chouette ». Trois ou 4 ans après, il la portait toujours.
C’est vrai, j’ai toujours gardé un côté radin qui, à cette époque, a dû prendre des proportions considérables. Mes amis me taquinaient souvent sur mon sens particulièrement poussé de l’économie et s’extasiaient sur mon manque d’empressement proverbial quand il s’agissait de payer l’addition au restaurant. Je passais de nombreuses soirées qui s’achevaient au petit matin dans les bars à boire avec les copains. Mon père me trouva une place à mi-temps dans un conglomérat agricole qui appartenait à Robert Gow, un ancien cadre et ami de Yale de mon père. Je trouvais cet emploi trop ennuyeux et je le quittais après moins d’un an.
La cocaïne et moi
Pour couronner le tout, en 1972, j’avais donc 26 ans, je me fais arrêter pour possession de cocaïne, mais les traces de cette arrestation furent effacées à titre de faveur familiale spéciale en échange de travaux communautaires. Ainsi, au cours de cette année, pour me racheter, je travaillais comme moniteur dans une association d’Houston de lutte contre la pauvreté ; la Professionals United for Leadership League ou pour faire plus court la P.U.L.L. Cette société luttait contre la pauvreté dans les quartiers déshérités de Houston. De plus, mon père en était membre bienfaiteur et président honoraire. Durant ma période probatoire, j’ai conseillé, aidé des jeunes délinquants en leur enseignant le basket et la lutte, en les amenant visiter des prisons de mineurs dans un but éducatif et je n’ai pas touché à l’alcool. Encore moins à la drogue. C’est incroyable, mais j’ai pris ce travail au sérieux et j’ai donné le meilleur de moi-même. Jamais je ne me suis senti aussi bien. J'étais tellement en paix avec moi-même ! C’était comme une rédemption ! Au point qu’Ernie Ladd, un joueur professionnel de football américain, disait :
– C’était la première fois que tous ces gosses adoraient un blanc ! […] C’était un super mec […]. S'il avait été un salaud, je dirais qu'il était un salaud. Mais tout le monde l'aimait tellement. Il avait une façon avec les gens. . . Ils ne voulaient pas qu'il parte.
Un autre collègue trente ans après :
– Je me souviens comme si c’était hier, des liens qu’il tissait avec les gamins, à tel point que ces derniers voulaient qu’il les amène chez lui.
Une autre collègue Muriel Henderson :
– Junior était si réaliste que, pour être honnête, j’ai vraiment cru qu’il s’agissait d’un pauvre gars qui essayait de trouver sa place dans le monde
Doug Hannah, un ami,
– En un sens, cela n’était pas faux. Je pense que George ne savait pas quel chemin prendre essayant de savoir s’il pouvait réellement faire autre chose que de suivre les traces de son père.
Au cours de l’année 1972, toujours grâce à mon père, je fus embauché comme directeur politique pour la campagne sénatoriale de Winton « Red » Blount, un magnat de la construction et ancien Ministre des Postes et Télécommunications. Je partis pour Montgomery dans l’Alabama où je vécus trois mois. Il fut battu à plate couture. À ce qu’il paraît, j’ai laissé deux souvenirs : celui d’un joyeux luron qui ne pouvait s’empêcher de tripoter les filles et d’un gars qui venait au bureau en mocassin et sans chaussettes. Comme je ne pouvais pas décemment rester sans rien faire, j’ai déposé ma candidature à la faculté de droit de l’Université du Texas. J’essuyais un cuisant refus. J’en fus très irrité parce que je n’ai pas l’habitude qu’on me refuse quoi que ce soit. On me conseilla de déposer un dossier à Harvard Business School. Coup de bol, je fus accepté.
En décembre 1972, alors que mon père devait être nommé par Nixon président du Comité National Républicain, je partais pour Washington DC, pour passer les fêtes de Noël dans leur nouvelle résidence. À peine débarqué à la maison, j’embarquais mon frère Marvin, âgé de 15 ans chez un pote qui habitait dans le coin et que je n’avais pas revu depuis pas mal de temps. Comme d’habitude, nous arrosâmes un peu trop nos joyeuses retrouvailles et Marvin qui suivait les recommandations de son grand frère ne fut pas en reste. Sur le chemin de retour, nous avions mis la musique à fond et vidions une dernière fiole de whisky en faisant du slalom. Près d’arriver à la piaule, je heurtais la poubelle d’un voisin que je traînais dans un tintamarre assourdissant une bonne longueur de la route réveillant tout le monde à une heure avancée de la nuit. Arrivés chez nous, on continuait à se marrer. J’aperçus le rideau tiré et mon père avec son air des mauvais jours. Je lui criais :
[1]– Papou on est là !
Il laissa revenir le rideau et disparut de notre vue. Marvin malgré sa cuite commençait à avoir la trouille de sa vie. Au fur et à mesure que nous avancions vers la porte, il serrait de plus en plus les fesses. J’essayais de le rassurer.
– N’aie pas peur du vieux. Je vais me le faire.
Ce fut un énorme scandale dans le quartier et à la maison ce fut pire que tout. Mon père me fit convoquer par ma mère dans son bureau. Elle me supplia du regard, sans trop y croire voyant mon lamentable état, de faire profil bas devant le paternel. Mais j’étais complètement paf et j’avais cette nuit-là, en plus un trop-plein de mon père. Oui, c’est triste à dire, mais je cherchais la bagarre. Je voulais me le faire. À peine étions-nous entrés, il cria à Marvin d’aller dans sa chambre, je le lâchais et il partit en titubant sous le regard scandalisé du paternel.
– Tu n’as pas honte, il n’a que 15 ans. Je commence à en avoir marre de toutes tes conneries.
– Oh ! Oh ! Tu en as mare de moi ! Eh bien, je suis ravi de l’entendre ! Et tu sais pourquoi, parce que moi aussi j’en ai marre de toi ! Pour toute ma vie ! Encore plus même !
– Si je peux te donner un conseil, Junior, va faire un tour chez les alcooliques anonymes. Fais-toi aider !
– D’accord, merci, Monsieur ! Monsieur, comment ? Parfait ? Monsieur le héros de guerre ? Monsieur le Dieu Tout-Puissant !
Ma mère ne put s’empêcher de faire irruption dans le bureau :
– Comment oses-tu parler à ton père de cette manière ?
– Je parle de la façon dont j’ai envie de lui parler !
À ce moment précis, mon père cessa de me regarder. Il s’adressa uniquement à ma mère et semblait complètement m’ignorer, alors que Jeb, peiné et catastrophé, apparut dans l’encadrement de la porte.
– Quand est-ce que ce garçon va arrêter de se comporter comme un imbécile ? Combien d’autres chances espère-t-il qu’on va encore lui donner ?
Je ne peux pas supporter que mon père s’adresse à ma mère à mon sujet sans qu’il me regarde en face alors que je me trouvais à un mètre de lui, je l’apostrophe durement :
– Tu ne peux pas me le dire en face ? Pourquoi, tu lui dis à elle?... Bon, allez ! Ça suffit !
Je me débarrassais de mon blouson et le fixais durement :
– Allez, on y va ! « Mano à mano » ; tous les deux ! Ici ! Maintenant !
– C’est une correction que tu veux Junior ?!
– Oui ! C’est ce que je veux !
Déterminé, lui aussi, il s’avança vers moi.
– Arrête, Junior ! Tous les deux, arrêtez ! Vous avez perdu la tête ! crie ma mère.
Menaçant, je m'avançais vers lui.
– Vas-y ; le vieux, approche !
– Vas-y ; frappes pour voir si tu y arrives ! me répond-il narquois.
Au moment où j’allais me précipiter sur mon père, Jeb s’interposa et avec une force qui m’étonna au point qu’il m’envoya contre le mur :
– Ça suffit ! Tu te calmes !
Puis il s’adressa aux vieux :
– Tu ne te rends pas compte qu’il était en train de fêter un truc. Il a été admis à Harvard !
Ce fut comme un coup de foudre qui paralysa nos parents. Mère réagit la première :
– Quoi ? Mais George ? Pourquoi, tu ne nous l’as pas dit ?
– Parce que je n’irai pas. D’accord ! Je voulais simplement vous montrer que je pouvais être reçu. Vous m’aimez maintenant ?
– Calme-toi, il va changer d’avis ! Reprend le frérot.
– À ta place, je ne compterais pas dessus, mon petit Jeb !
Mon père ferma les yeux. Pendant un court instant, sans avoir reçu un seul coup de moi, il semblait complètement sonné. Ma mère lui lança :
– Vous m’avez fait peur avec vos histoires ! Très bien ! Alors il est reçu à Harvard… Tu pourrais reconnaître qu’il a du mérite !
Il se ressaisit rapidement et comme je m’y attendais, il ne me rata pas :
– Bien sûr qu’il a été reçu. Qui l’a pistonné à ton avis ! ?
Je me baissais pour ramasser mon blouson qui traînait à ses pieds. Tout en me relevant, je lui murmurais dans une lassitude infinie et un écœurement total :
– Toi ! …
Je quittais le bureau du paternel. Je ne savais pas si j’allais chialer dans ma chambre ou retourner me saouler à mort la gueule. J’optais pour intégrer mon plumard et ne plus penser à rien. Mais dormir, dormir, dormir !
***
Finalement n’ayant pas d’autre choix je suis allé à Harvard Business School. Comme pour Andover et Yale, ce fut très dur. Pourtant tout en m’amusant et en devenant populaire dans le campus, je travaillais dur pour me maintenir la tête juste au-dessus de l’eau. J’habitais un petit appartement dans une maison de trois étages et m’obligeait à faire tous les matins du jogging. J’échangeais mes mocassins contre des bottes de cow-boy que j’enfilais sans chaussettes également. Au fond de la classe, affublé de mon blouson d’aviateur, affalé sur ma chaise, avec l’envie de balancer mes pieds sur le bureau, je sortais mon crachoir et avec classe, j’expectorais mon tabac à chiquer.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
L’entrepreneur
Arrivé à Midland, je louais un garage dans une ruelle que je transformais rapidement en appartement qui d’après mes amis ressemblait à une « vraie décharge toxique ». Je prenais rendez-vous avec Walt Holton Jr. Sans prendre de gants, je lui dis : – Montrez-moi simplement comment consulter les registres des baux miniers et je me débrouillerai pour le reste. Walt, voyant que je n’avais qu’une vague idée de l’industrie pétrolière, gentiment me conseilla de travailler d’abord pour une grande compagnie pour me faire les dents et ensuite créer ma boîte. Je n’en fis rien de ses recommandations et je me lançais dans l’aventure avec fougue, revigoré par l’air de mon Texas et de ma chère ville de Midland. Je devins agent foncier indépendant à la recherche de titres et de droits miniers pour les pétroliers. Je me faisais payer cent dollars la journée. J’ai laissé quelques souvenirs de cette période héroïque. Tom Craddick, républicain de la Chambre du Texas, me connaissait depuis trente ans : – Lorsque George est revenu à Midland, il a emprunté un bureau, il a emprunté des clubs de golf, il a emprunté des chaussures […] Il était rare de le voir porter une chemise propre. D’ailleurs, un prix récompensant le golfeur le plus mal habillé avait été créé en son honneur au Country Club de Midland. Walt Holton : – On aurait dit qu’il avait passé lui-même en peinture sa Cutlass bleue de 1970. On aurait dit qu’elle allait exploser chaque fois qu’il la conduisait. Don Evans que j’ai rencontré pour la première fois en 1975 et qui depuis est resté un conseiller, un ami et un collecteur de fonds pour mes campagnes futures : – À ma connaissance, il ne possédait rien. Il vivait dans une décharge. Il avait l’habitude de porter son linge sale chez nous. Nous étions simplement des nouveaux venus rêvant de découvrir un champ pétrolier quelque part. Je portais les chaussures de golf de mon riche oncle qui me serraient tellement qu’elles semblaient prêtes à craquer. Pour toutes ces raisons, je me fis encore une solide réputation de radin. Quand je pense que j’avais traité [1]Poppy de pingre lorsqu’il me fit généreusement un chèque de 17 000 dollars pour continuer ma formation après Yale, je me rends compte que j’ai hérité de lui et de grand-père de ce côté grippe-sou. N’empêche que beaucoup m’aimaient bien. Les « anciens » ; ceux qui connaissaient « le grand George », c’est-à-dire mon père, se prirent, pour la plupart, d’affection pour moi. Peut-être à cause de mes longs cheveux bouclés. Ils m’appelaient « le petit George ». Je me souviens que lorsque c’était le cas, je détestais ça ! Quand ce n’était pas « le petit George », c’était le « grandiloquent fils Bush » parce qu’ils trouvaient que j’étais un vrai moulin à paroles. Je n’aimais pas non plus, car je ne pouvais supporter qu’on me ramène toujours à mon père ! J’en ai bavé pas mal.
***
En 1977, je créais ma compagnie de forage. Je lui donnais le nom Arbusto Energy. J’étais très content du nom « Arbusto », nom espagnol qui signifie « bush » ou buisson en français. Je fondais cette société grâce aux capitaux de James R. Barth, que j’ai connu dans la Garde nationale. Nous sommes devenus amis. Après notre libération, James réussit à vendre un avion à un certain Salem Ben Laden, héritier de la deuxième fortune d’Arabie Saoudite, le Saudibinladin Group. Après ce coup, il créa sa propre compagnie d’aviation. La famille Ben Laden fut très contente des premiers services de Bath. Ils sympathisèrent tellement, qu’elle l’engagea pour gérer leur fortune et investir en son nom au Texas. Détenant la signature James n’hésita pas à miser sur moi l’argent des Ben Laden et il investit 50 000 dollars. Je dois souligner que ma famille malgré sa richesse n’investit pas le moindre cent sur Arbusto. James avait aussi des relations avec la CIA à l’époque où mon père en était le directeur. Coïncidence, signe du destin, humour du Bon Dieu... ? Il est vrai que de mauvaises langues osèrent insinuer que la famille saoudienne, par l'intermédiaire de Bath, paria sur moi en investissant sur le nom que je porte. Toujours est-il que ma première société vit le jour grâce à l’argent de la famille de celui qui deviendra mon pire ennemi et celui de la planète.
[1] Nom affectueux donné au père de George Bush
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Ma première faillite : Arbusto
Ma société Arbusto malgré le boom pétrolier de la fin de l’année soixante-dix ne connut pas le succès que j’espérais. En 1980, le bilan de ma société fut désastreux. Je possédais moins de 50 000 dollars en espèces en banque et plus de la moitié de mes créances étaient des créances non recouvrées. Je devais 300 000 dollars à mes banques et 120 000 dollars à mes créanciers. Je me mis en tête de collecter « un capital initial » et créer une société de forage en nom collectif pour « décrocher le gros lot » ; terme qu’employaient les pétroliers signifiant découvrir un super gisement. Je comptais sur ma famille, leurs relations et les miennes pour trouver de gros financiers et industriels. Dans la collecte de fonds, il est vrai que j’excellais au point que beaucoup disaient que j’étais plus doué dans ce domaine que de celui de découvrir des puits de pétrole. Ce n’est pas mon ami Dennis « Wemus » Grubb qui les contredirait :
– Il n’a pas découvert de gros gisements. Sa force résidait dans la collecte de fonds. Il parvenait à obtenir de l’argent facilement grâce à son nom.
Que mon propre ami dise que si j’obtenais facilement l’argent, c’était grâce à mon père me déplaisait au plus haut point. David Gose, un géologue indépendant de Midland, enfonça le couteau dans la plaie :
– Junior, rassemblait l’argent par l’intermédiaire des amis de son père. Il n’y allait pas par quatre chemins. Le jeune Bush n’avait pas beaucoup de succès en tant que pétrolier. Ils l’ont accepté parce que son père était, ce que l’on sait.
J’enrageais lorsque j’entendais cela et j’essayais de donner d’autres explications pour que l’on pense que si je réussissais à collecter aussi facilement de l’argent ce n’était pas à cause du nom de mon père.
– Il s’agissait principalement d’amis de mon oncle. De mon oncle Jonathan Bush, important agent de change à New York qui m’avait présenté à ses clients. Russell Reynols Jr, qui était un vieil ami de la famille, pouvait en témoigner.
– John Bush m’a appelé un jour pour me parler de son neveu, George, qui était dans l’industrie pétrolière. Il m’a demandé si cela m’intéressait d’investir. George W. est donc venu me voir et je me suis dit que c’était une véritable star.
Vous voyez que mon père n'y était pour rien ! J’avais des atouts et je pouvais appâter les gens. Ça, je le savais ! J’ai toujours eu le coup pour manipuler les gens avec un sourire, une tape dans le dos, un mot pour rire et mille autres petits trucs que je ne peux dévoiler. A contrario, je sais aussi que je pouvais me faire manipuler si on savait bien me brosser dans le sens du poil. Finalement, je me suis retrouvé avec un pactole de cinq millions de dollars financés par plus de cinquante investisseurs. La plupart espérait un retour d’ascenseur dans un avenir plus ou moins proche. Comme le démontre cette remarque de [1]Larry Makinson.
– Les hommes politiques ont plus d’un tour dans leur sac et parfois les tours le plus subtils sont ceux que les gens préfèrent. Si vous pouvez aider le fils de quelqu’un dans une entreprise, c’est une façon dont vous pouvez établir des relations à long terme susceptible de se relever infiniment plus fructueuses que les dollars que vous avez investis dans une entreprise en démarrage.
Bien sûr, je me défendais bec et ongles contre de tels cafardages.
– Ce sont des personnes sensées et cela ne les intéressait pas de perdre de l’argent. Ce qui les intéressait, c’était gagner de l’argent […] Je pense que les idées sont plus importantes que mon nom. Les gens n’aiment pas jeter l’argent par les fenêtres.
Un ancien conseiller texan, dont j’ai oublié le nom (comme quoi je ne suis pas rancunier comme certains le disent) et qui de plus était collecteur de fonds pour le parti républicain, me déclara :
– Non, les gens n’aiment pas jeter l’argent par les fenêtres. Mais l’argent et le pouvoir sont liés. Les grands noms qui ont investi dans l’entreprise Bush espéraient de toute évidence obtenir un jour un retour sur leurs investissements.
Ma famille participa également à hauteur de 180 000 dollars.
[1] Directeur exécutif du Center for Responsive Politics ; groupe de recherche impartial de Washington
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Ma deuxième faillite : Bush Exploration
La dernière ligne droite pour constituer ma nouvelle société à nom collectif devait passer par une dernière négociation avec Philip A. Uzielli qui détenait Executive Ressource qui était une entreprise panaméenne et ami de James A. Backer III, le fidèle et irremplaçable assistant politique ; ministre et conseiller de mon père. Aux mauvaises langues qui y voyaient une explication de cause à effet, je répondais :
– Je l’ai su par la suite. Je ne le savais pas à l’époque.
Toujours est-il que Philip investit un million de dollars en échange de 10 % du capital social d’Arbusto. Je n’ai jamais été fort dans la langue de Shakespeare, mais, par contre, je ne me débrouillais pas trop mal en math : si un million de dollars représente 10 % du capital, le capital est de 10 millions de dollars. C’est mathématique et c’était loin de la valeur comptable de ma société qui se montait à 382 376 dollars ! Pour ceux qui s’étonnaient, j'affirmais :
– Uzielli fait un pari sur l’avenir…
Les principaux actionnaires estimèrent devoir changer le nom « Arbusto » en « Bush Exploration » que ça sonnerait mieux aux oreilles et sauteraient aussitôt aux yeux de nouveaux investisseurs. On changea donc le nom à la demande générale. Dommage ! J’aimais bien « Arbusto » ! Il faut dire qu’avec papa, qui était passé de sénateur, à ambassadeur à l’ONU, directeur de la CIA, puis vice-président des États-Unis, le nom de la famille avait pris du poids et de la valeur.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Ma troisième faillite : Spectrum 7 Energy Corp
En 1984, la situation devint catastrophique et j’échappais à faillite grâce au rachat de Bush Exploration par Spectrum 7 Energy Corp, une société texane dont les deux plus grands actionnaires étaient William DeWitt Jr. Et Mercer Reynolds III qui étaient supporters de papa et Reagan et m’aidèrent plus tard à acheter l’équipe de base-ball des Texas Rangers en 1989. DeWitt m’invita à un déjeuner au cours duquel il me proposa la place de président-directeur général, avec un salaire annuel de 75 000 dollars et 1,1 million d’actions. Bien sûr, j’acceptais ! C’était une véritable aubaine du ciel. Quoique !… J’appris par Paul Réa, un de mes meilleurs amis, que DeWitt aurait dit :
– C’est George qui nous intéressait vraiment, pas sa compagnie. […] Le nom de Bush était comme un sésame. Voilà un type avec qui les investisseurs acceptent immédiatement de discuter.
Le salut par Harken Energy Corp
En 1986, le prix du pétrole s’effondra. De nombreuses compagnies firent faillite. Spectrum 7 Energy Corp faillit connaître le même sort. Heureusement, la société de Dallas, la Harken Energy Corp la racheta. Je me retrouvais dans le conseil d’administration avec 600 000 dollars du capital d’Harken en échange de ma participation dans Spectrum et en plus consultant pour les « relations avec les investisseurs et les placements de capitaux » avec un salaire entre 80 000 et 100 000 dollars annuels. Une fois de plus, je ne m’en sortais pas trop mal face à ma troisième désastreuse faillite, en tirant au bon moment les marrons du feu ! Mais à force, je me demandais si je ne portais pas la poisse aux entreprises qui avaient à faire avec moi. Philip A. Uzielli, fut bien brave à mon égard.
– Cela se révéla désastreux, bien que ce ne fût pas la faute de George. Le Seigneur n’avait pas mis le pétrole à cet endroit.
S’il est vrai que c’était humiliant d’échouer aussi souvent et systématiquement je considérai que cela ne m’empêchait pas financièrement de m’en sortir de mieux en mieux et cela me consolait dans une large mesure. N’empêche que ces fiascos à répétitions me servirent quelques années plus tard pour étoffer mes discours lors de ma campagne pour le Gouvernement du Texas :
– Je sais de quoi je parle, moi aussi, plus que tout autre, j’ai dû souffrir pour mes entreprises pour les sortir de la débâcle des années quatre-vingt alors que le prix du baril s’écroulait chaque jour. J’ai appris à compatir aux combats quotidiens du Texan moyen. Tout le monde dans le Bassin Permien ressentait la même chose, et peu importait qui était votre père.
[1] Dialogue du Film W. d’Oliver Stone
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le conseiller de son père lors de la campagne 1988
Partie 1
L’occasion de mettre en œuvre les décisions que je pris cette soirée se présenta plus tôt que prévu. Ce fut, lors d’une soirée du 6 juillet 1986, au Broadmoor Hotel dans le Colorado. Nous célébrions, avec des couples amis, le 40e anniversaire de plusieurs d’entre nous, dont le mien. Alors qu’on discutait et plaisantait, le serveur se présente et me glisse à l’oreille : [1]– Monsieur, on vous demande au téléphone. – Bon Dieu ! Qui ça peut être ? – Monsieur le vice-président, monsieur. – Oh ! Zut ! Le vieux ! Bon, ya des moments où il faut être sérieux ! J’y vais. J’en ai pas pour longtemps. Je reviens de suite ! J’embrasse Laura, qui me murmure : – Donne-lui le bonjour de ma part. – Ouais ! Ouais ! Je me lève sous le regard inquiet de ma tendre épouse et me dirige vers une cabine téléphonique, que me désigne le serveur. Je me saisis de l’appareil qui pendait. – Papou ?! – Je voulais juste te souhaiter un bon anniversaire. J’espère que tu t’amuses bien ? – Ah ! Ça, pour m’amuser, je m’amuse bien ! Merci monsieur. – Et comment va Laura ? – Adorable comme toujours. – Et les filles ? – Elles sont rentrées à la maison, on avait envie de rester un peu seul tous les deux. – C’est une excellente chose. Ta mère et moi avons rarement réussi à faire ça. Tu sais, je me prépare pour me présenter aux élections de 88. – Oh ! Oui, monsieur, je trouve que c’est une super idée. – Jeb est trop occupé, il ne veut pas quitter la Floride. Tu pourrais me donner un coup de main ? Grand silence entre nous. Je suis pris au dépourvu. Que lui répondre ? J’essaie de gagner du temps de mettre de l’ordre dans mes idées et ma tête soudain en feu. – Dans quel sens ? – Tu serais prêt à venir à Washington, à m’aider à lancer ma campagne ? Nouveau silence. Amour, haine, reconnaissance, frustration comme un magma se déversent dans mon cœur et mon esprit. Je reste sans voix. Je bafouille. – Euh… – Oui ou non ? – Oui, monsieur. – À la bonne heure. Merci, junior. Il raccroche et je lâche : – Tu m’as encore baisé papou ! De retour à la table, tout en m’asseyant, je croise le regard inquiet de Laura. Je la rassure d’un pâle sourire : – Alors ? Qu’est-ce qu’il avait à te dire ? – Eh ! Bien ! On dirait qu’on va s’installer à Washington ? – D’accord ! Elle est formidable, ma Laura. Je savais que cela ne l’enchantait pas et pourtant elle n’a jamais manifesté son manque d’enthousiasme à ce changement qui bientôt allait chambouler notre vie familiale. Ouais, je suis un mari comblé ! Elle est vraiment le mieux qui m'est arrivé dans cette foutue vie. À peine assis, derrière mon dos, j’entends : « Happy birthday to you… » Encore ma femme ! Le lendemain matin, à l’hôtel, je me réveille. Laura est dans la salle d’eau et finit de se préparer. Je pense au coup de fil de mon père et automatiquement je me mets à faire la gueule. Elle s’en aperçoit et devine ce qui se passe dans ma tête. – Tu sais George, Washington, ça va être un grand changement pour nous, pour les filles. Je me lève et fais semblant de ne pas l’écouter. – Il faut que je coure, que je fasse mes cinq kilomètres. Il faut que j’élimine. Elle continue : – Ton père se présente aux élections, je trouve que c’est vraiment gentil de sa part de te témoigner sa confiance à ce point là. Tu n’aurais pas pu imaginer un plus beau cadeau d’anniversaire. – Confiance ! ? S’il m’a appelé à moi, c’est parce que Jeb n’est pas disponible ! – Ce qui compte, c’est qu’il te l’a demandé, à toi. C’est toi qu’il veut. Pourquoi tu te fais du mal comme ça ! Pourquoi ? – Oh ! Ça va, vraiment pas ce matin ! Je suis tout en vrac dedans. – Tu vas vomir ? – Je vais faire mes 5 bornes… Mon père, donc, dès l’automne 1986 et près de deux ans plus tôt, annonça qu’il se lançait à la course de la présidence des États-Unis qui devait se dérouler en 1988. Il me proposa de devenir son conseiller principal. Je serai en quelque sorte le représentant de mon père. Il fut convenu que lorsque ses responsabilités de vice-président ne lui permettront pas de s’acquitter de certaines tâches de campagne, je le remplacerai. Je ferai des discours, j’aiderais à collecter des fonds et je participerai aux réunions stratégiques. En mai 1987, avec ma petite famille, nous nous installâmes à Washington, dans une petite maison à quelques kilomètres de mes parents. Ce qui me permit de faire une déclaration à la presse sur l’unité et l’amour de notre famille. Thème que les Américains adorent : – Lorsque les gens voient à quel point nous travaillons dur, cela leur donne le bon exemple. Il est important que les gens voient que la famille Bush s’implique entièrement. C’est vrai que je me suis impliqué à fond. Voici quelques commentaires. Mary Matalin, stratège républicaine – Il évaluait les problèmes. S’ils étaient réels, il faisait quelque chose. S’ils ne l’étaient pas, il réconfortait au moins les gens. Il remontait le moral des troupes. Un des principaux responsables de la campagne. – Il a été introduit pour faire régner la discipline au sein du groupe certes talentueux, mais qui se laissait facilement aller à l’auto-promotion. Il y avait là pas mal d’égocentriques et le fils Bush était la seule personne qui n’avait rien d’autre en tête que l’intérêt de son père. Je ne veux pas surestimer son rôle. Il n’était pas le cerveau de l’opération, mais c’était une figure avec laquelle il fallait compter. Hase Untermeyer, vieil ami de la famille : – Les professionnels de la politique considèrent les candidats comme le bagage qu’ils devront mener à bon port sur la voie de la célébrité. George W. était là pour rappeler aux différentes stars que leur tâche principale n’était pas de se faire passer pour des génies. C’était de faire élire George Bush. Doug Wead, auteur, conférencier et historien. – Junior aimait particulièrement remettre à leur place ceux qui se prenaient pour de grosses pointures. Il les harcelait de vannes, et ce d’une voix assez forte pour que tout le monde puisse l’entendre. Samuel K.Skinner, futur chef de cabinet de mon père. – Il savait ce que marcher droit voulait dire. Il pensait que quand, un type vous emmène danser, vous vous deviez de ne pas vous faire raccompagner chez vous par un autre. Pas question de dire quoi que ce soit aux médias, de vaciller ou de tirer un profit personnel. Janet Mullins, directrice de campagne. – Si le vice-président était mécontent d’un membre de son équipe de campagne, il envoyait George W.
[1] Scène du film W. d’Oliver Stone
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le conseiller de son père lors de la campagne 1988
Partie 2
Mon père, qui me considérait souvent comme son porte-flingue préféré : – Parfois, il me soulageait sacrément. Il pouvait aller trouver les gens et m’épargner la peine de leur annoncer les mauvaises nouvelles. Il s’en chargeait. Et ça l’a endurci. J’avoue que je me sentais bien dans mon rôle de Père Fouettard, de garde-chiourme. Je siégeais au quartier général de campagne, les pieds sur le bureau confortablement installé au fond du bureau directorial mâchouillant un cigare éteint et le crachouillant par petits morceaux dans un gobelet de café. Je me payais avec un plaisir évident ceux ou celles qui ne marchaient pas droit. Il y avait dans l’équipe de mon père certains types qui se prenaient pour des vedettes par exemple, Roger Ailes, son chef de publicité et son directeur de campagne Lee Atwater. Ce dernier était un stratège en politique, spécialiste des coups tordus. Il fut l’organisateur de la campagne victorieuse de Reagan en 1984. Mais mon père se méfiait de lui, car ses deux associés participaient à la campagne de son rival, Jack Kemp, pour l’investiture républicaine et parce qu’il avait tendance à jouer « perso » et non pour lui exclusivement, la principale vedette, celui qui devait être élu à tout prix. Ce qui fait que bien que n’étant pas espion, j’étais là pour avoir l’œil sur les opérations et je lui rapportais tout. Lee aimait tellement jouer les vedettes, qu’un jour, il eut la bonne idée d’apparaître dans un magazine le pantalon sur les chevilles. Heureusement qu’il avait gardé le caleçon ! Quand on m’a montré ça, dès qu’il est entré dans son bureau, ni une ni deux, j’ai traversé le couloir et je me suis jeté sur lui comme un homme affamé devant un buffet à volonté. – Je te rappelle que tu travailles pour George Bush. Je n’ai pas apprécié ni la photo, ni l’article. Mon père non plus. Et pire encore, ma mère non plus. Mon père s’attendait à une certaine tenue durant la campagne. Il n’empêche que pendant la campagne nous nous liâmes d’amitié. Nous étions pareils dans de nombreux domaines et souvent dans ceux qui n’étaient pas très moraux. De plus, nous étions deux anciens alcooliques repentis. Souvent, nous n’étions pas d’accord avec mon père qui voulait faire de telle ou de telle façon ou alors nous étions d’accord pour telle ou telle stratégie que mon père refusait pour des raisons « d’éthique ». Alors on se mettait d’accord pour manipuler le vieux. Bien entendu, c’était pour son bien. Dans nos entretiens, je disais : Je ne peux pas faire ça ! Et Lee me répondait : Bon sang, il le faut ! Lee mourut en 1991 d’une tumeur cérébrale. Avant de partir dans un monde meilleur, il voulait régler sa situation avec Dieu. Un jour avant sa mort, j’étais à l’hôpital et sur son lit assis, je lui lisais la Bible. C’est vous dire, si nous étions devenus proches. Oui, amis comme cochons ! Si je n’engueulais pas le personnel de campagne, constamment pendu au téléphone, je passais des savons mémorables aux journalistes qui s’étaient montrés indélicats vis-à-vis de papa. Comme Katerine Graham qui traita dans un de ses articles mon père de [1]Cliff Barnes de la politique américaine. Comme Margaret Warner du Newsweek qui écrivit en octobre 1987 : « Le « handicap écrasant » pour le vice-président est le fait d’être considéré comme une « fiche molle ». Bush senior a été « un « vassal de Kissinger » aux Nations unies et à Beijing. Afin d’éviter d’apparaître comme une chiffe molle à la télévision, il avait « tenté pendant ces dix dernières années de maîtriser ce moyen de communication, l’étudiant comme s’il s’agissait d’une langue étrangère. Il a consulté des spécialistes en diction et télévision. Il a essayé de changer de lunettes et même de porter des lentilles de contact. […] La voix étranglée et nasillarde de Bush est un problème courant. Sous l’effet du stress, expliquent les spécialistes, les cordes vocales se rétrécissent et la voix est plus haute que la normale et manque de puissance. Selon Newsweek, 51 % des Américains estiment qu’être perçu comme une « chiffe molle » constituait un « grave problème » pour Bush. » Ce qui est marrant, c’est qu’elle avait tout à fait raison. Je trouvais mon père « chiffe molle ». Et ça m’énervait. Toujours prudent, poli, détestant les conflits, argumentant à l’infini. C’est sûrement son éducation vieille Angleterre de la côte Est. Si je n’avais pas hérité de lui des qualités que je lui enviais, j’étais très heureux de n’avoir pas reçu ses gènes de « chiffe molle ». Pour sa voix, c’était vrai aussi, dès qu’il était sous l’emprise d’une émotion, sa voix muait comme celle d’un adolescent. C’était marrant et ça le mettait hors de lui. Surtout quand il me disait « Junior, tu m’as déçu ; très déçu » et que je lui tenais tête. Pendant la campagne, j’eus beaucoup de mal à expliquer à mon père, que de tennisman de fond de cours, il devait devenir attaquant et matraquer au filet, répondre coup sur coup aux coups tordus de ses adversaires ! En balancer au maximum sur eux tout en se préservant au maximum. Chaque fois que mon père devait rencontrer un journaliste, un adversaire politique ou toute autre personne qui influenceraient l’opinion publique par médias interposés, je voulais tout savoir sur eux depuis leur naissance, jusqu’à la minute où je leur commandais de me faire un rapport. Au point que le Time écrivit : « Jamais auparavant, attaquer un adversaire, plutôt que promouvoir son propre programme était devenu l’objectif principal d’une campagne publicitaire. » Bien que travaillant pour Harken Energy, je passais le plus clair de mon temps « pendu au téléphone » pour collecter des millions de dollars auprès des pétroliers et autres industriels richissimes pour la bataille des primaires qui s’annonçait. Bien sûr, je ne suis pas idiot, ils acceptent de me parler parce que je suis le fils du candidat. Et, bien entendu, parce que je suis en contact avec le candidat. N’empêche que je tissais des relations très décisives pour moi dans l’avenir. Je leur démontrais que je n’allais pas par quatre chemins et que je savais ce que je voulais. De toute évidence, ils aimaient ça !
[1] Personnage du fameux feuilleton télévisé : Dallas
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le conseiller de son père lors de la campagne 1988
Partie 3
En novembre 1986, éclate le fameux scandale de l’Irangate. Il révèle que des membres de l’administration Reagan, vendirent des armes interdites à l’Iran dont les bénéfices auraient été utilisés pour financer les « Contras », ce mouvement contre-révolutionnaire nicaraguayen contre le gouvernement marxiste-léniniste de Daniel Ortega. De plus, ce financement occulte était relayé par un trafic de drogue dont le gouvernement avait connaissance. Le président Reagan, à la télévision nia les faits pour finalement, une semaine plus tard, les reconnaître et s’excuser devant la nation qui pourtant, ne lui tint pas rigueur. Je me souviens qu’en 1996, le journaliste Gary Webb publia quelques articles et un livre sur cette affaire. Il expliquait comment les Contras distribuèrent du crack à base de cocaïne à Los Angeles pour se procurer des armes sous le couvert de la CIA. Le 10 décembre 2004, on le retrouve mort et le médecin légiste confirme qu’il s’est suicidé en se tirant deux balles qui lui traversèrent la nuque. On ne peut qu’être admiratif devant sa détermination à ne pas se rater ! Mais revenons à mon père. Cette sale histoire tombait bien mal. Il déclara qu’il avait exprimé « certaines réserves » sur « certains aspects » des transactions avec l’Iran et qu’il n’assista pas à des réunions concernant l’opération secrète d’envoi d’armes aux Contras nicaraguayens qui furent orchestrées par le conseil de la Sécurité nationale. Bref, il était innocent comme l’enfant qui vient de naître. Or étant ancien directeur de la CIA et membre de ce Conseil de sécurité nationale, c’était dur à avaler même avec la meilleure volonté. De plus, le président Reagan livra à la presse que son vice-président n’avait jamais fait des objections quant à la livraison de ces armes. Comme si ce n'était pas suffisant quelque temps après le rapport du Congrès cita un journal de la Maison-Blanche montrant que Bush avait bel et bien assisté à la réunion du 6 août 1985 avec le Président Reagan. À cette réunion participèrent également le secrétaire d’État George Schultz, le ministre de la Défense, Casper Weinberger, le conseiller de sécurité nationale Robert C. McFarland et le Secrétaire général de la Maison-Blanche Donald T. Regan. (J’ouvre juste une petite parenthèse pour dire que lorsque mon père fut élu au poste suprême, il ne manqua pas en 1992, de gracier six personnes de haut rang impliquées dans le scandale des Contras : Elliott Abrams, Duane R. Clarridge, Alan Fiers, Clair George, Robert C. McFarlane et Caspar W. Weinberger. Il leur accorda même des postes importants dans son équipe.) Bref : Bush est un menteur ! Comme vous pouvez le constater, ça ne commençait pas par de bons augures. Au lieu de défendre mon père, j’attaquais pour lui. Tout d’abord, j’avouais que ce scandale créait aujourd’hui des ennuis à mon père qui n’y était pas pour grand-chose alors que les Américains n’en voulurent jamais à Reagan. Ensuite, je démontrais qu’il restait et de loin le meilleur président pour les Américains. En face de lui, ce n’était que du pipi de chat. – L’affaire de l’Iran a créé assez de confusion pour nous ôter l’une de nos forces, qui est de faire voir aux gens qui est vraiment George Bush et ce qu’il vaut. Cette affaire a tendance à semer la confusion chez les électeurs de sorte qu’ils ne se focalisent pas sur les atouts de Georges Bush. C’est pourtant lui, le plus à même de gouverner le pays. Les attaques se calmèrent. Au moment où les sondages nous étaient extrêmement favorables, des rumeurs coururent comme quoi mon père eut des relations sexuelles avec une certaine Jennifer Fitzgerall, une Britannique qui occupait un poste de secrétaire et se retrouva promue adjointe de direction. Le Washington Post fit part « d’absences inexpliquées durant les années de 1980 où il se préparait pour les primaires. L’« excuse » de Bush, était qu’il devait s’envoler à Washington afin d’assister à des réunions top secrètes d’anciens directeurs de la CIA, ce qui faisait qu’il n’était pas joignable. Or Stansfield Turner, directeur de la CIA sous Jimmy Carter, disait qu’il « n’avait jamais eu connaissance de réunions d’anciens directeurs et qu’il n’y en avait eu aucune pendant qu’il était en poste ». Vous pensez bien, combien ma mère et moi fûmes ravis d’apprendre cette nouvelle ! Elle s’apprêtait à lui sauter dessus et à lui arracher les yeux. J’ai eu beaucoup de mal à la retenir. Il nia, par tous ses dieux, l'adultère « avec un grand « A » ». Qu’attendait-il par là ? Ni ma mère, ni moi n’avions envie d’en connaître les détails. Ce n’était pas le moment de casser la cohésion familiale. Nous devions faire passer en priorité, dans une unité sans faille, l’élection de mon père avant une histoire sordide de cul. Surtout quand il s’apprêtait à nous expliquer en nous prouvant par A plus B qu’il ne l'avait pas commis l’adultère avec cette très jolie personne. La campagne aurait été finie depuis belle lurette qu’il serait toujours en train d’essayer de s’expliquer… Je me démenais comme un beau diable pour faire passer la pilule, vis-à-vis de la famille, des médias et des futurs électeurs. Finalement, ce ne fut ni un tsunami, ni même une tempête, seulement quelques vagues à peine. Mon père me doit une fière chandelle. Je ne crois pas qu’il me dira de si tôt : Junior, tu m’as déçu, très déçu ! Il savait trop bien qu’il m’avait déçu, très déçu et que je n’étais pas le seul. Quand je pense toutes les fois qu’il me faisait la morale et qu’avec mépris il me traitait de coureur de gueuses ! Comme dit le dicton « Fais ce que je te dis, mais ne fais pas ce que je fais. » C’est vrai qu’il ne faut pas voir la paille qui est dans l’œil de son père alors qu’on a une poutre dans le sien. Mais, tout de même, il ne manquait pas d’air le vieux ! Mais que voulez-vous, il faut bien que de temps en temps les fils pardonnent aux pères. Finalement, le 12 octobre 1987, nous raflons l'investiture républicaine au sénateur du Kansas Bob Dole et au pasteur Pat Robertson.EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le conseiller de son père lors de la campagne 1988
Partie 4
Une autre affaire allait nous tomber dessus alors que nous nous apprêtions à croiser le fer avec Michael Dukakis, le candidat démocrate pour l’élection présidentielle. En 1987, mon père publia un livre autobiographique « Looking Forward » dans lequel, il décrivait les circonstances dans lesquelles son avion fut abattu : Soudain, il y eut une secousse comme si l’avion avait reçu un énorme coup de poing en plein ventre. Le cockpit fut envahi de fumée et je vis des flammes onduler autour du pli de l’aile, s’approchant tout doucement des réservoirs de carburant. Je suis resté en piqué, je me suis dirigé vers la cible, j’ai largué nos quatre bombes de 500 livres et je me suis éloigné, en direction de la mer. Une fois au-dessus de l’eau, j’ai amorcé le vol en palier et j'ai dit à Delaney l’officier d’artillerie, et White, le radio canonnier, de s’éjecter en tournant l’avion à tribord afin d’éloigner le souffle de l’hélice de la porte où se tenait Delaney. Mon père fut très touché par cet accident, après son sauvetage, il écrivit à ses parents :… et pourtant maintenant je me sens si terriblement responsable de leur sort. La nuit dernière, je n’ai cessé de me tourner et retourner dans mon lit. Je ne cessais de revivre toute la scène. Je souffre pour les familles de ces deux garçons que j’avais avec moi. Quelque temps après, il décida d’écrire à leurs familles. Il reçut une réponse de la sœur de Delaney le canonnier de l’équipe : Vous avez dit dans votre lettre que vous souhaiteriez pouvoir m’aider d’une façon ou d’une autre. Il y a bien un moyen, et cela consiste à cesser de penser que vous êtes en quelque façon responsable de l’accident de votre avion et de ce qui est arrivé à vos hommes. J’aurais pu avoir cette impression si mon frère Jack n’avait pas toujours parlé de vous comme du meilleur pilote de l’escadron. En août 1988, le New York Post publie une interview de Chester Mierzejewski contremaître à la retraite dans l’aéronautique. Lors de cette mission, il était canonnier du commandant d’escadron Douglas Melvin. Leur avion devançait celui de mon père de cent pieds environ. Chester affirme que de la tourelle arrière, position privilégiée, il observait parfaitement les évènements relatés par mon père au point qu’il voyait distinctement son visage dans le cockpit. Après avoir lu le livre de mon père, il considéra que le passage que je cite plus haut ne correspondait pas à la vérité et que son auteur essayait, tout au moins dans ce récit, de se faire passer pour un héros. Il lui envoya un courrier lui indiquant que de sa position privilégiée il avait une autre version des faits. Ne recevant pas de réponse, il contacta un journaliste du New York Post. Il leur dit : – Ce type ne dit pas la vérité […] Je pense qu’il aurait pu sauver ces vies, qu’il était encore temps. Je ne sais pas si c’était le cas, mais au moins y aurait-il eu une chance s’il avait tenté un amerrissage. […] L’Avenger de Bush n’avait jamais été en feu et aucune fumée ne s’était échappée de son cockpit lorsqu’il ouvrit sa verrière pour s’éjecter. Un homme seul quitta le Barbara et ce fut le pilote lui-même. […] J’espérais voir d’autres parachutes, mais ce ne fut pas le cas. Je vis l’avion tomber. Je savais que les gars étaient toujours à l’intérieur. Un sentiment d’impuissance s’empara de moi. Il rappela que les torpilleurs Avenger étaient conçus pour flotter environ deux minutes. Ce temps précieux laissait à l’équipage le temps nécessaire de gonfler le radeau et s’éloigner de l’avion en perdition. Les journalistes questionnèrent l’aviateur Thomas R. Kenne qui fut récupéré, lui aussi, quelques jours plus tard par le « Finback ». Il exprima la surprise lorsqu’on lui annonça que l’Avenger de Bush subit un incendie. Il répondit : – Il a dit ça ? Puis, ils interviewèrent l’ancien lieutenant Legare Hole, commandant en second de l’escadron de Bush, et lui demandèrent : – Quelle était la personne qui avait pu observer le mieux les derniers instants de l’avion ? Il répondit : – Le canonnier de tourelle de l’avion de Melvin a certainement bien vu la scène. Si l’avion était en feu, il y a de très grandes chances qu’il ait pu voir. Le pilote ne peut voir tout ce que peut voir le canonnier et il passe à côté d’un tas de choses. Ils posèrent la même question au canonnier Lawrence Mueller, qui faisait partie de la mission : – Le canonnier de tourelle de l’avion de Melvin, répondit-il De plus, Mueller tenait son propre carnet de vol. Il déclara : – Aucun parachute n’avait été aperçu à l’exception de celui de Bush tandis que l’avion tombait et personne n’avait mentionné un feu à bord de l’avion […] si quelqu’un en avait parlé, je l’aurais obligatoirement inscrit. Pourquoi après plus de quarante ans les langues, à la suite à l’édition de l’autobiographie de mon père en 1987, se délient-elles ? Pourquoi ces hommes, qui se souviennent si bien de chaque détail qui aurait condamné mon père pour mensonge et lâcheté, au moment des faits, ne les ont-ils pas dénoncés ? Parce qu’à l’époque, ils n’avaient rien pour nuire mon père ! En 1988, mon paternel briguait la présidence des États-Unis et ses ennemis ont monté cette cabale pour le déstabiliser et par la calomnie lui faire perdre les élections. Voilà la triste et lamentable vérité ! Malheureusement, de tels coups tordus pour de tels enjeux sont fréquents. Je les déplore de toutes mes forces, mais c’est ainsi. Qui peut se laisser berner par de telles médisances ?! C’est parole contre parole. Qui croire ? Un ancien contremaître de l’aéronautique certainement jaloux et voulant se venger de je ne sais quoi ou celle d’un ancien président des États unis qui a tellement fait pour le pays et pour le monde ? Pour ma part, mon choix est facile. G. H. Bush, bien qu’ayant tout fait pour sauver ses copilotes se sentait responsable. Responsable ? Oui, mais pas coupable ! Il en souffrait au point qu’il n’en dormait pas la nuit. La sœur de Jack, l’un des disparus lui redonna la paix : étant le meilleur pilote de l’escadron, il avait dû tout faire pour préserver ses compagnons. Voilà la vérité, mon père était le meilleur pilote de l’escadron et pour cela il ne pouvait pas faire autre chose que son devoir et rien que son devoir. C’est ce qu’il a toujours accompli tout au long de sa vie consacrée à son pays et à sa famille. Mon père combattit pendant trois ans dans le Pacifique en étant le pilote le plus jeune de toute l’histoire des États-Unis, il fut abattu trois fois et démontra indéniablement son héroïsme. À plus de 86 ans, c’est la seule histoire concernant cette période de guerre, qu’on lui reproche. Alors je pose une question. Je sais que c’est faux ! Mais même si c’était vrai ? Bush n’aurait-il pas droit à notre compréhension ? C’est facile de critiquer quarante ans plus tard ! Mais quand on est dans le feu de l’action, c’est différent. En une seconde, on peut devenir un lâche ou héros. Un lâche après avoir accompli mille actes de bravoure au cours de sa vie. Un héros même si auparavant on n’était qu’un couard. Mon père n’a jamais été un couard ! Quel homme au cours de sa vie n’a pas péché par lâcheté, par peur ne serait-ce qu'une fois ? S’il en existe un qu’il me lance la première pierre ! Alors tous les Chester Mierzejewski, Thomas R. Kenne, Legare Hole, Lawrence Mueller ferment leurs grandes gueules à tout jamais, qu’ils retournent à leur médiocrité et foutent la paix aux élus appelés à gouverner. Cependant, je voudrais faire une dernière remarque. Je pense aux temps anciens où des sacrifices humains étaient offerts aux dieux. Dans la Bible, nous pouvons lire que des parents faisaient passer par le feu leurs propres enfants qu’ils offraient Moloch, l’affreuse idole. Pour moi, les deux pilotes furent sacrifiés et mon père sauvé miraculeusement et ainsi permettre à son illustre destin de s’accomplir pour la gloire des États-Unis et le bien du monde. Papa, par l’éducation qu’il reçut de son imposant, inflexible et exigeant père, par la formation dispensée à Yale, par son appartenance à la Skull & Bones, par son propre mérite et génie, savait qu’un destin glorieux l’attendait. Destin auquel il ne pouvait ni ne devait déroger. Par conséquent, il ne devait pas périr dans cette tragédie. Skip Hollandsworth du Texas Monthly a dit un jour : – Il se passe en ce moment là que Bush, le buveur de bière grandit d’un seul coup. Il réalise qu’on lui confie la responsabilité de faire prospérer le nom de Bush. Il s’en va en guerre pour son père. Les paroles de mon ami Joe O’Neill m’ont toujours fait marrer. – Durant la campagne, le jeune Bush était passé de tête brûlée à héritier présomptif. Pour faire une analogie avec le film « Le Parrain », George est parti en Sonny Corleone et revenu en Michael. Oui ! J’ai mes problèmes avec mon père, mais il ne faut pas toucher à mon père !EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le conseiller de son père lors de la campagne 1988
Partie 5
Le 8 novembre 1988, nous gagnons la présidence des États-Unis contre le démocrate Dukakis, avec 53,4 % des voix contre 46 %. Ce soir des élections nous étions un groupe de fidèles à regarder la télé et à attendre le résultat, lorsque la victoire de papa fut annoncée, ce fut une explosion de joie et des congratulations générales. Le champagne pétait de toute part. Après cela, j’éprouvais le besoin de me mettre à l’écart. Karl Roove, le fidèle conseiller de mon père avec qui j’avais lié des liens, vint me rejoindre [1]– Ça n’a pas l’air d’aller ? Qu’est-ce qu’il y a ? – Je suis crevé. Ce n’est rien ! Ce que je me demande c’est ce qui va se passer maintenant Karl. – Comment ça ? – Mon père ne va pas pouvoir me donner de poste. Il ne peut pas ! Et il n’est pas question que je fasse partie d’un lobby. Ça, c’est sûr. – George, j’ai étudié pendant longtemps ce que c’est qu’une bête de la politique et d’après ce que je vois, vous avez un talent naturel. Vous avez un truc avec les gens. Mais il faut que vous sortiez, que vous alliez dans le monde, que vous fassiez quelque chose. Je ne sais pas comment dire autrement, mais vous n’avez jamais rien foutu jusqu’ici. Le soir ou plutôt le matin très tôt, j’avais la colique, quelque chose avait mal passé. La porte des chiottes était ouverte, j’étais en slip et t-shirt. Laura complètement crevée d’une voix ensommeillée me supplie : – George… George, viens te coucher s'il te plaît. Depuis mon trône, je lui lance en grommelant : – Roove m’a balancé une vérité à travers la gueule ce soir ! – Oui, qu’est ce que c’est ? me dit-elle d’une voix ensommeillée. – Que je ne sortirais jamais de l’ombre de papa, qu’ils diront toujours qu’est-ce qu’il a fait ce garçon ? C’est vrai, qui c’est qui se rappelle d’un fils d’un président ? Pas de réponse. Je retire du distributeur plusieurs papiers de toilette, j’entends : – John Quincy Adams. Je me torche le cul, en retire plusieurs exemplaires et tout en réfléchissant recommence l’opération : – Ouais ! Mais, ça fait 300 ans cette histoire-là ! Non ? Tu sais quoi, j’aurais voulu qu’il perde ! Je tire la chasse. Bien qu’à moitié endormie, elle se réveille complètement et se redresse sur ses coudes – Quoi ? Comment peut dire ça ? Après m'être torché le cul, je me lave les mains. Je n’y vois pas l’utilité, mais elle y tient absolument, alors c’est devenu à la longue un réflexe. – Oh, je ne sais pas. C’est bizarre, je suis complètement partagé là-dessus. – Mais, qu'est-ce que tu racontes ? Tu l’as aidé à gagner ces élections. Tu as gagné son estime. – Non ! Quoi que je fasse avec lui, je sais que cela ne sera jamais suffisant ! D’accord !? Jamais ! J’éteignis la lumière. Laura s’endormit aussitôt. Moi je réfléchissais aux paroles de Karl. Finalement, pourquoi négativer ? S’il est vrai que durant toute la campagne, j’ai donné le maximum pour mon père, il n’empêche que de temps en temps je disais à la presse que si pour le moment je me tenais dans l’ombre de mon auguste père, j’avais des ambitions politiques. Alors, je me souvins que la télé annonça, la décision de Bill Clemens, le Gouverneur du Texas, de ne plus se représenter. Aussitôt des bruits se mirent à courir comme quoi le jeune Bush serait un possible candidat. Pourquoi pas ? Ma méditation de ce fameux soir faisait son chemin… C’est ainsi que se termina cette mémorable année 1988
[1] Film W. d’Oliver Stone
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
En route pour un premier mandat politique
Au cours de l’été 1977, Arbusto fut à son zénith avec une valeur nette de plus de 500 000 dollars. Jimmy Allison connaissait ma famille depuis son installation à Midland. Il fut le conseiller de mon père et géra sa campagne victorieuse de 1966. Il n’empêche que malgré la différence d’âge, il était mon meilleur ami et compagnon fréquent de beuverie. Une soirée, alors que nous descendions les dernières bières avant de nous quitter, Allison me dit :
– Si tu briguais le siège de député au Congrès du vieux George Mahon?...
Je lui ai ri au nez. Il resta de marbre. Alors je compris qu’il parlait sérieusement. Cela me donna à réfléchir. Quelque temps après, j’acceptais à condition qu’il gère ma campagne. Il fut obligé de refuser. À 45 ans, il venait d'apprendre qu’il avait la leucémie. Ce fut un choc pour moi d’apprendre que mon meilleur ami n’avait pas pour longtemps à vivre et je me souvins de Robin qui fut emportée par cette saloperie.
– Ah non toi aussi ! Pas toi !… Alors, au diable la politique, lui ai-je dit
– Ne soit pas idiot ! Vas-y, fonce, a-t-il doucement insisté.
Pendant une semaine, je n’ai pas dessaoulé. Le matin du septième jour, après avoir vomi dans la douche, je me suis vu dans la glace et je n’ai pas aimé la sale image que me renvoya le miroir. Je me suis envoyé toute une cafetière de café noir. Ensuite, j’ai passé trois coups de fil.
Le premier à Allison :
– Jimmy c’est OK, je vais être sobre et je vais me présenter au Congrès.
Le second à mon frère Neil qui venait d’avoir une licence en relations internationales :
– Neil, viens au Texas, c’est sérieux, je me présente au Congrès. J’ai besoin de toi pour que tu conduises ma campagne.
Le troisième aux médias du Texas pour les informer que je donnerais une conférence de presse au cours de laquelle j’annoncerai ma candidature. Plus tard, j’ai dit à mon père que je voulais Neil avec moi, mais je lui demandais catégoriquement de rester à la maison. Je voulais gagner ou perdre, mais gagner ou perdre tout seul. Encore une fois, à la suite d’une simple conversation trop arrosée avec un vrai ami, contre toute attente de ma part, je me lançais dans les traces de mon père. Ah, Destin quand tu nous tiens ! Combien mon ami de Midland Joe O’Neil avait vu juste :
– Regardons les choses en face, George n’était pas vraiment heureux. C’est le syndrome du fils aîné. Vous voulez montrer à la hauteur des espérances très élevées de votre père, mais en même temps vous voulez suivre votre propre chemin, alors vous finissez, bon gré mal gré, par suivre exactement la même voie que lui.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Laura
Environ un mois après avoir annoncé ma candidature au Congrès les O’Neil me téléphonent pour m’inviter à un barbecue. Juste avant de raccrocher, mon pote me balance :
– Nous aimerions te présenter une de nos grandes amies, je pense que tu l’apprécieras.
Lorsqu’ils me la présentèrent, je bâfrais, comme un porc des chips, les cacahouètes, des hamburgers. Bref, tout ce que je pouvais piquer au buffet, en arrosant le tout par de larges rasades de bière à même le goulot. Ce fut le coup de foudre. Ils avaient raison, j’en suis carrément tombé amoureux. Elle souriait et n’était pas du tout outrée de voir ce cow-boy décontracté à la démarche chaloupée, un poil vulgaire, mais surtout sympa. J’ai tout de suite été attiré par elle parce que j’ai trouvé que c’était une personne très réfléchie, élégante, intéressée par beaucoup de choses et dotée d’une grande capacité d’écoute. Et comme je suis un grand bavard, cela tombait bien. Après l’avoir baratinée et charmée comme je savais si bien le faire (à part que cette fois-ci j’étais vraiment sincère), elle me dit timidement quelque chose que je n’ai jamais oublié :
– [1]Vous êtes un diable ; un diable avec un chapeau blanc.
Pour moi, c’était un beau compliment. En fouillant bien dans notre passé, nous découvrîmes que nous nous étions « vaguement » connus en cinquième au collège de San Jacintho de Midland. Ce fut tout, car dès la quatrième je déménageais à Houston et Laura continua à Midland, le nez toujours « plongé dans les livres ». Elle obtint un diplôme d’enseignante. Nous découvrîmes qu’elle travaillait comme bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Houston la même année où j’étais pilote à la Garde nationale et de plus nous habitions la même résidence Château Dijon qui se trouvait dans le sud-ouest de Houston ! Nous n’en revenions pas d’une telle coïncidence et ne comprenions pas comment nous ne nous sommes jamais croisés. En réfléchissant un tout petit peu, j’ai vite compris : lorsque je rentrais au bercail au petit matin complètement beurré elle dormait paisiblement et lorsqu’elle partait au travail, je cuvais dans mon lit. Je me suis bien gardé de lui donner l’explication.
Cet été de 1977 fut mémorable avec la rencontre avec ma future femme, ma décision d’entrer en politique et de sonner le glas de Junior le « Jeune et irresponsable ». Bien que je continuais à boire, j’avais sérieusement ralenti et depuis ma rencontre avec Laura, j’avais cessé totalement mes incessantes galipettes avec les bimbos du Texas occidental et il est vrai qu’à ce moment-là, j’avais bien profité de la vie et je commençais à m’assagir.
Mes parents furent ravis de ma rencontre avec Laura. Tout de suite, elle leur plut. Ils lui reconnaissaient un esprit pragmatique, les pieds bien sur terre, toujours calme. Par moments, ils me prenaient la tête avec Laura qu’ils plaçaient au pinacle parce qu’elle allait arrêter mes fredaines et m’assagir et qu’elle allait transformer un buveur invétéré en homme sobre. Mais bon sang ! Si j’avais été totalement irresponsable, elle ne m’aurait pas épousé. C’est vrai qu’un jour elle m’a fait comprendre que je devais savoir si je voulais boire ou être un citoyen productif. Oui, je lui reconnais le mérite de m’avoir freiné. Avec son calme, sa discrétion, elle apporte beaucoup de stabilité, beaucoup de bon sens à notre relation. On s’est rencontré en juillet et en novembre, nous étions déjà mari et femme, selon la formule consacrée, dans la plus stricte intimité. Juste quelques proches et notre famille. Notre rencontre, c’est ce qu’on appelle de la séduction éclair. Un jour en la serrant tendrement dans mes bras, je lui ai confié :
– Mon père et mon grand-père m’ont dit un jour : Tu dois être politicien pour réussir. Tu dois briguer un siège au Congrès pour, dans un certain sens, transmettre la tradition, transmettre l’héritage, transmettre la responsabilité.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Enfin papa !
Pendant trois ans, malgré notre désir, nous ne pûmes avoir d’enfants. À tel point que Laura et moi décidâmes d’en adopter un. En novembre 1981 alors que j’étais sur le point de finaliser ma nouvelle société, j’appris la merveilleuse nouvelle par un coup de téléphone du médecin de Laura que j’étais papa de deux jumelles : Jenna et Barbara, les prénoms de leurs grandes mères. Elles vinrent avec deux mois d’avance à la suite d’une césarienne qui dû être pratiquée à cause de l’état de santé précaire de Laura provoqué par la grossesse. Les petites naquirent en pleine forme et leur mère se rétablit rapidement. Dieu merci ! Une fois, Laura parla de cette époque bénie.
– L’un de nos souvenirs, c’était lorsque le matin chacun de nous deux donnait son biberon à l’une des filles tout en buvant son café et en lisant des nouvelles. Ça, reste une très belle période de notre vie. C’est très bien tombé que nous ayons des jumelles, chacun en avait une à bercer et George s’y est mis en même temps que moi.
J’ai gardé un autre souvenir de cette année 1981, l’année de mes 35 ans. Lors d’un repas de famille. J’avais à mes côtés une superbe charmante dame et amie de mes parents qui semblait avoir basculé sur la cinquantaine. Ce qui semble amusant sous l'effet de la boisson semble parfois si stupide le lendemain. Je m’étais envoyé un certain nombre de bourbons et Sevens à travers la cravate, si bien que sans être saoul, je commençais à être vraiment à l’aise. Je me tourne vers elle et tout de go, je lui demande :
– Alors, c'est comment le sexe après 50 ans ?
Tout le monde a fait les yeux ronds, la bouche en cul de poule et plongé le regard dans son assiette. Sauf Laura et maman qui me fusillaient des mirettes. Quel sale moment, j’ai passé ! La brave dame eut un petit rire qui permit à la soirée de reprendre son cours normal comme si de rien n'était. Le lendemain, j’ai appelé l’amie de maman pour lui présenter mes excuses. Le jour de mes 50 ans, alors que j’étais gouverneur, j’ai reçu un petit mot de cette dame charmante.
– Eh bien Georges, comment est-ce ?
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Le dirigeant de base-ball avec d’autres casquettes
Partie 1
Le dirigeant de base-ball avec d’autres casquettes
Les Texas Rangers
Fin 1988 me parvint une opportunité. Elle se présenta par un simple coup de téléphone de Peter Ueberroth, commissaire de la ligue de base-ball.
– Voilà, n’allons pas par quatre chemins. L’équipe de base-ball des Texas Rangers est en cours d’achat. Le principal intéressé, Edward L. Gaylord, détient déjà les Braves d’Atlanta et les Cubs de Chicago ainsi que de nombreuses chaînes de télévision. Il ne fait pas l’unanimité des actionnaires qui ne veulent pas que les Texas Rangers fassent partie de son conglomérat. D’autres concurrents sont sur la liste, mais, si tu m’écoutes, ça ne poserait pas trop de problèmes. Voilà, c’est simple, je te propose que tu constitues rapidement un syndicat d’investisseurs afin de contrer toutes les propositions en cours. Ton contexte familial, ta personnalité seraient l’atout majeur pour gagner la partie. Crois-moi, il y a du fric à se faire avec une équipe à mener au championnat et tu es l’homme de la situation.
Je connaissais depuis longtemps le propriétaire des Texas Ranger, Eddie Chiles. Dès notre installation à Midland, dans les années 1940, il devint, l’ami de la famille. Il m’appelait « chien fou ». Lorsque Robin tomba malade, à bord de son avion privé, il m’amenait la voir à l’hôpital. Il tenait à son club comme la prunelle de ses yeux et ça m’étonnait qu’il puisse vendre son bébé de toujours. Mais je ne doutais pas de Peter, il savait de quoi il parlait.
J’ai vu là une opportunité commerciale et je l’ai saisie. Si l’on veut quelque chose, il faut bouger et bouger vite. J’ai vu, dans ce coup de fil, un signe du destin pour gagner du fric et travailler dans le base-ball, ma passion de toujours. J’ai grandi comme un fan de base-ball, mais sans m’imaginer qu’un jour je deviendrai copropriétaire d’un grand club de division. Cela dit, je devais avoir cela cacher quelque part en moi, parce que lorsque l’occasion s’est présentée je l’ai vite saisie aussi vite que j’ai pu
J’appelais immédiatement Roland Betts, camarade de classe de Yale et président de la Silver Screen Management Service, Inc., société productrice de films. Pour la petite histoire, au lendemain du massacre de l’école de Littleton, dans le Colorado, en avril 1999, alors que j’étais gouverneur du Texas, j’ai publiquement affirmé qu’une « société qui a romancé la violence » avec ses films, était en grande partie responsable de la tragédie qui avait tué une douzaine d’étudiants. Or, de 1983 à 1992, je faisais partie du directoire de cette société qui finança 21 films interdits aux moins de 17 ans, dont des productions violentes, tels que « Shoot to Kill ». Bien évidemment, je me suis bien gardé de donner de tels détails sur mes lucratives activités et pas toujours d’excellente moralité.
Toujours est-il que Roland fut emballé :
– George allait être l’associé-gérant et la figure célèbre et moi j’allais apporter l’argent en restant dans l’ombre.
Avec Betts, comme principal investisseur, je contactais dans la foulée d’autres personnes pour étendre le partenariat et augmenter notre capital d’investissement. Finalement, je réunissais soixante-dix investisseurs (beaucoup d’amis de ma famille et des membres influents du parti républicain) et environ 86 millions de dollars.
Dans le courant de l’année 89, nous remportâmes, haut la main, l’offre. Pour ma part, j’investis dans l’affaire 606 000 dollars. Je fus nommé associé directeur à 200 000 dollars par an. Les mauvaises langues, comme d’habitude, prétendirent que je devais mon poste à cause du nom de ma famille et à son influence politique, surtout depuis que mon père gagna les élections présidentielles. Devant la presse, comme d’habitude, je me montrais catégorique :
– Ecoutez, je ne le nie pas. Mais, je suis aussi la personne qui a agressivement conclu l’affaire. Je me suis férocement accroché à cette opportunité. Je ne voulais pas la laisser passer.
Son ancien propriétaire et ami personnel, Eddie Chiles qui était âgé de 78 ans, déclara en conclusion :
– Nous pensons avoir trouvé les bonnes personnes. Il est important que l’équipe reste au Texas et que Bush ait accepté de la garder dans l’agglomération de Dallas.
Après ce succès retentissant, les médias me demandèrent si après les Texas Rangers, je n’avais pas en point de mire le poste de Gouverneur du Texas, je répondis :
– Pour l’instant, la seule course qui m’intéresse est la course pour le championnat.
Mais oui, j’y songeais ! Les Rangers Texas constituaient un magnifique tremplin pour réussir le pari que je m’étais fixé. Mon père ne l’entendait pas de cette oreille. Un jour, il vint au Texas et nous eûmes cette conversation qui me laissa encore une fois de plus un goût amer dans la bouche et me resta longtemps au travers de la gorge. Par moment, je m’en veux de prendre à cœur tout ce qui me vient de mon vieux. Depuis le temps, je devrais être blindé. Mais ça ne fait rien. C’est plus fort que moi !
– [1]T’as une équipe de base-ball, ça t’épargne quantité d’ennuis. Il vaut peut-être mieux que tu restes en dehors de l’arène.
Je dresse l’oreille et je m’apprête à entendre encore pire à mon égard.
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– C’est mieux ainsi.
Je le connais le vieux ! Maintenant, il ne veut plus rien dire et il ne me regarde plus en face. Il ne me dira plus rien. Je n’aime pas ça. Pourtant, je veux savoir. Même au risque de prendre une douche froide, ce que je déteste par-dessus tout, surtout quand c’est lui qui me l’administre. Il est malin, mais je ne suis pas si con que ça. Et à con ; con et demi. Et quand je veux, je sais jouer au con. Je lui susurre le plus naturellement du monde :
– Comment va Jeb ?
Son visage s’éclaire, alors que le mien s’assombrit. Heureusement qu’il garde les yeux baissés. Il ne s’aperçoit de rien.
– Tu sais, j’ai l’impression que ton frère va devenir gouverneur de Floride. Oui vraiment !
Merci encore papa pour la douche froide. Celle-ci est particulièrement glacée. Cependant, je reste tout à fait cool.
– Sans blague !? Il a toujours eu cette ambition.
Il continue à m’enfoncer le couteau dans les tripes.
– On ne peut pas savoir, mais ce gosse pourrait… enfin un jour… il pourrait être même président !
J’ai envie de gueuler. Je me mords les lèvres jusqu’au sang.
***
[1] Dialogue dans le Film : W. d’Oliver Stone
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Le dirigeant de base-ball avec d’autres casquettes
Partie 2
Première tentative pour le poste de Gouverneur
Nous partîmes pour Dallas et achetâmes une petite maison. Jenna et Barbara furent inscrites dans un établissement scolaire public. Laura, en mère et épouse exemplaire, s’occupait de sa petite famille, jardinait et s’adonnait à des œuvres civiques et caritatives. Moi, je n’arrêtais pas entre les Rangers et Harken Energy où mon salaire grimpa en 1989 à 120 000 dollars annuels. Chaque fois que l’occasion se présentait, je soignais mon image de marque en me mettant au maximum en vedette. Visites sociales dans les quartiers avec Laura, assistance aux matchs de base-ball où je prenais la parole, ne serait-ce que pour lancer un bon mot à faire tordre tout le monde. Mes blagues ou jeux de mots étaient tellement marrants que j’en riais en tressautant comme si j’étais monté sur ressorts. Lors des matchs de base-ball, je me refusais d’être confortablement installée dans ma loge et je me trouvais, comme le simple quidam, dans les tribunes au milieu du peuple. J’applaudissais à tout rompre quand les Rangers marquaient et je me lamentais lorsqu’ils se faisaient remonter. Dans les tribunes, je passais les mi-temps à signer des autographes à serrer les mains, à taper sur l’épaule de tout ce qui se présentait à la porter de ma main. Les gens aimaient ça. N’est-il pas simple, notre George !? Se disaient-ils complètement ravis.
J’adorais que l’on m’interroge sur mon savoir encyclopédique du base-ball. Je pouvais nommer les 9 joueurs des Giants de New York qui ont débuté la partie en 1954. Et j’adorais qu’on me lance le nom d’anciens joueurs moitié inconnus. Sortez-moi un nom comme Pumpsie Green et je pouvais vous dire qu’il s’agissait d’un second gardien de base du début des années soixante des Red Sox de Boston. Bref, quel que soit l’évènement, sportif, social, caritatif, culturel qui pouvait amener la présence d’un quelconque média, j’étais présent. Et ça n’a pas raté, à tous les coups, les journalistes me demandaient :
– George, avez-vous l’intention de briguer, le moment venu, le poste de Gouverneur ?
Je faisais ma chochotte :
– Je n’ai pas encore décidé. Même si j’ai l’âge idéal.
Là-haut dans les cieux, je veux dire dans les sphères gouvernementales, on pensait vivement à moi. Lee Atwater, directeur de campagne de papa et président du Parti républicain, fit passer comme consigne aux responsables politiques du Texas de me préparer le terrain. Tout roulait comme sur du billard pour moi et on me sollicitait de toute part pour me présenter aux prochaines élections. Lors d’un déjeuner ultra chic, on parla de moi, non seulement comme candidat au poste de gouverneur, mais également pour celui de la présidence des États unis ! C’est dire à quel point montaient les enchères. Si bien, que l’on commença à s’acharner contre moi comme Richard Murray, politologue de l’Université d’Houston :
– Vous n’allez pas élire un gouverneur parce que c’est le fils d’untel.
Ann Richards, candidate déclarée au poste de gouverneur, proclamait à qui voulait l’entendre que j’étais né avec une cuillère d’argent dans la bouche comme mon père. Devant ces attaques, alors que je l’aurais bouffée sans besoin d’aucune cuillère, je restais zen et je la jouais « humble » :
– Je n’ai pas encore décidé si j’allais ou non me présenter. Je vis à Dallas, j’essaie de gagner ma vie […] Ma façon de vivre, je ne conduis pas de voitures de luxe, je n’habite pas dans des maisons extravagantes. Je n’ai rien à vous dire de plus, c’est ma nature. Pour moi, les voitures ont une fonction utilitaire. Il se trouve que la mienne, une Pontiac de 1985, marche encore. Ma femme conduit le même break Malibu depuis 7 ans. Lorsqu’elles nous lâcheront ou deviendront trop chères, alors on les remplacera. Pas de cuillère d’argent pour ce Bush-là ! Je sais reconnaître mes talents et mes faiblesses. Je n’en fais pas tout un complexe. Dans l’esprit de certaines personnes, être le fils de George Bush a ses avantages et ses inconvénients. À mon avis, c’est un avantage.
Elle ne manqua pas de m’attaquer sur mon passé d’alcoolique repenti, j’esquivais :
– J’ai institué dans le stade des zones sans alcool pour les familles et autres supporters qui ne souhaitaient pas être assis au milieu de buveurs de bière bagarreurs.
Mais je ne pouvais pas m’empêcher d’attaquer, car un peu ça passe, mais beaucoup ça lasse :
– La boisson, elle doit bien connaître ! Ne s’y est-elle pas adonnée avant de se faire désintoxiquer ? Dites-moi, avant de balayer devant la porte d’autrui, ne doit-on pas d’abord balayer la nôtre ?
Il faut dire que dans le registre de l’« humble, timide et économe », j’avais poussé le vice, depuis ma prise de fonction au Texas Rangers à m’afficher savamment au bureau avec de vieilles chemises et des souliers troués. Laura me disait souvent : « Tu me fais honte ! Que vont penser les gens de moi ? Ils vont croire que je ne sais pas repasser tes chemises et que je n’ai aucun goût. » Mieux encore, j’avais incité, Rusty Rose, mon collègue à m’offrir une paire de mocassins Gucci à 120 dollars pour mon anniversaire que j’ai vendu à un autre collègue. Et j’ai fait en sorte que ça se sache. Je n’avais pas annoncé ma candidature qu’aussitôt les attaques se déchaînèrent de plus belle et les candidats au poste de gouverneur me désignaient eux même comme l’adversaire qu’il fallait à tout prix abattre. Comme Ed Martin, le directeur exécutif du Parti démocrate texan :
– Bush est un gosse de riche qui s’amuse. Mais il ne va pas s’amuser avec les électeurs du Texas. Ils vont rejeter ce Prince George fils de président, et à juste titre, parce qu’il ne possède ni l’expérience ni les qualifications pour gouverner l’État.
Mes amis montèrent au créneau, comme John McLaughlin, Sénateur du Texas :
– Je me suis entretenu avec le fils du président. Il y a pas mal de chances pour qu’il se présente au poste de gouverneur en 1990. Je pense vraiment que George W. possède de bons outils politiques, d’une certaine façon, aussi bons sinon meilleurs que ceux de son père. Il est intelligent, remarquablement intelligent, après des années passées à Yale et à Harvard, ce n’est pas moins un péquenaud qui a un bon contact avec les gens du peuple. Les Texans se lèchent déjà les babines à l’idée d’une bataille entre Bush et Ann Richards, la femme à la coiffure bouffante dont le discours mesquin lors de la convention avait fait commencer à faire tourner les choses en notre faveur.
L’ami de mon père et mon ami (car tous les amis de mon père sont mes amis) prévoyait le duel titanesque entre Ann Richards et moi. Tout ce tapage de mes futurs adversaires autour de mon humble personne était du pain béni. C’était pour moi une pub énorme et gratuite qui avait le formidable avantage de me présenter en pauvre victime. Et le peuple aime les victimes. Tout le monde sait ça ! Alors j’allais devant les journalistes, les gens, le regard triste et la mine contrite, mais déterminé et serein :
– Je sais qu’il y a des gens qui disent : ce gars n’en a pas bavé. Mais je suis allé dans 94 comtés en 1988, portant la bannière étoilée non seulement pour mon père, mais aussi pour beaucoup d’autres personnes qui briguaient la législature de l’État. S’il est fondamentalement important en politique d’avoir été en contact avec les gens, je l’ai fait. Et même beaucoup. Et je vais continuer à le faire.
Je jouais aussi la carte du bon mari et du bon père de famille. Le bon peuple américain adore cela et je ne pouvais pas y déroger :
– Je ne briguerai le poste de gouverneur qu’avec l’accord de Laura et des jumelles. Elles viennent d’endurer les affres d’une campagne présidentielle et nous avons réussi à en sortir encore plus unis. La question est de savoir si ma femme, ancienne bibliothécaire, est prête à repartir dans l’arène publique une fois de plus.
La démocrate Ann Richards et le riche milliardaire républicain de Midland, Clayton Williams, annoncèrent officiellement leur candidature pour le poste de Gouverneur. Clayton se promettait de dépenser 5 millions de dollars, dont 3 de sa poche pour remporter l’investiture républicaine. Je dis à mes amis :
– Je n’ai pas autant d’argent.
En vérité, l’avis de ma femme ne comptait pas pour moi contrairement à celui de mes parents. Mon père me disait que je devais suivre mon intuition et qu’il faisait confiance à mon jugement. Par contre, ma mère me prévint :
– George, tu es un grand garçon, mais je préférerais que tu te présentes dans huit ou quatre ans. Peu importe. Ce n’est pas le moment. Si l’administration s’en sort bien, il n’y a aucune raison de supposer que tu en retireras un quelconque mérite. Mais si elle ne s’en sort pas bien, on t’en fera très certainement porter une part de responsabilité.
J’ai réfléchi et finalement, le 4 juillet, j’annonçais à ma famille et à mes amis que je renonçais. Et cela, malgré mon envie féroce d’en découdre avec Ann Richards qui lors de la campagne de 1988, fut chargée par le Parti démocrate de ridiculiser mon père. Elle réussit lorsqu'elle lui balança son fameux : « Le pauvre George, il est né avec une cuillère d’argent dans la bouche » et la garce me l'a resservi pendant nos escarmouches par journalistes interposés.
Le premier août 1989, lors d’une manifestation, j’avertissais la presse et les médias :
– Pour être un excellent candidat au poste de gouverneur, il faut avoir le désir dévorant d’être gouverneur. Rien ne doit pouvoir détourner votre attention de votre engagement total dans la campagne. Actuellement, je suis en train d’évaluer l’intensité de ce désir chez moi et je dois reconnaître que deux éléments viennent le tempérer : les Texas Rangers et ma petite famille. Je passe de très bons moments avec les uns comme avec les autres. [...] Nous avons deux jumelles de sept ans qui commencent tout juste à devenir deux petites adultes. Je sais que les contraintes de la campagne sont telles qu’il me serait quasi impossible de jouer mon rôle de père, d’être là quand elles auraient besoin de moi. [...] On a beaucoup spéculé sur mes projets pour l’année prochaine. J’ai eu le temps de réfléchir, et à l’heure actuelle, je ne suis pas candidat aux élections de 1990 pour le poste de gouverneur.
Après ma sortie de scène, j’étais content de moi, j’avais bien joué la carte du bon mari, du bon père, du consciencieux directeur des Rangers soucieux d’apporter que du bonheur à ses supporters. C’était une excellente sortie de scène en attendant une prochaine et fulgurante entrée en 1994. Un journaliste plus coriace que les autres s’accrocha à mes baskets.
– Entre nous, M. Bush, si vous vous étiez présenté et aviez remporté les primaires républicains, pensez-vous que vous auriez été élu ?
– Aucun doute là-dessus.
– Et si vous auriez dû affronter la très populaire Ann Richards ?
– Je lui aurais fichu un bon coup de pied aux fesses qui l’aurait envoyée de la côte du Mexique jusque dans la zone septentrionale.
– Toujours entre nous, monsieur. Si Richards gagne et se représente en 1994 ; serez-vous, candidat, ce coup-ci ?
– Et comment !
N’empêche que dans un moment de lucidité ou d’humilité, j’avouais à mon ami Roland Betts :
– Tu sais, je pourrais me présenter comme gouverneur, mais au fond je ne suis qu’une création des médias. Je n’ai jamais rien fait. J’ai travaillé pour mon père. J’ai travaillé dans l’industrie pétrolière. Mais ce n’est pas le genre de profil qu’il faut pour être élu à une charge publique.
Toujours, mes deux côtés docteur Jekyll et Mister Hyde ! Qui supplantera l’autre ? Au fond de moi-même, je savais que Mister Hyde prenait le dessus tant mon ambition devenait grande et dévorante.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
PARTIE 1
Mes premières magouilles
L’année 1989, pour Harken, « comptablement » parlant, fut très mauvaise : 12 millions de dollars de pertes pour un milliard de revenus. Cela ne m’empêcha pas d’empocher 120 000 dollars et 131 250 dollars d’options d’achat d’actions pour mes services de consultant. Il faut dire que je n’étais pas le seul et que d’autres « huiles » comme moi passèrent au [1]bassinet. Au point que Barry Sahgal, analyste de Wall Street compte tenu des pertes qui s’accumulaient, des salaires et primes exorbitants pour ses cadres et des échanges d’actions « inhabituels » dit sans mâcher les mots : – Il y a beaucoup de manigances là-dessous. En janvier 1990, alors qu’un de nos principaux créanciers menaçait de saisir Harken, nous eûmes un formidable « coup de bol » en acquérant les droits exclusifs pour chercher du pétrole et du gaz à Bahrein, petit émirat près du Koweït. Tout le monde se demandait comment une petite société sans expérience dans le forage à l’étranger et en mer, sans le matériel nécessaire, en pleine crise financière avait pu obtenir une telle faramineuse concession face à des trusts internationaux et expérimentés ? À juste titre, Charles Strain, analyste de Houston, déclara dans le magazine Forbes : – C’est un contrat incroyable et inespéré pour cette petite entreprise. Je vais vous expliquer tout ça le plus simplement du monde. En 1987, pour sa campagne présidentielle, mon père alla trouver Jackson Stephens, le propriétaire d’une grosse banque d’investissement et membre de « L’équipe des 100 » qui regroupait les plus gros donateurs du Parti républicain. Au cours de la même année, lorsque Harken connût des difficultés, j’allais, moi aussi, voir Stephen pour qu’il injecte des fonds contre une participation au capital. Stephen entra dans le conseil d’administration d’Harken, en amenant avec lui Sheikh Addullah Bakhsh, financier et magnat saoudien de l’immobilier et détenteur de 10 % de la Worthen Bank de Little Rock, avec qui il était en affaires. Or, ces deux hommes avaient des liens très étroits avec la [2]BCCI tout comme mon ami James R. Barth, que j’avais connu dans la Garde nationale qui investit dans ma première société Arbusto, l’argent de ses amis et émirs du pétrole d’Arabie Saoudite. Faut-il rappeler que la BCCI provoqua un des plus gros scandales financiers que le monde ait connu. Dès l’automne 1991, cette escroquerie devint un des dossiers les plus embarrassants pour l’administration de mon père. La banque fut impliquée dans des affaires de drogues, blanchiment d’argent, trafic d’armes, fuites de capitaux, trafics fiscaux. Elle fut surnommée [3]« Bank of Crooks and Cocaine International » et accusée d’avoir travaillé avec la CIA dans diverses affaires comme l’Irangate. C’est ainsi qu’Harken, fut sauvé une première fois grâce à mes bons soins et mes dons de collecteur de fonds. Après on ose dire que je ne mérite pas mon salaire, mes primes et mes dons en actions ! [4]En avril 1989, le ministre de l’Énergie de Bahrein, Yousuf Shirawi, téléphone à son « vieil ami » Michael Ameen, un consultant pétrolier qui « entretenait des rapports étroits depuis des années avec la famille saoudienne et ses conseillers » dont Kamal Admiam qui était un responsable de la BCCI et ancien chef des services secrets Saoudiens. Ameen, par ailleurs, était un proche ami et associé de Sheikh Bakhsh. On voit tout de suite que ce beau monde semble converger vers la BCCI. Le ministre demandait à son ami [5]« de lui conseiller une petite compagnie américaine indépendante « dotée d’un savoir-faire technologique » pour explorer les territoires au large de Bahreëin et donner « toute son attention » au gouvernement, contrairement aux grands conglomérats pétroliers internationaux. » Michael Ameen conseilla Harken et toucha 100 000 dollars de commission lorsque les négociations aboutirent. Notre compagnie se trouva face à un gros problème, car nous n’avions pas suffisamment de capitaux pour financer les opérations de forage en mer. C’est là qu’en collecteur de fonds hors norme, j’intervenais encore une fois pour réunir le pognon nécessaire. Entre-temps, les commentaires allaient bon train pour savoir si [6]« ce contrat était susceptible de se révéler très rentable ou était une tentative de la part de ce pays arabe pour gagner la faveur de l’administration Bush par l’intermédiaire du fils aîné du président, qui siégeait au conseil d’administration de la compagnie pétrolière. » Des réponses contradictoires fusaient de toutes parts. Celle de Phil Kendrick, ancien propriétaire de Harken : – C’est évident que c’est pour cela qu’ils ont gardé Georges Bush. Sa simple présence leur donne de la crédibilité. Il leur coûte 120 000 dollars rien que pour ça. Paul Rea, haut dirigeant d’une compagnie acquise par Harken : – Les administrateurs de Harken croyaient qu’avoir le nom de Bush serait d’une aide précieuse. Ces administrateurs semblent avoir vu juste, car en 1990, alors que George Bush père est président des États-Unis, la multinationale pétrolière Amoco est en négociation pour un juteux contrat de forage avec les Émirats du Bahreïn, mais ces négociations seront abruptement interrompues. En effet, les Émirs furent mis en contact avec Harken (qui obtint finalement le lucratif contrat) par un dénommé Michael Ameen, ancien membre de l’exécutif de Mobil Oil Co, et consultant à la Maison-Blanche sous Bush père. Pourtant, Harken n’avait aucune expérience en termes de forages à l’étranger. Le nom de Bush y est-il pour quelque chose ? Celle de Stuart Watson, ancien directeur de Harken : – George s’est avéré très précieux pour Harken. Il aurait pu l’être encore plus s’il avait eu des fonds, mais en ce qui concerne les contacts, il a été formidable. Jim Moore, un autre journaliste. – Depuis des années, bon nombre d’entre nous, soupçonnons que toutes ces sociétés de Bush Harken, Spectrom 7, Arbusto ont été financées par les pétrodollars saoudiens. Dès qu’elles commençaient à battre de l’aile, les investisseurs injectaient de l’argent dans ses sociétés. […] Alors on se demande pourquoi les Saoudiens qui avaient du pétrole à revendre allaient à l’autre bout du monde pour investir dans une société moribonde ? Peut-être parce qu’Harken présentait l’intérêt d’avoir G.W Bush comme membre du conseil d’administration à l’époque où son père était président des États-Unis. De mon côté, fidèle à mon rôle de victime, devant les journalistes, comme d’habitude, je m’insurgeais avec véhémence et indignation contre toutes ces critiques calomnieuses : – En tant que fils du président, j’ai mes entrées partout. Et j’ai participé activement à une campagne électorale. À Washington, les gens respectent ça. C’est ça le pouvoir. Je peux aller voire mon père et lui parler à tout moment. […] Mais mon père n’a jamais levé le petit doigt pour me faciliter une transaction commerciale. Ed Martin, le directeur exécutif du Parti démocrate du Texas, me répliqua : – Ce n’est pas un self-made-man. Parfois, les forces du marché vous donnent un sacré coup de pouce lorsque vous vous appelez George W. Bush.
[1] Petit bassin où l’on dépose de l’argent.
[2] Bank of Credit and Commerce International
[3] Banque internationale des escrocs et de la cocaïne
[4] *** page 112
[5] *** page 112
[6] *** page 112
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
PARTIE 2
Mes premières magouilles
Les choses devinrent plus compliquées et difficiles lorsque des journaux firent le rapprochement avec les nombreux administrateurs de la BCCI qui investirent dans Harken. Il était de notoriété, dans les milieux dits autorisés, que ces dirigeants des pays arabes utilisaient généreusement l’argent du pétrole pour acheter les chefs politiques des pays occidentaux et particulièrement ceux des États-Unis. Heureusement que le scandale de la BCCI éclata deux ans plus tard. J’ai eu le culot de dire que « j’ignorais complètement que la BCCI était mêlée » aux transactions. J’affirmais que j’étais « si scrupuleux » que je m’étais moi-même « exclu » des négociations et que j’avais quitté la pièce où se discutait le projet « parce qu’il ne faut pas que nous ayons l’air d’avoir quelque chose à voir avec le gouvernement ». Ce qui était bien entendu faux. Aussitôt l’action de Harken passa de 4,50 à 5,50 dollars. Quelques mois après, par « une source paternellement autorisée », je fus averti que Saddam Hussein cherchait le conflit avec l’Arabie Saoudite et s’apprêtait à envahir le Koweït. Je jure que ce n’était pas mon père qui pourrait, si les choses tournaient au vinaigre, jurer par tous ses dieux qu’il ne m’avait jamais informé de quoi que ce soit concernant l’attaque de Saddam. Le 22 juin 1990, je vendais 60 % de ma participation, soit 212 140 actions, pour la bagatelle de 848 560 dollars. Le 2 août 1990, Saddam Hussein lance ses troupes contre le Koweït n’en faisant qu’une bouchée en quatre heures. L’action des entreprises pétrolières chuta vertigineusement. Je fus accusé par certains d’avoir commis un délit d’initié et bien sûr je m’en défendais avec la plus belle assurance : – Je n’ai aucun mal à vous regarder dans les yeux et à vous dire que je n’ai rien fait de mal là-dedans, ma vente d’action a été parfaitement légale et correcte. En 1991, la [1]SEC enquêta sur moi pour un possible délit d’initié, mais ne trouva pas suffisamment d’éléments pour m’inculper. Il faut souligner que Richard Breeden fut président de cet organisme lorsque mon père devint président et qu’il fut son avocat-conseil lors de sa vice-présidence avec Reagan. Pour couronner le tout et comme cerise sur le gâteau, James R. Doty, l’avocat-conseil de la SEC m’avait aidé à acheter les Texas Rangers et nous étions copains comme cochons. Ceci explique cela. Je m’en tirais encore une fois à bon compte grâce aux relations de papa et aussi aux miennes qui au fil du temps prenaient de plus en plus d’ampleur.
***
[1]« Securities and Exchange Commission » : organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Rebelote pour la campagne 1992 de papa
PARTIE 1
Pour moi, l’année 1991 fut catastrophique. Alors que je dors comme un bébé ou comme d’autres diront du sommeil du juste, j’en ai passé des nuits blanches à me retourner sans arrêt dans mon lit et à me faire engueuler par Laura que je réveillais toutes les cinq minutes. Avec la société Harken qui financièrement poursuivait sa descente aux enfers et devenait de plus en plus pesante pour moi (d'autant plus que ma rémunération de 120 000 en 89 passa au cours de cette année à 44 000 dollars ! Pourquoi devrais-je me casser le cul pour une telle somme ?) Avec l’enquête de la SEC qui n’en finissait pas et dont le résultat pour moi était connu d’avance. Avec mes ennemis politiques et ces fouilles merde de journalistes qui n’arrêtaient pas de me harceler avec leurs questions à la con et leurs articles ignobles comme celui-ci par exemple. Contrairement à celle d’autres pétroliers texans milliardaires avant lui, y compris son père, la fortune de Bush repose sur des échanges d’actions et des sauvetages plutôt que sur des booms pétroliers et des puits éruptifs. Quelle mesquinerie ! Je pensais à mon image de marque qui risquait d’en prendre un coup pour ma prochaine candidature au poste de gouverneur. Par-dessus tout, j’ai horreur qu’on s’attaque à mon image. En plus, mon père voulait se représenter pour 1992. Il était au plus bas dans les sondages à cause de sa politique intérieure concernant les impôts qu’il avait augmentés malgré ses promesses électorales de 88 et la situation économique avec le chômage qui atteignait un niveau record. Côté politique extérieure, il s’en était plutôt bien tiré. Sa victoire dans la guerre d’Irak avec l’opération « Tempête du désert » fut un succès. Mais, bon sang ! Moi, j’aurais poussé jusqu’au cœur de Bagdad, j’aurais saisi Saddam par la peau du cul et ramené aux États-Unis en lui serrant les couilles. Mon père ne voulut pas poursuivre estimant qu’il y « aurait eu un coût humain et financier incalculable ». Toujours sa satanée prudence, ses atermoiements à rallonge, ses compromis, sa diplomatie à la mord moi le nœud ! Alors, le monde entier ferma les yeux et laissa tranquillement Saddam mener sa répression contre les populations insurgées kurdes et chiites. Il m’appela encore à son secours. Avec tout ce que je dégustais, je n’avais vraiment pas envie de recommencer comme en 1988. Mais il avait trop besoin de moi et personne, à ma place, ne pouvait assurer le rôle de chien de garde ou d’homme à tout faire. Je l’ai déjà dit, je n’ai jamais pu refuser quoi que ce soit à mon père. La famille, c’est sacré ! Un conseiller de la Maison-Blanche exprima parfaitement mes états d’âme. – Pour le fils du président, c’était comme tomber de Charybde en Scylla. Il n’avait vraiment pas envie de prendre ce poste. Il était marqué par les allégations de trafic d’influence liées au contrat de Bahreïn et tout ce qu’il voulait faire durant l’hiver 1991 c’était de préparer les Rangers pour le championnat et retrouver les réunions de parents d’élèves de ses filles. Mais son père était acculé. Cependant, il n’était pas question que nous déménagions de nouveau à Washington. Je m’y rendais une fois par mois et téléphonais à mon père tous les jours. Chaque fois que je débarquais « comme un ouragan à Washington » « ça bardait toujours ». Je leur disais comment je procédais et comment ils devaient faire. – À propos de mon rôle, je ne suis pas un gorille de 500 kilos. Mais vous voulez savoir si je parle à mon père ? Et comment ! Est-ce que j’apporte une perspective différente de celle qu’il entend habituellement ? Et comment ! Suit-il toujours mes suggestions ? Certainement pas. Mais il peut toujours être parfaitement sûr que mon programme est son programme. Un responsable de campagne : – Personne n’ose dire ce que George se permet de dire. C’est un gars qui apprend vite, doté d’un bon instinct politique. Il connaît des gens dans tout le pays. Il saisit très bien ce qui se passe. Et contrairement à d’autres prétendants politiques de l’équipe de réélection de Bush, George défend efficacement l’intérêt de son père. Mary Matalin, la stratège politique républicaine. – C’est le premier médiateur, la première antenne politique, le premier confident de son père, le premier à résoudre les problèmes. Un vieux militant du parti : – Il avait été bien humble en 1988. En 1992, il avait réponse quasiment à tout. Mais la plupart du temps, les instincts politiques de George W. en matière d’argent étaient bons, même si son père ne suivait pas ses conseils parfois durs à entendre. Quand mon père était mécontent d’un membre du personnel, par manque d’incompétence, parce qu’il ne lui avait pas plu ou parce qu’il prenait trop d’importance et d’arrogance, il avait des états d’âme, des pudeurs qui faisaient qu’il répugnait à prendre la décision de le foutre personnellement à la porte comme un malpropre ou un inutile. Alors, comme cela ne me faisait ni chaud ni froid de mener de telles opérations punitives, il m’envoyait systématiquement à sa place. Je n’hésitais pas à « mettre au placard puis carrément à la porte » telle ou telle personne qui ne faisait pas son boulot comme il fallait. C’est ce que j’ai fait avec John Sununu le secrétaire général de la Maison-Blanche qui jouait un peu trop à la vedette. Mon père me dit : – Dis-lui de faire ses bagages. J’ai fait en sorte que Sununu les fasse rapidement. Pendant ce temps, mon père disait de lui : – C’est un as.EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Rebelote pour la campagne 1992 de papa
PARTIE 2
Au cours de cette foutue année 1991 le Time magazine révéla que Bath était un courtier chargé de transactions qui avait des liens avec la CIA et la [1]BCCI. Cette banque, accusée de fraude de plusieurs milliards de dollars concernant des opérations de services secrets, blanchiment d’argent de la drogue, trafic d’armes, corruption de responsables gouvernementaux et d’aide au terrorisme. Rien que ça ! Bath ne fut jamais directement impliqué dans ce scandale. Cependant, des révélations circulaient comme quoi mon ami et associé de la première heure fit fortune en investissant de l’argent pour Khaleb ben Mahfouz, important actionnaire de BBCI, accusé de s’être servi de l’argent du pétrole du Moyen-Orient pour chercher à corrompre des dirigeants politiques pour influencer la politique américaine au cours des années 1970 à 1980 ; ainsi que pour Sheikh Ben Laden, le père d’Oussama Ben Laden. Il devint en outre l’attaché commercial au Texas, de Salem M. Ben Laden, le frère aîné d’Oussama. Je fus obligé de prendre mes distances avec Bath tout en voulant préserver mon père du scandale de la BCCI. Je n’hésitais pas à déclarer à un journaliste que Bath et moi avions fait connaissance lorsque nous étions pilotes de chasse dans la Garde nationale : – Je n’ai jamais eu de relations d’affaires avec lui, et je sais que le président non plus. Ce fouille-merde quelques mois plus tard fit paraître des documents fiscaux me concernant. Cela m’obligea de réviser ma position. Je fus obligé d’admettre que Bath, effectivement, avait investi dans mon entreprise tout en affirmant qu’il s’agissait de fonds personnels et en aucun cas des capitaux saoudiens. Comme quoi chaque fois qu’on crache en l’air on est sûr que tôt ou tard on a des retombées sur la gueule. Tout l’art consiste à les esquiver. Un empêcheur de tourner en rond fut le milliardaire Ross, il se glissa entre mon père et Clinton rien que pour emmerder mon paternel avec qui il avait plusieurs comptes à régler. [2]L’animosité entre Bush et Perot, que The Economist a une fois décrit comme un « petit bonhomme, jacasseur, aux oreilles décollées et à la tête de goupillon », remonte à la fin des années soixante-dix lorsque Bush terminait son mandat de directeur de la CIA. […]Perot s’était rendu dans le Maine pour proposer à Bush un emploi de directeur au sein de l’une de ses nouvelles compagnies pétrolières. Bush avait poliment refusé, mais le Texan fantasque et capricieux avait pris cela comme une offense personnelle. Durant l’administration Reagan, Perot s’était rendu au Vietnam en violation du [3]Logan Act dans le cadre d’une mission personnelle visant à localiser 39 prisonniers de guerre américains qui auraient soi-disant fait des travaux forcés en Asie du Sud-est. Lorsqu’il revint bredouille, Reagan refusa de le rencontrer et le confia à son fidèle vice-président. Perot proposa d’acheter tout Cam Ranh Bay en guise de rançon ou de verser 1 million de dollars pour chaque prisonnier rendu. Bush rejeta les deux idées. – Écoutez, George, je pars à la recherche de prisonniers, mais je passe mon temps à découvrir que le gouvernement a fait circuler de la drogue dans le monde entier et est impliqué dans un trafic d’armes illicite. Je ne peux pas accéder aux prisonniers à cause de la corruption qui règne parmi nos propres agents secrets. Il a déclaré au vice-président que d’autres responsables de son entourage n’étaient pas corrompus, mais purement incompétents. En ce qui concernait Bush lui-même, Perot lui a dit : – Le monde est plein de lions, de tigres et de lapins. Et vous êtes un lapin. Bush reconnut plus tard qu’il « était dans le collimateur de Perot ». Sans trop s’éloigner de la vérité, dans les années suivantes, il a publiquement traité Bush de « faible » et de « chiffe molle ». C’est dur à dire, mais en ce qui concerne « chiffe molle », j’étais tout à fait d’accord avec Perot. Je conseillais mon père à changer de tactique et attaquer à fond la caisse et tous azimuts : – Mitraillons les écrans télévisions de spots négatifs sur la vie de Clinton. « Donne le feu vert » aux enquêteurs privés de notre Parti pour constituer un dossier sur les rumeurs des jeunes femmes noires que Clinton aurait soi-disant mis enceinte dans le sud de l’Arkansas à l’époque où il était procureur général de cet État. C’est difficile d’être face à deux candidats qui sont là pour vous flanquer des coups et à qui vous ne les rendez pas. Nous avons beaucoup de gens, là qui sont prêts à se battre, mais ils ne peuvent pas attendre éternellement l’arrivée du général pour enfiler l’uniforme. Rien à faire ! Mon vieux exigeait d'utiliser la prudence, la raison et la bonne tenue et d’éviter les attaques personnelles. Alors qu’eux ne s’en privaient pas ! Perot me plaisait beaucoup. Dommage qu’il ait choisi le camp adversaire. Quant à traiter mon père de « lapin », c’était un peu exagéré de sa part. Là où il nous fit vraiment mal, ce fut lors d’une émission télévisée où toute l’Amérique était suspendue au petit écran pour voir débattre les trois candidats. Mon père attaqua Clinton, billet en tête, en mettant en garde le peuple américain, sur son inexpérience. C’était excellent, seulement Ross Perot répliqua : – Il n'a certainement pas, en effet, l'expérience qui vous fait créer pour ce pays un déficit de 30 milliards de dollars par mois ! Clinton se marrait avec toute l'Amérique. Nos adversaires par la presse ne nous rataient pas non plus et le Los Angeles Times titra en couverture : La famille Bush abuserait-elle de son nom ? Des membres de la famille du Président semblent profiter de leur lien de parenté. Une chaîne télévisée de Salt Lake City remit en question l’attachement de Bush senior aux « valeurs familiales » parce qu’elle avait « trois escrocs dans la famille ». Le Wall Street Journal fit un article sur six colonnes sur mes transactions commerciales et celles de mes frères. Je laissais éclater ma colère vis-à-vis de la presse. – Vous remettez en question l’intégrité d’un homme, vous pouvez vous attendre à ce que cela le rende furieux. C’est vrai que dans le genre « magouille », mes petits frères à qui on aurait donné le Bon Dieu sans confession n’étaient pas mal non plus. En 1985, Neil, comme moi, mit en faillite sa compagnie pétrolière, la JNB Exploration. En 1989, il fut mis en cause dans l’effondrement de la compagnie Silverado Savings and Loan qui lui valut une amende de 50.000 dollars et l’interdiction d’exercer la profession de banquier. Quant à Jeb, le chouchou de papa, il emprunta, avec un associé, pour un immeuble de bureaux. Lorsque l’institution d’épargne coula avec 285 millions de dollars en prêts irrécouvrables, les contrôleurs fédéraux s’aperçurent que Jeb et son acolyte omirent de rembourser un prêt de 4,6 millions de dollars. Après « arrangements négociés », mes deux lascars ont fait un chèque de 505 000 dollars avec permission de conserver leur immeuble de bureaux, laissant le contribuable régler les 4 millions de dollars restants. Cela la foutait mal, surtout que mon père clamait sur tous les toits, sur tous les tons et dans ses nombreux discours que seul le retour aux valeurs familiales traditionnelles pourrait soigner l’esprit de pauvreté qui rongeait l’Amérique. Tout comme moi, ils avaient compris que par héritage familial nous avions reçu la « Force » et que la « Force » fait loi. Je comprenais de mieux en mieux la maxime de Skulls & Bône qui s’intégrait insidieusement chaque jour plus intimement en moi à mesure que j’avançais dans cette voie toute tracée. Pendant cette âpre campagne, je défendais mon père bec et ongle et je montais constamment au créneau : – Vous allez voir comme je suis prêt à en débattre. Ils doivent se dire : « Ce petit trouillard mielleux ne sera pas cette fois-ci du côté de son père. Il aura pris ses jambes à son coup. » […] Oui, je plaide coupable tout simplement d’aimer mon père et de lui être farouchement fidèle. Je regrette d’avoir été forcé de dire à certains journalistes qu’ils avaient manqué de respect et de loyauté vis-à-vis de mon père qui est un homme juste. À des membres de notre équipe aussi, j’espérais qu’on aurait à affronter des difficultés ensemble au lieu de les voir se défiler comme ils l’ont fait.
[1] Bank of Credit & Commerce
[2] *** page 122
[3] L'Acte de Logan, passé sous l'administration du Président John Adams pendant la tension entre l'Amérique et la France, interdit les citoyens privés de s'impliquer en définissant la politique étrangère américaine
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Rebelote pour la campagne 1992 de papa
PARTIE 3
Résultat des courses : Perot obtient plus de 19 millions de voix ; Clinton, 44 millions et Papounet, 39 millions. Ce hippie des années 60, ce fumeur de haschisch, ce déserteur de la guerre du Vietnam, ce coureur de jupons l’emportait devant mon père ! Je sais ! En parlant ainsi de lui, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Mais n'empêche que j’avais les boules. Un vrai désastre pour une campagne calamiteuse que nous avons subie de la part de nos adversaires, pendant laquelle nous nous sommes laissés constamment débordés de toutes parts sans jamais réagir ou alors trop tard. Cette campagne fut, après coup, qualifiée par les stratèges républicains « comme la plus mal ficelée de l’histoire du parti républicain ». Lors de la soirée du 3 novembre 1992, toute la famille se trouvait réunie devant la télé attendant avec impatience les résultats de l’élection. Atterrés, nous entendons la voix du speaker annoncer : Le gouverneur Clinton vient d’être élu président. Il a gagné les élections avec son candidat à la vice-présidence, le sénateur Al gore… Ma mère devant mon père prêt à pleurer se saisit de la télécommande et éteignit le poste. Puis elle essaya de le consoler : [1]– Le meilleur n’a pas gagné ce soir, le meilleur candidat n’a pas gagné George ! Mon père se faisait violence pour ne pas éclater en sanglots et pleurnicher comme un gosse. Le voir dans cet état, ça me foutait en l’air ! – Il est tellement en dessous de toi. Il ne mérite pas d’être président ! Il ne le serait pas s’il n’y avait pas eu ces mots des médias ! Continua ma mère. – Tu as été un grand président papa ! Un grand président, ajoutais-je pour dire quelque chose. – J’ai fait tout ce que j’ai pu. Je croyais que la guerre jouerait en notre faveur. Il grimaçait pour retenir ses larmes, ma mère lui tendit un mouchoir papier pour qu’il s’essuie les yeux. Je n’en pouvais plus de ce pitoyable spectacle : – Ouais, si seulement tu étais allé allumer ce fils de pute ! – Quoi ?! firent en même temps mes parents. – Ouais si tu étais allé jusqu’à Bagdad pour lui régler son compte ! – Oh ! Oh ! Se mit à chialer mon père. – Qu’est-ce qu’il a absorbé ? Est-ce qu’il se serait remis à boire ? demanda maman à Laura qui la bouclait comme d’habitude. – Commence pas maman ! Surtout, commence pas ! Je suis en train de parler d’aller au bout des choses, de les finir. Exactement ce qu’on m’a toujours prêché et reproché ! – Tu peux t’arrêter tout de suite. Maintenant, tu la fermes et je ne plaisante pas ! Me gueula-t-elle. – J’ai remporté cette guerre ! Se défendit mollement papa. – Oui, tu l’as gagnée, papa ! Bien sûr que tu l’as gagnée ! Je quittai la pièce suivi de ma femme, nous partîmes dans notre chambre. J’étais furax, je balançais un coup de pied sur le premier meuble qui se présentait. Je faillis me briser la cheville et me mordis les lèvres pour ne pas hurler tellement je me fis mal. – Ce n’est pas facile, tu sais. Il sait très bien que c’est la fin. – Tu sais quoi ? S’il m’avait écouté, il aurait pulvérisé Clinton. J’aimerais qu’il ait plus le caractère de maman. Parce qu’il est faible ! Il manque de volonté. Toute la différence est là. Il ne croit pas comme moi je crois. – Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. C’est sa santé le problème. Avec tous les médicaments qu’il prend. Il est fatigué. Il est vieux. Pris comme de remords, j’allais retourner voir mon père et aussitôt, je fis marche arrière. – Non, je ne veux pas le voir. Ça fait trop mal de perdre ! Jamais je ne laisserai un tel truc m’arriver. Jamais ! Je ne dirai jamais assez que de novembre 91 à novembre 92, ce fut l’année la plus misérable de ma vie. Cette expérience a par ailleurs modifié ma relation avec mon père, un homme de seulement 22 ans mon aîné. C’est une chose de connaître un homme comme père. C’en est une autre de le connaître en tant que guerrier et d’être dans les tranchées avec lui pendant un dur combat politique. Par maman, je savais que mon père déprimait après sa défaite retentissante. Que pouvais-je faire ? Un soir, il m’appela, il se répandit en pleurs. – Ça fait mal. Ça fait mal d’être rejeté. Ce fut une grande leçon pour moi. Je me suis dit à nouveau : – Ne jamais perdre ? Cela fait bien trop mal. Ouais, j’adorais et à la fois je détestais mon père. À partir de ce soir, je l’ai tout simplement aimé, comme j’aimais ma mère. Je venais de sortir « de l’ombre de mon père » et je savais que j’allais me faire un prénom : le mien.
[1] Dialogues : Film W. d’Oliver Stone
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Rebelote pour la campagne 1992 de papa
PARTIE 4
***
Alors je partis au vieux stade d’Arlington qui approchait la trentaine d’années après avoir bénéficié de plusieurs extensions. Aujourd’hui, il était arrivé à ses limites et aucun autre agrandissement n’était plus possible. Je rêvais pour mon cher Texas et mon équipe des Rangers, d’un stade digne d’eux et digne de moi. D’une équipe qui remporterait le championnat et se remplirait de milliers et de milliers d’électeurs qui voteraient pour moi. Alors que je restais planté au milieu du terrain à réfléchir et à rêver. J’entendais un vaste public m’ovationner : « George W. Bush, président ! George W. Bush, au pouvoir ! »
Il était temps de concrétiser les plans du nouveau stade que nous avions décidé de construire à Arlington, juste après l’achat des Rangers en 1989. Nous avions posé des jalons en contactant des responsables de Dallas et Fort Worth, deux villes distantes de 30 kilomètres d’Arlington pour préserver nos arrières et avoirs des arguments à présenter au maire de la ville. Nous avions prévu l'appropriation d'un terrain idéal de 6,35 hectares situé à côté du stade actuel et appartenant à Curtis Mathes, magnat de la fabrication des postes de télévision. Nous avions réfléchi au problème de notre offre de prix pour qu’elle soit la plus basse possible et empêcher son propriétaire de faire opposition. La solution consistait à obtenir une approbation législative qui permettrait de monter une autorité financière investie du pouvoir d’expropriation. Je devais utiliser mon influence politique, au niveau de la législature du Texas, pour obtenir le montage de cet organisme gouvernemental et financier. Libre des contraintes que m’avait imposées la campagne malheureuse de mon père, je me lançais à fond la caisse dans ce projet qui avait sommeillé durant des mois. Il y eut bien sûr, comme il fallait s’y attendre, ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Comme d’habitude, je n’y allais pas par quatre chemins et comme prévu, je menaçais de faire mes propositions à la ville de Dallas et Fort Worth qui ne demandaient que ça. La réponse ne se fit pas attendre. Le maire d’Arlington, Richard Greene vint me trouver et se dit prêt à augmenter une taxe à l’achat qui permettrait de dégager 135 millions de dollars et qu’il ferait tout pour que cette mesure soit acceptée par référendum des 235 000 habitants de sa ville. Exactement ce que je voulais. Il venait gentiment se laisser prendre dans ma nasse. La bataille du référendum commença et le maire tint sa promesse en défendant notre projet :
– Pensez à la menace de voir partir les Rangers à Dallas et demandez-vous si Arlington pourrait survivre à un tel coup porté à sa fierté et à son économie, ou bien acceptez l’augmentation d’un demi-cent de la taxe à l’achat qui coûterait environ 1 dollar par mois. Songez qu’abriter une équipe de base-ball de ligue majeure conférerait à Arlington un statut prestigieux dont jouissent seulement 23 autres villes.
Les opposants du projet accusaient le maire de capituler, sans négociations, devant moi et mes associés qui étions les grands gagnants de l’affaire au détriment du contribuable et que la taxe à l’achat était une entreprise immobilière subventionnée par le gouvernement et enrichissant un groupe d’investisseurs privés. Roger King, estimateur immobilier, s'exprima avec bon sens :
– J’aimerais beaucoup voir les Rangers rester et prospérer à Arlington. Mais regardons les choses en face. Bush et ses associés s’enrichissent sur le dos du contribuable et ont utilisé la coercition gouvernementale pour arriver à leurs fins en ayant fait croire que les Rangers allaient quitter la ville ? Qu’est-ce que j’en retire ? Un pourcentage sur les recettes du box-office ? Je ne pense même pas bénéficier d’une réduction sur le prix d’un hot dog et d’une bière fraîche lors du prochain match.
Tout cela était vrai et archi-vrai. Pour contrer ces vérités, il fallait faire diversion, faire lâcher aux habitants d’Arlington la proie pour l’ombre en leur présentant un miroir aux alouettes qui s’appelait Nolan Ryan, le joueur vedette des Rangers à qui je demandais de défendre le nouveau stade à Arlington. Il le fit avec beaucoup de sincérité et de simplicité. Cela eut un impact formidable :
– Je sais, du point de vue des supporters, du point de vue du terrain et du point de vue des joueurs que nous avons besoin d’un nouveau stade. Comment le financer ? C’est une bonne question et c’est un problème. Chaque fois que l’on va se trouver face à une obligation en liens avec les impôts, il y a des gens qui vont s’opposer. Je crois au progrès ; qu'importe le genre de progrès dont il s’agit. Il faut payer pour cela et il faut financer d’une façon ou d’une autre. Je me mets à la place de l’habitant d’Arlington qui va de temps en temps voir un match des Rangers au stade. Alors cela me ferait économiser douze dollars par an à ne pas avoir à parcourir 50 ou 60 kilomètres pour aller voir le match. Sans parler de la fierté collective d’avoir un club de base-ball et du prestige que cela confère.
En janvier 1991, nous gagnâmes largement le référendum avec 65 % des voix. Nous savourâmes notre première victoire. Mais la guerre n’était pas encore gagnée, nous devions gagner notre prochaine bataille en créant un organisme gouvernemental investi du pouvoir d’expropriation. Je me démenais comme un beau diable et l’[1]ASFDA fut créé dans la foulée. Un estimateur de la nouvelle organisation évalua le terrain de Curtis Mathes à 1 515 000 dollars et proposa l’achat pour cette somme. Bien entendu, il refusa et en demanda 2 835 000 dollars. Alors L’ASFDA fit une sous-estimation abusive de 817 220 dollars que la partie adverse refusa à nouveau. Nous appliquâmes une décision datant du 26 octobre 1990 qui donna lieu à une note rédigée par Mike Reilly : « Dans cette situation particulière, notre première offre devra être notre dernière offre. Si cela ne marche pas, nous devrons probablement lancer des procédures d’expropriation une fois le référendum passé. » Nous étions en plein dans le contexte. Alors nous fîmes jouer la clause d’expropriation et le terrain nous fut remis.
Glenn Sodd, l’avocat de Mathes, résume bien notre procédé pour faire main basse sur son terrain que nous convoitions :
– Ce fut la première fois dans l’histoire du Texas que le pouvoir d’expropriation avait été utilisé pour aider une organisation privée telle qu’une équipe de base-ball. Les Rangers voulaient avoir le monopole de l’endroit tout entier et leur seul moyen d’y parvenir fut d’utiliser leur pouvoir politique pour modifier la législation du Texas et pour contraindre la ville à utiliser cette nouvelle loi afin d’exproprier tous les rivaux dans le secteur.
Lorsqu’on me faisait des remarques désobligeantes concernant cette opération financière à la hussarde, je répondais :
– C’est un cas où il existe une loi établie, un processus établi et des procédures établies. Je n’y vois donc aucun problème.
Les gouvernements locaux, tels que les villes, n’étaient en général autorisés à exproprier que pour cause d’utilité publique. Pour résumer l’affaire. Le coût du stade fut de 191 millions de dollars avec 135 de financement public et les 56 restants à payer par moi et mes amis associés. Ce fut une formidable affaire ! Comme on dit, nous nous fîmes des « couilles en or ». Comme vous pouvez vous en douter, cela fit grincer beaucoup de dents. Qu’importe, j’avais gagné beaucoup de fric et préparé des voix pour mes prochains challenges politiques. Je pouvais annoncer avec des trémolos dans la voix, sans le penser une seule seconde que j’avais réalisé mon rêve d’apporter à Arlington un stade digne de lui et tenu ma promesse à mon vieil ami Eddie Chiles, l’ancien propriétaire des Rangers que son équipe resterait dans sa ville. Il est vrai que, s’il avait été plus intéressant de le faire à Dallas où ailleurs, je l’aurais fait en trouvant une bonne raison pour ne pas l’avoir construit à Arlington. La construction débuta le 24 avril 1992 et l’inauguration eut lieu le 1er avril 1994. Je pouvais alors fièrement déclarer aux journalistes :
– Vous avez là la preuve que je peux voir grand, rêver grand et faire grand. Politiquement, cela signifie que j’ai pu faire un rêve et construire quelque chose qui durera longtemps. Et quand tous ces gens d’[2]Austin disent : « Il n’a rien fait » eh bien, voilà la preuve du contraire.
Après cela, passant devant les sièges des personnalités, je caressais le dos du mien et je dis :
– Il faut vraiment avoir envie d’être gouverneur pour abandonner un siège pareil. Pourtant, je suis prêt à le faire.
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La bataille pour le Gouvernement du Texas
PARTIE 1
En 1990, je renonçais à me présenter au poste de gouverneur, laissant le champ libre à Ann Richards la démocrate et à Clayton Williams, le candidat qui reçut l’investiture républicaine. Comme nous le savons tous, la dame aux cheveux courts argentés et aux yeux bleus l’emporta et devint un gouverneur très populaire ayant la répartie facile et terrible. Vers mars 1993, lors d’une réunion familiale avec mes parents dans leur maison du Maine, je leur annonçais mon intention de me présenter au gouvernement du Texas. [1] – Gouverneur du Texas ? Tu plaisantes ! Rugit maman. – Non ! Je suis on ne peut plus sérieux ! – Et comment comptes-tu battre Ann Richards ? Elle est beaucoup trop populaire ! – Écoute, Anne Richards est beaucoup trop à gauche pour le Texas. Karl a déjà fait un sondage, il dit que je peux la battre et je vais faire payer à cette grande gueule à grosse tignasse pour les choses qu’elle a dites à propos de papa ! – Laisse tomber, tu veux !? Je te signale que j’ai gagné cette campagne et puis ce qu’il y a, c’est que ce n’est pas loyal vis-à-vis de Jeb. Il est en train de se présenter pour le poste de gouverneur de Floride. Un Bush à la fois ça suffit ! – Attend, je n’ai pas l’intention de lui voler la vedette ! – Et comment est-ce que tu crois que nous allons pouvoir faire campagne pour lui et pour toi ? Rétorque le vieux. – Ce n’est pas ce que je vous demande, voyons ! – Laura, quelle est ton opinion ? Réponds sincèrement ! Demande maman. – W. sait très bien ce que j’en pense. – Non, tu n’as pas l’air de bien comprendre ! J’ai déjà pris ma décision. – Donc, tu ne nous demandes pas notre avis ! Tu nous l’annonces. Le fait est que tu ne peux pas gagner W. ! – Pourquoi, dis-tu ça ? – Parce que tu es malheureusement comme moi ! Tu parles trop fort et tu t’emportes trop facilement ! Par contre, Jeb est comme ton père. Il réfléchit avant de parler. Il a les deux pieds sur terre, lui ! – Sois un peu moins dure avec lui. D’accord ? dit mon père en prenant ma défense pour la première fois. – Je dis la vérité, insiste la vieille. – Je ne veux pas dire quelque chose que je regretterais, dis-je en essayant rester cool. Réalisant qu’elle n’a plus de prise sur moi, elle s’en prend au chien qui se prélasse sur le fauteuil. – Descends-toi ! Après avoir passé ses nerfs sur le clébard, elle se met à faire la gueule. – Fiston, essaie au moins d’attendre 98. Tu n’auras plus à affronter Ann Richards et nous serons en mesure de t’apporter tout le soutien dont tu auras besoin. – Ah ! J’ai compris ! J’ai compris ! Tu veux que Jeb soit élu gouverneur avant moi. – Ne te braque pas, voyons ! C’est plus simple du point de vue pratique, au niveau du Timing. Je veux que vous ayez tous les deux ce que vous voulez et ce que vous méritez aussi. – Eh bien, je me présente cette fois Papou ! Tu m’entends ? Je me présente maintenant !
***
Au milieu de l’année 1993, je commençais à lancer dans la presse quelques critiques à l’encontre de Richards :
– La position d’Ann n’a pas été vraiment définie. Elle a eu carte blanche. Je n’ai pas lu trop d’éditoriaux sur son échec à conduire la question de l’éducation. On dirait qu’on évite d’en parler. Par conséquent, il faut faire peut-être une campagne pour la définir.
Selon sa verve et son humour grinçant, elle ne tarda pas à me répondre par médias interposés :
– Vous savez, Sam Rayburn disait toujours que n’importe qui pouvait détruire une étable, mais qu’il fallait un charpentier pour en construire une.
Déjà, tout le monde s’emballait et prévoyait un choc titanesque entre Ann et moi. Alors que je rêvais depuis longtemps de prendre ma revanche, j’adoptais l’attitude « du j’irai, j’irai pas » pour créer un certain suspens et me faire désirer davantage :
– J’ai beaucoup de choses sensationnelles à faire pour l’instant. Si la politique croise ma route et s’il y a une ouverture, ce sera formidable, mais je n’ai pas de stratégie.
Contre l’avis de Laura qui aurait voulu mener une vie paisible, à la mi-septembre 1993, je pris la décision de me présenter. Cependant, elle m’avertit fermement :
– D’accord, tu as pris ta décision, mais ne comptes pas sur moi, pour être la bonne épouse qui va sourire béatement à tes côtés tout au long de ta campagne. Je reste à Dallas auprès de nos filles, à m’occuper de la maison. Oui, ne t’en déplaise à cultiver mon potager et ma culture avec mes bouquins ! Et surtout, ne compte pas sur moi pour faire des discours à la foule. Une fois, ça suffit ! Ou alors en comité restreint. En tout cas, je ne parlerais jamais de politique.
Et elle tint parole. Les principaux responsables républicains et adversaires potentiels se mirent d’accord pour reconnaître que « L’issue de la course républicaine au poste de gouverneur est quasiment connue, parce que les candidats potentiels sérieux avaient pris conscience que Georges W. partait avec un énorme avantage en termes d’identité, d’années de service au Parti républicain et d’un réseau de supporters financiers potentiels. »
Alors, je n’hésitais plus et fis officiellement l’annonce dans la presse.
– Je vais me présenter parce que je suis très attaché au Texas et que je me préoccupe de son avenir. Les Texans veulent une économie en expansion qui crée des emplois et des opportunités, une ingérence moins grande du gouvernement, des agglomérations plus sûres et de meilleures écoles pour leurs enfants. Je m’engage à atteindre ces objectifs.
Je me rendis compte que lorsqu’on est conseillé dans une campagne, bien qu’on soit impliqué, ce n’est pas la même chose que d’être le candidat. Je savais qu’une de mes principales faiblesses était mes interviews avec la presse, mes adversaires, mon manque de connaissance des dossiers importants concernant la vie de chaque américain. Je me souvins de ma dernière conversation avec Karl Roove. J’ai tout de suite su que c’était lui qu’il me fallait comme conseiller pour gagner le poste de gouverneur, car il savait que j’étais une bête de la politique et qu’il pouvait me dégrossir tout en me structurant.
Karl Rove naquit d’une famille ouvrière de 5 enfants, le 25 décembre 1950 à Denver dans le Colorado. À 19 ans, son père quitte le foyer. Karl Rove passe par 6 universités sans obtenir un seul diplôme. Il s’engage très jeune dans la politique en adhérent au Parti républicain. Il admire Nixon qui eut comme mentor et soutien politique, rappelez-vous, mon grand-père Prescott. Au début des années 80, il ouvre un cabinet de consultant spécialisé dans les magouilles en politique utilisant fourberies, manipulations, diffamation. En 1980, lorsque Georges Herbert Bush se présente aux primaires républicains pour la candidature à l'élection présidentielle, Karl Rove fait partie de son équipe et c’est à cette époque que je fais sa connaissance. Sa mère se suicide en 1981.
Comme je l’ai mentionné précédemment, Lee Atwater fut conseiller dans l'administration de Ronald Reagan, en 1988, il devient le directeur de campagne de mon père pour l’élection présidentielle. Il était un des plus grands stratèges politiques de sa génération. Surnommé le Dark Vador du Parti républicain à cause de son brillant machiavélisme. Au cours de sa carrière, il mit au point un ensemble de technique dans la politique électorale utilisant l’enquête sur la vie personnelle, en faisant circuler de fausses rumeurs. Sidney Blumenthal fut un conseiller de Bill Clinton. Il est allé jusqu’à dire que si, Lee Atwater avait été là pour diriger la campagne de mon père en 1992, Bill Clinton n'aurait pas été élu président des États-Unis. Il devint le mentor de Karl Rove le super-doué qui s’améliora à son contact pour devenir le parfait salaud politique. Lui dire qu’il était le pire enfoiré que le monde a connu le ravissait, comme s’il s’agissait d’un merveilleux compliment. Pour la petite histoire, en 1990, lors d’un meeting, Lee Atwater, pris de convulsions, tomba et fut transporté à l’hôpital. Les médecins diagnostiquèrent un cancer du cerveau en phase terminale. Voulant sauver son âme, il se convertit au catholicisme et termina sa vie en s’excusant auprès de ses anciennes victimes. Il écrivit dans un journal un article où il disait qu’une « tumeur dangereuse est en train de ronger l'âme de mon pays ». Il mourut le 29 mars 1991.
Je demandais à Karl de venir me joindre aux Texas, car j’avais besoin de lui. Il vint sans tarder. Nous eûmes une discussion.
[2]– Attendez, vous êtes le fils d’un président. Vous avez fait Yale. Vous êtes allé à Harvard. Vous avez eu un [3]MBA. Si vous ne pouvez pas tenir 2 minutes devant les journalistes et sortir au moins une réponse qui se tienne, je me demande pourquoi on se présente au poste de gouverneur.
– Dis-moi juste ce que je dois faire. Je suis prêt à tout. Écoute, s’il faut que je lise toute cette foutue constitution, je la lirais !
– OK !
Comme je l’ai dit, Karl n’obtint aucun diplôme au cours de ses études, mais c’était un travailleur acharné. Si j’étais une encyclopédie dans le base-ball, lui transportait dans sa tête une encyclopédie politique et électorale depuis l’élection du premier président des États-Unis. Je pouvais nommer les 9 joueurs des Giants de New York qui ont débuté la partie en 1954. Et j’adorais qu’on me lance le nom d’anciens joueurs moitié inconnus. Sortez-moi un nom comme Pumpsie Green et je pouvais vous dire qu’il s’agissait d’un second gardien de base du début des années soixante des Red Sox de Boston. Mais lui, il est capable de vous sortir la biographie de n’importe quel président des États-Unis où des Sénateurs, membre du congrès ayant marqué la vie politique américaine, avec leur programme de campagne, leurs scores aux élections et autres statistiques. Il possède en outre un don pour interpréter les sondages et établir un programme d’action en vue de capter l’électorat. Nous travaillâmes tout l’après-midi et avant que l’on se quitte, il m’inscrivit sur papier un plan d’étude pour le surlendemain.
Au cours de ma préparation, nous faisions souvent des jeux de rôles. Il était le journaliste.
[4]– Les crimes ?
– Fin de la libération anticipée, fin de la conditionnelle pour les violeurs et les pédophiles. Les citoyens ont le droit de porter une arme à feu pour se défendre. Mon adversaire n’est pas d’accord avec ça, mais le Texas détient un taux de criminalité le plus élevé de tout le pays et pourtant Mlle Richards coupe les cheveux en quatre. Elle pense que les citoyens n’ont pas le droit de se protéger eux-mêmes. Alors si vous pensez comme elle, votez pour mon adversaire et ne votez pas pour moi.
– Et votre façon de craner avec vos bottes ?
– Au Texas, on appelle ça « marcher ».
– L’alcool, la drogue, votre passé…
– Des erreurs, j’étais jeune. Mais c’est tout ce que je vous dirai à ce sujet. Parce que je ne veux pas que votre garçon de 14 ans ait une excuse et dise : « Bien si le gouverneur Bush l’a fait, je peux le faire moi aussi. »
– George W. Bush est un pauvre mec riche et gâté. Sa fortune provient d’échanges d’actions et de redressements d’entreprises orchestrées par son papa ?
– Anne Richards peut déblatérer sur moi tant qu’elle veut. J’ai lancé des affaires qui marchent. Je dirige une équipe de première division. Je suis au contact des gens du peuple au Texas. Je bosse tous les jours avec eux au stade. Je parle avec les fans, les vendeurs de hot-dogs. J'arrive à savoir à ce qu’ils pensent. Parce que, honnêtement, je suis comme quelqu’un comme vous. Quelqu’un en qui on a confiance.
– Excellent ! Excellent W. ! Tout ça, se résume à ceci : avec qui l’électeur lambda à envie de s’asseoir et de prendre une bière ? ! Et devinez qui c’est ? C’est vous !
– Souviens-toi qu’il faut m’en donner une sans alcool !
– Bon ! S’il y a le moindre problème sur un sujet, vous venez me voir et je vous dirai ce qu’il faut dire.
– Non, tu ne vas pas me dire ce qu’il faut que je dise Karl ! Je vais dire ce que je veux et c’est toi qui trouveras les mots. Cette campagne commence et finit avec moi et avec ce que je pense !
– Vous avez raison. Je suis une petite fée qui jette un peu de poudre magique pour vous.
Par la suite, mes ennemis ou opposants l’ont surnommé « ma cervelle ». Moi, c’était « fleur de fumier » ou « petit génie » et il était ravi. Ce qui est certain c’est qu'il fut fidèle à mon père. Il le fut encore plus vis-à-vis de moi. Moi et ma famille l’avons toujours apprécié. N’empêche qu’en janvier 2000, à un an des élections présidentielles, Frank Bruni, du New York Times, rapporta le dévouement passionné, presque homosexuel, de Karl pour moi. « Lorsque M. Rove parle de M. Bush, il rayonne, portant sur lui un regard qui va au-delà de l’obligation professionnelle ou d’un investissement égoïste dans la fortune de M. Bush. Cela ressemble davantage à un béguin, à la fois platonique et politique, et cela souligne l’étrangeté de ce couple très particulier : le studieux M. Rove, pâle et concentré, et l’insouciant M. Bush, rougeaud et folklorique. » Il faut vous dire que dans le temps la plupart des nanas trouvaient que j’avais un mignon petit cul. Un jour dans un salon, je me trouve devant une glace et je vois derrière moi Karl. Effectivement, il lorgnait mon petit cul ! Depuis je me suis méfié de lui. J’ai horreur des suppositoires. Aussi petits soient-ils ! Je gueulais comme un goret qu’on égorge, lorsque Laura m'enfilait avec mille difficultés les obus que le médecin me prescrivait. Aussi quand j’étais seul avec Karl, je rasais les murs ou alors je m’arrangeais pour être face à face, les yeux dans les yeux. Eh oui ! Moi, j’y tiens à mon petit cul !
[1] Dialogues : Film W. d’Oliver Stone
[2] Dialogues du film W. d’Oliver Stone.
[3] Le Master of Business Administration ou MBA (Diplôme international d'études supérieures dans le domaine de la conduite globale des affaires : stratégie, marketing, finances, ressources humaines et management.)
[4] Dialogues du film W. d’Oliver Stone.
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