EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
46e gouverneur du Texas
[1] J'étais en caleçon me préparant à mon investiture. Laura pénétra dans la salle de bain :
– Ton père voudrait te voir.
– Ah ! Papou est là ?
– OK ! J’y vais !
Je m’apprêtais à y aller en caleçon. Laura avec son œil inquisiteur de lynx s’en aperçut :
– Enfile au moins ton pantalon.
Tout en marchant et sautillant d’une jambe sur l’autre, j’enfilais le pantalon, serrais la ceinture et remontais la braguette d’un geste brusque. J’avais à peine terminé que papa arrivait en me tendant la main. Il voulait paraître plus heureux qu’il n’en avait l’air. Ce qui fait qu’en guise de sourire, il me fit plutôt une grimace. J’ai tout de suite compris. Alors, je fis de mon mieux pour me dominer et ne pas éclater surtout un jour comme celui-ci.
– Salut fiston !
– Salut Papou !
– Ton discours est prêt ?
– Oui, je l’ai répété encore une fois.
– C’est un moment que tu n’oublieras jamais, la première fois où tu es investi dans tes fonctions. Essaye de graver ça dans une partie de ta mémoire. Comme ça, tu la savoureras dans les périodes difficiles comme ça ne manquera pas d’arriver.
– Ouais d’accord, je vais essayer de le faire.
– Tu sais ce que je suis drôlement content que Jeb vienne, je vais dire quelques mots sur lui dans mon discours.
Il fit encore plus triste mine, je m’enfilais les chaussures. Il me dit dans un souffle à peine audible en baissant la tête :
– C’est vraiment un coup dur, sa défaite. J’aurais aimé être à son investiture aussi. Cela aurait été autre chose.
Je voulais à tout prix faire bonne figure, mais je commençais à perdre patience :
– Pourquoi es-tu toujours pour Jeb ? Et pourquoi, n’es-tu pas content pour moi ?
– Mais… Bien sûr que je suis content ! Et…
Il mit sa main dans sa poche et me tendit quelque chose que je pris. Je découvris des boutons à manchettes :
– Tiens, je t’ai apporté ça. Ils appartenaient à ton grand-père. C’est la seule chose réelle qu’il m’ait jamais donnée. Porte-les bien !
Alors que je les contemplais, il me tendit une lettre qu’il sortit de la poche de son complet :
– On se voit à l’investiture fiston.
Je restais pétrifié, sans pouvoir rien dire, les mots coincés au fond de la gorge. D’ailleurs qu’aurais-je pu dire ? Je restais comme un con l’enveloppe entre les doigts, ne sachant si je devais l’ouvrir ou non. Il quitta la pièce et Laura s’approcha de moi :
– Alors qu’avait-il à te dire ?
Je lui tendis l’enveloppe. Elle l’ouvrit et la lut : « Ces boutons de manchettes sont le bien qui me tient le plus à cœur. Mon père Prescott me les a offerts après que je sois revenu de la guerre. C’était les miens et ils sont à toi maintenant. Je suis sûr que tu feras un bon gouverneur. Poppy ». C’est gentil, ce qu’il te dit.
– Tu crois qu’un jour, il sera capable de me dire quelque chose directement, les yeux dans les yeux. Au lieu d’écrire un mot !
– Il est comme ça.
– Tu crois qu’il pourra être un jour heureux avec moi ?
– Chéri, il l’est.
– Je n’arrive pas à mettre ces foutus boutons de manchette.
– Attends, je vais t’aider.
Pour mon intronisation, Jeb « paraissait heureux et fier, mais chez qui on devinait aussi autre chose, peut-être une pointe de tristesse. » D’après les journaux, la foule était moitié moins nombreuse que pour Ann Richards. Cela me fit mal aux tripes ! Le Révérend Billy Graham prononça le discours d’ouverture :
– Nous vous remercions pour le grand héritage que le nouveau gouverneur apporte à cette fonction. Nous vous remercions pour la carrière de son grand-père au Sénat et pour celle de son père à la Maison-Blanche. Nous vous remercions pour l’exemple moral et spirituel que son père et sa mère nous ont donné à tous…
Lorsque vint mon tour, alors que j’avais critiqué souvent injustement l’ancien gouverneur, je fis un éloge vibrant de son administration passée :
– Mon prédécesseur a très bien servi l’État. Son exemple donne du courage à ceux qui combattent l’adversité et de l’espoir à ceux qui demandent si les opportunités sont limitées. Aujourd’hui, alors qu’elle quitte sa fonction de gouverneur, le Texas lui est très reconnaissant. […] Restant fidèle à ce que je vous ai promis, je veux redonner au gouvernement le rôle qui doit être le sien. Dois-je rappeler le 10e amendement qui donne toute l’importance de chaque gouvernement des États-Unis : les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni interdits par elle aux États sont réservés respectivement aux États ou aux gens. Ce 10e amendement explique que toutes les compétences et prérogatives non explicitement accordées et interdites au gouvernement fédéral appartiennent exclusivement aux États ou au peuple. L’esprit de cet amendement a été oublié au cours de ces dernières décennies. Je vous promets qu’il ne sera plus oublié. En tant que gouverneur, j’utiliserai toutes les ressources que j’aurai à ma disposition pour dire au gouvernement fédéral de Washington cette vérité toute simple : Les Texans sont capables de gouverner le Texas. Les citoyens de l’État devraient également avoir davantage leur mot à dire dans ce qui est mieux pour les écoles et les agglomérations. En faisant confiance aux Texans, l’État est davantage susceptible de se concentrer sur ses principales responsabilités : des rues agréables et sûres, d’excellentes « écoles, une assistance pour ceux qui ne peuvent pas s’en sortir seul et le respect de la propriété privée. […] Pour que cette vision soit couronnée de succès, il va falloir que les Texans reviennent aux valeurs d’avant 1960. Au cours de ces trente dernières années, notre culture a peu à peu remplacé la responsabilité individuelle par la culpabilité collective. Il faut mettre un terme à cela. La nouvelle liberté que recherche le Texas doit être associée à la responsabilité individuelle. L’avenir même de notre société en dépend… Je concluais par un formidable slogan : l’histoire de notre terre nous dit ceci : Le rêve texan peut devenir réalité.
Je l’avoue humblement, j’étais assez satisfait du discours que mes conseillers m’avaient concocté. Après mon harangue et les congratulations qui suivirent, nous passâmes aux réjouissances qui coûtèrent à mes généreux et richissimes donateurs de la campagne la bagatelle de 1, 5 millions de dollars : parade de 90 minutes, concert, barbecue dans le Capitole et trois bals. Bien sûr, comme d’habitude les mauvaises langues prétendirent que ces types avaient acheté une influence, un accès au gouvernement en m’achetant généreusement. Comme de coutume, je protestais avec véhémence et je m’étonnais comment des gens pouvaient-ils avoir de si vilaines pensées. Combien c’est laid !
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Ma première année de Gouverneur
Le 17/01/1995, je prenais possession de mon bureau de gouverneur, je remarquais un cadre laissé par Ann Richards : [1] Haïssez le mal, aimez-le bien et faites régner le droit à la Porte. Je trouvais cette citation de la Bible et du prophète Amos tellement intéressante que je m’empressais avec son cadre de l’envoyer prestement à la poubelle.
Avec Karl, nous étudiâmes à fond la situation. Un adversaire encore plus coriace qu’Ann Richards m’attendait en la personne du lieutenant-gouverneur et démocrate Bob Bullock, le politicien le plus puissant du Texas, une légende vivante, un véritable dur à cuire. Il fit sa rentrée politique, il y a cela 42 ans et exerçait sa dernière fonction depuis 9 ans. Une énorme personnalité qui ne faisait pas dans la dentelle. Marié 5 fois, ancien gros buveur, fumeur invétéré qui continuait de plus belle malgré l’amputation d’un morceau de poumon. Bullock avait tendance à abattre son jeu et vous flanquer dehors par la même occasion ! Karl me dit :
– Ce mec, je le connais. Il a tous les moyens de faire de votre vie un véritable enfer.
Il me débita toute sa biographie, jusqu'à ce qu’il prenait à son petit déjeuner lorsqu’il avait 10 ans. Ouais, je sus tout de lui et le connaissais aussi bien qu’un membre de ma famille. Je devais trouver un terrain d’attente avec lui si je voulais voir mes programmes ratifiés. Nous mîmes au point notre tactique. Elle se résumait à séduire, encore séduire, toujours séduire. Dès le début, j'adoptais un profil bas devant lui et le Président de la Chambre Pete Laney, tous les deux des démocrates à tendances conservatrices. Entre autres, pour me les mettre plus facilement dans la poche, au lieu que ce soient eux qui viennent me rencontrer à mon bureau, c’est moi qui me déplaçais vers le leur. Tant et si bien que croyant qu’ils m’avaient à leur pogne, Laney un jour me dit :
– M. Bush, si vous nous laissez faire, nous pouvons faire de vous un grand gouverneur.
Comptez là-dessus et buvez de l’eau fraîche ! Voilà ce que je pensais de leur air important et plein de commisération pour moi. J’enfonçais le clou tant que je le pouvais chaque fois que j’en avais l’occasion avec la presse ou lors de réunions.
– Nous avons des désaccords, mais vous n’en entendrez jamais parler dans la presse, à propos de nos rencontres. La meilleure façon de se forger une bonne politique publique parmi les dirigeants de la branche législative et exécutive est de mettre à plat nos divergences lors de nos fréquents entretiens privés.
Ce qui fut bizarre, c’est que finalement, je trouvais ce vieux dinosaure sympathique et lui finit par m’apprécier et même à m’aimer, voici ce que dit Skip Hollandsworth du Texas Monthly.
– Aucun de nous n’a vraiment compris comment. Mais il semblerait que Bush ait séduit Bullock. Vous savez, l’homme incarnait le parfait vieux chnoque du Texas : un type sévère, à la voix râpeuse, et très curieusement, il a pris Bush sous son aile. Comme une sorte de petit frère.
Ouais, c’est vrai. Ce fut une surprise pour moi ainsi que pour lui certainement. Mais surtout pour tout le monde, que ce soit mes supporters et mes adversaires. Il s’installa entre nous à la place d’une relation tendue une véritable amitié. Des relations filiales plutôt que fraternelles d’un grand frère pour son petit frère, comme l’avait souligné Skip Hollandsworth.
Bullock n’hésitait pas à dire :
– Nous nous sommes retrouvés sur énormément de sujets. Je suis un ancien alcoolique. Je buvais beaucoup autrefois. Il m’a dit que lui aussi, il avait arrêté de boire. Puis nous avons évoqué l’avenir de notre Texas et je dois avouer très honnêtement que nous avons une vision des choses tout à fait parallèle. […] Ce que les gens de ce pays et de cet état veulent avoir à leur tête, c’est quelqu’un qui soit capable d’agir juste. Un tout petit peu mieux qu’eux-mêmes le peuvent. Un petit plus qu’ils n’ont pas et qui les rendent admiratifs de leur élu. Ils ne cherchent pas un faiseur de miracles qui marche sur les eaux du Colorado.
Moi de mon côté, je complétais ses déclarations :
– Notre relation s’est enrichie avec le temps et les choses n’ont pas toujours été roses. Vous savez, c’est un gars qui a un sacré tempérament et je dirai que j’en suis capable moi aussi. On a eu des prises de bec sur certains sujets. Mais tous les deux, nous avons le même désir de donner le meilleur de nous-mêmes au Texas.
Nous avons eu des moments mémorables et marrants à la fois.[2] Lorsque je bloquais un projet de loi cher à Bullock, il me gueulait :
– Monsieur le Gouverneur, vous êtes un gouverneur de merde !
Une fois, il me dit :
– Monsieur le Gouverneur, je vais vous baiser, je vais vous faire passer pour un imbécile !
Je lui répondais avec le sourire :
– Avant de me baiser, il va falloir m’embrasser d’abord !
Et je le serrais dans mes bras et l’embrassais. Il se débattait pour échapper à mon étreinte et partait en claquant la porte.
Lorsque nous arrivions à un accord, il finissait :
– Gouverneur Bush, vous allez être un sacré gouverneur !
Le Président de la Chambre, Pete Laney, avait nettement moins de personnalité. C’était un homme très discret et fut plus facilement malléable. J’avais ainsi inauguré un ménage à trois qui vivait une continuelle lune de miel. Je ne faisais pas la cour uniquement aux deux principaux représentants du pouvoir législatif de l’État, mais je racolais à tout va les membres démocrates de la Chambre que j’invitais fréquemment à des petits-déjeuners. Quel que soit le lieu où je débarquais, je le faisais avec beaucoup de simplicité, d’entrain, de convivialité. Je passais pour un gars pas comme les autres et un brave type. Je disais avec beaucoup de simplicité et d'humilité :
– Il n’y a pas pour moi des démocrates ou républicains, car nous sommes tous Texans. D’un seul cœur pour le Texas « relevons les manches et mettons-nous au travail.
Adversaires et partisans appréciaient mon nouveau style si différent de la pète-sec d’Ann Richards. Mes adversaires démocrates louaient ma bonne volonté à écouter et à trouver des compromis intéressants, comme Hugo Berlanga.
– Même si vous n’êtes pas d’accord avec lui, si vous parvenez à le convaincre que votre position est la bonne, il est prêt à changer d’avis. Au moins, il écoute et il n’a pas l’air d’être coulé dans du béton.
Comme tout le monde sait, on ne peut pas contenter en tout temps tout le monde. Il y a toujours le grain de sable ou le gros pavé qui fout en l’air la plus belle machine mise en place. Le premier hic arriva, lors de la Législature du Texas qui s’ouvrait en janvier 1995 et dont la session devait durer cent-quarante jours, par le premier projet de loi de mon mandat relatif au port d’armes dissimulées. En 1993, le NRA qui était un puissant lobby de l’armement, [3]fit monter en première ligne les députés à leur solde pour présenter leur projet de loi sur le port d’armes dissimulées qui provoqua une vive opposition de la part de la plupart des organismes de police. Le gouvernement précédent d’Ann Richards mit son veto à un tel projet. Lors de la campagne de 1994, je défendais le droit de tout citoyen à détenir des armes et j’annonçais que si j’étais élu je signerais tout projet de loi allant dans cette voie avec ou sans référendum. Lorsque je lançais à nouveau ce projet de loi de nombreux officiers de police me tombèrent sur le râble comme la vérole sur le bas clergé en exprimant leur désapprobation et leur inquiétude. Comme Mark Clark le porte-parole d’une organisation de 20 000 policiers d’état.
– Armer le peuple n’est pas la solution. Le taux actuel de violence dans nos rues est inacceptable. Cela n’a pas de sens pour moi, en tant qu’officier de police et simple citoyen, de dire : « Mettons encore plus d’armes pour essayer de résoudre le problème de la violence ».
John Thomas, un ancien officier du comté de Dallas.
– Une telle loi aurait un impact profond sur le système judiciaire. Cela compliquerait la tâche pour déterminer le coupable lors d’une fusillade de rue. J’imagine bien les avocats en train de demander aux témoins qui a tiré le premier.
Ron DeLord, le président de la [4]CLEAT matraquait sans arrêt.
– C’est d’une telle importance pour l’État que cela ne peut pas se décider ici dans la législature en 140 jours. Le sujet doit être débattu dans l’arène publique et ce doit être aux électeurs de décider s’ils souhaitent ou non ce genre de loi.
La National Rifle Association ne voulait pas d’un référendum ni de propositions d’assurances responsabilité civile, tests psychologiques. Elle envoya en franc-tireur l’ancien Speaker de la Chambre du Texas, Gib Lewis qu’elle payait grassement pour défendre ses intérêts et faire échouer toutes tentatives de ce genre.
– Cela rendrait certainement le coût d’un permis de port d’armes prohibitif pour n’importe quelle personne ayant des revenus moyens ou modiques.
De mon côté, que ce soit en privé, lors de réunions de travail ou devant la presse, je menais le même combat que Gib, en essayant de convaincre ou tout bonnement en forçant la main de tous les membres susceptibles d’influencer toute décision allant à l’encontre des intérêts financiers de la RNA.
– Un référendum est injustifié, l’interdiction d’armes promulguée en 1993 par Ann Richards est anticonstitutionnelle. Le droit de détenir et de porter des armes est une torche de la liberté américaine. Aucun mouvement en Amérique ne devrait autant alarmer les Américains que le mouvement du contrôle du port d’armes, parce que son objectif véritable n’a rien à voir avec la criminalité, mais vise purement et simplement à désarmer les Américains honnêtes et convenables dans le seul but d’essayer de les priver de leur liberté.
Ensuite, je voulais montrer, tout de même, que j’avais obtenu à Yale une licence d’histoire. Alors, je citais Nicolas Machiavel qui admirait le peuple Suisse : on ne peut plus libre ni mieux armé. Ensuite, un grand président James Madison qui disait à un ami européen : Contrairement à vos gouvernements, nous n’avons pas peur que nos citoyens possèdent des armes. Comme quoi les études, ça sert toujours un jour ou l’autre pour ramener sa science. Finalement, je concluais en direction de certains maires qui s’opposaient au port d’armes.
– Ces maires ne comprenaient pas comment cela pourrait contribuer à créer un monde plus paisible.
La situation devenait cocasse. D’une part, les partisans du port d’armes affirmaient que la police ne pouvait pas être partout à la fois pour protéger les citoyens et qu’il fallait donner aux honnêtes gens la possibilité de se protéger, d’autre part le projet de loi que je présentais interdisait le port d’armes dans une liste de lieux longue comme le bras. Castleberry, dans le Houston Chronicle, résume bien la situation farfelue.
– Légalement, je peux porter une arme, mais je suis autorisé à la porter nulle part. C’est la loi dans ce qu’elle peut avoir de plus absurde. En tant que détenteur d’arme, j’ai réellement envisagé d’obtenir un permis de port d’armes. Mais après avoir vu la liste des lieux dans lesquels les armes sont interdites, j’ai décidé d’économiser mon temps et mon argent.
[1] Bible — Amos 5 : 15
[2]Livre : Instants décisifs de la présidence de G. W. Bush
[3] National Rifle Association
[4] Combined Lax Enforcement Association of Texas
Mon changement de numéro de permis de conduire
Il faut savoir que l’État du Texas exige de renouveler les permis de conduire tous les quatre ans et précisément le jour de votre anniversaire. Étant donné mon statut de gouverneur, je ne pouvais pas me permettre que mon passé de jeune et irresponsable soit découvert dans ses moindres détails. Or dans le permis de conduire sont minutieusement consignées, comme signes particuliers, toutes les infractions à la loi allant du ticket de stationnement, jusqu’à l’homicide. Par exemple dans le mien, il apparaissait que j’avais tué un oiseau d’une espèce protégée lors d’une partie de chasse et que j’ai dû payer 130 dollars le 2 septembre 1994. Il est bien évident que je ne voulais pas qu’un jour on balance dans les journaux et les chaînes de télé certains autres détails plus croustillants et bien plus graves. En particulier mon arrestation en 1972 pour consommation de cocaïne et ma période d’emploi à l’Association P.U.L.L. où pour me racheter j’aidais à la réinsertion de jeunes délinquants. Le Ministère texan de la Sécurité publique qui détient la charge de délivrer les permis de conduire était présidé par James Byrne Francis Jr ; un de mes meilleurs amis et également un fidèle collecteur de fonds. Le 31 mars 1995 et non pas le 6 juillet, à la date de l’anniversaire de chaque postulant comme la loi l’exige, je ne me contentais pas de renouveler mon permis de conduire, avec le même numéro et tout mon pedigree, mais j’obtins un nouveau avec un numéro tout neuf et par-dessus tout vierge comme l’Immaculée Conception. Tout cela, grâce à James Byrne Francis Jr, mon cher ami et collecteur de fonds.
***
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Les lobbys d'armement et moi
Après ce petit intermède, revenons au débat relatif au port d’armes individuel. En pleine polémique arriva le pire évènement propre à foutre en l’air tous les efforts de la NRA financés à coups de centaines de milliers de dollars à travers les médias pour faire aboutir la loi. Le 3 avril 1995, un habitant de la ville Corpus Christie pénètre dans un bureau et abat cinq personnes puis retourne l’arme contre lui. À nouveau, Henry Garret s’éleva contre le port d’armes. – Nous avons perdu six personnes ici en moins d’une semaine à cause des armes de poing. Je pense que cela devrait envoyer une sorte de message très fort aux législateurs qui soutiennent si fermement ce projet de loi ridicule. La ville entière est sous le choc. Nous nageons en pleine confusion. Jusqu’à quel point devons-nous supporter ce type de violence ? Est-ce une solution que de mettre davantage d’armes en circulation ? Vilma Luna, de la Chambre des représentants essaya de calmer la situation tout en défendant la loi. – Mon objectif est de m’assurer que nous soyons très prudents et de présenter un projet de loi bien conçu et d’y inclure des conditions raisonnables, sensées et contribuant à favoriser l’objectif final, à savoir, être sûrs que les personnes qui obtiennent ces permis fassent l’objet de vérifications minutieuses. Vilma fut suivie par son collègue Hugo Berlanga. – Je ferai tout pour augmenter le nombre d’heures d’entraînement et que ce projet soit soumis à un référendum. Plus que jamais, je pense que les gens méritent de pouvoir donner un avis sur cette question dans un référendum exécutoire. Toutes les réserves que j’avais vis-à-vis de ce projet de loi ont été renforcées par les évènements tragiques qui se sont produits dans ma ville natale. Le NRA était opposé à ce référendum et donc moi aussi je devais l’être. Par conséquent, je continuais à m’opposer à une éventuelle consultation des Texans sur ce sujet. Le Sénateur Carlos Truan déclara à la presse : – Au vu de ce qui est arrivé […], je voulais espérer que le gouverneur Bush allait changer d’avis. Après concertation, je fis monter au créneau mon porte-parole pour balancer une déclaration voulant à la fois tout dire et rien dire. – Le Gouverneur Bush continue à penser que les Texans doivent avoir le droit de porter des armes de poing pour leur autodéfense. Ma réponse ne trouva pas un écho positif. Un tas de personnes me tombèrent dessus. Elles m'accusaient de manquer de compassion ou alors que ce manque de sentiment montrait combien j’étais inféodé à NRA qui m’avait financé si généreusement lors de ma dernière campagne. Comme Susan Gates du Houston Chronicle : – Honte au Gouverneur George W. Bush. Honte à la législature du Texas. Avec tous les problèmes graves qu’il y a dans notre État — l’éducation, la drogue, la pauvreté et la lutte perpétuelle — pour hisser notre État à un niveau nous permettant de rivaliser avec d’autres États en matière d’emplois fortement rémunérés quel est notre premier projet de loi qu’ils soumettent au vote ? Un projet de loi visant à autoriser les Texans à porter des armes dissimulées. Si c’est un exemple de leurs priorités, que Dieu nous vienne en aide pour les quatre années à venir. Je sais que ces gens sont redevables à la National Rifle Association, car elle leur a versé d’importantes sommes durant la campagne, mais ils auraient pu faire preuve d’un peu de la bonne vieille discrétion d’autrefois avant de remercier leurs bienfaiteurs. Je pense que nous avons été vendus au plus offrant. Honnêtement, je me demande comment ils arrivent à trouver le sommeil. Combien cette Susan de malheur vit le fond du problème et mit le doigt là où ça fait mal ! Comme si ce n’était pas suffisant, le 11 mai 1995, quelques jours avant que le projet de loi passe, je lis, en première page, dans le Houston Chronicle : « L’ancien président Bush rend rageusement sa carte de la NRA. » Il fit cela à la suite d’une déclaration du vice-président de la NRA qui lui aurait déplu. Cela ne pouvait pas plus mal tomber. J’étais furieux que le vieux ait lavé son linge sale en public. J’ai balancé mes lunettes qui se sont fracassées sur le cadre en verre d’une photo regroupant toute ma famille. Ensuite, j’ai appelé mon père, nous nous sommes engueulés. Je jurai si fort que ma mère intervint et menaça de raccrocher si je ne me calmais pas. Les jours suivants assis à mon bureau, mâchant du chewing-gum, je ne cessais de répéter : – Cet emploi ne paye pas assez pour que je supporte toute cette merde, surtout quand mon vieux me donne un coup de poignard dans le dos devant tous les habitants de ce foutu État. Enfin, la loi fut ratifiée. La Nationale Rifle Association pouvait être satisfaite. Elle le fut tellement qu’elle fit publier un article qui félicitait la législature « d’avoir reconnu et codifié le droit fondamental à l’autodéfense » et saluait les efforts du gouverneur dans ce sens. Une autre loi complémentaire fut lancée et ratifiée dans la foulée. Celle-ci infligeait une amende de 500 dollars à tout adulte qui laisserait une arme à la portée des enfants. Si l’enfant tirait, un coup de feu se blessait ou blessait autrui, les parents seraient alors passibles d’un an de prison et 4000 dollars d’amende. En privé le Sénateur, West eut la dent dure. – Peut-être, la loi de protection sur les enfants épargnera, mais je pense qu’en réalité cela doit aussi soulager la conscience du Gouverneur Bush et de certains de mes collègues législateurs qui ont probablement du mal à trouver le sommeil le soir. C’est peut-être vrai pour certains collègues, mais pas pour moi, j’ai toujours dormi comme un bébé du sommeil du juste. Dans ce coup, j’ai fait ce que j’avais à faire. Quand un souteneur important finance en grande partie votre campagne, il faut qu’il ait des retours avec intérêts sur son investissement et quand on gagne on doit casquer selon ce qui a été convenu. C’est comme ça ! L’argent a toujours été le nerf de la guerre et des victoires électorales. La session législative biennale commencée début janvier s’acheva fin mai 1995. J’essayais de faire croire que cette 74e session biennale compterait « comme la plus importante de l’histoire du Texas ». Qu’en était-il en réalité ? J’avais basé ma campagne sur les quatre points essentiels que je vais vous présenter ou vous représenter ci-dessous. Or je savais que ces points étaient déjà à l’étude par les législateurs de l’État et en particulier par le Lieutenant-gouverneur Bullok. Après les avoir défendus pendant la campagne, il suffisait que je montre pendant la Législature combien j’y étais attaché et donc combien je continuais à être en phase avec eux et surtout avec l’orgueilleux Bullok qui « contrôlait le Sénat du Texas — et ainsi, le gouvernement de l’État — en déterminant quelles lois seraient adoptées et quelles lois ne le seraient pas. » Je savais donc combien il pouvait me scier à la base si jamais j’avais le malheur de m’opposer à lui ou lui déplaire en quoi que ce soit. Il fallait que je me le mette dans ma poche. Pour cela, je me rendais dans son ranch et me tapais deux heures de route que je me serais bien évitées si cela n’en valait pas la chandelle. Je lui apportais personnellement des cadeaux de Noël et lui faisait tout un tralala. Lorsqu’il fut hospitalisé une semaine pour une petite pneumonie, je lui rendais visite pratiquement tous les jours, « juste comme ça » disais-je aux journalistes extasiés par tant de gentillesse de ma pomme. Bref, je léchais à mort ce vieux chnoque ! Ouais, je remarquais que plus le temps passait, plus je détestais les vieux. Je pensais à mon père et le sale coup qu’il m’avait fait en se radiant de la NRA et qui aurait pu me coûter cher. Le conseiller politique de Bullock, un certain Tony Proffitt n’était pas tout à fait dupe ainsi que d’autres. – Le gouverneur Bush avait ces points, ces quatre grands points, et il avait une vision claire de ce qu’il allait faire. Il était assez intelligent pour savoir que ces points étaient des points importants sur lesquels on travaillait déjà, et que, en s’y penchant dessus, il accomplirait des avancées significatives. Je répondais : – En réalités, ils ont partagé le mérite avec moi et j’en ai partagé le mérite avec eux. Je pense que cela est un élément important du processus. […] Je pense que j’ai été assez réaliste et pragmatique pour savoir que Bullok était un homme influent au Sénat. J’étais assez sage pour savoir si je pouvais ou non le traiter en ami. Si cela s’était avéré impossible, j’étais prêt à me débrouiller tout seul. Mais la meilleure solution est toujours d’essayer de créer des alliances si elles peuvent conduire à un objectif commun. Un de mes conseillers, bien que cela me déplut, résuma ma tactique et prophétiquement mon ambition. – Il fallait que Bush apparaisse comme un gouverneur qui aime mettre la main à la pâte, du genre « regardez ce que je fais », s’il voulait se servir de sa fonction de gouverneur comme d’un poste-tremplin pour accéder à la présidence et la clé de cette réussite était Bullock. Usant de talents politiques qui s’apparentaient davantage à ceux de Clinton qu’à ceux de son père, Bush s’est personnellement lié avec le lieutenant-gouverneur. J’ai horreur de beaucoup de choses, mais de deux en particulier : qu’on me compare à Clinton et qu’on dise que mon père a fait mieux que moi. Inutile de dire que je l’ai viré. EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »Les magouilles continuent ...
Finalement, tout le monde me lâcha malgré toutes mes manœuvres de séduction dont j’étais capable envers les uns et les autres. Mais celui qui fut certainement le plus déçu fut mon bienfaiteur milliardaire Richard Rainwater, « l’un des plus grands financiers de son époque », « un opérateur de légende » et « l’un des investisseurs les plus astucieux de la nation ». Si mon projet (en fait le sien) avait marché, il aurait pu économiser plusieurs millions de dollars en réduction d’impôts fonciers et fiscaux. Il reconnut que bien qu’ayant échoué, je m’étais démené comme un beau diable, que j’avais mouillé ma chemise pendant toute la législation au point que j’avais failli me mouiller moi-même à cause de nos accords secrets. Pour cette raison, il ne m’en voulut pas trop. Des millions, il n’en avait rien à faire. Pour lui, c’est le jeu qui comptait et avant tout être le maître du jeu. D’autant plus qu’après notre échec, j’ai fait en sorte que ses nombreuses entreprises profitent de nombreux marchés afférents à l’État du Texas en risquant gros pour lui. On rappelait la phrase Ann Richard de 1994. – Bush appartient à Rainwater ! Ainsi que celle de son porte-parole de l’époque Richard Chuck McDonald. – C’est à M. Rainwater que George W. Bush doit son poste actuel de président des Texas Rangers. Cela ne se limite pas aux 100 000 dollars qu’il a investis dans la candidature de Bush, mais Bush est entièrement redevable à M. Rainwater pour son salaire. Jim Hightower, auteur et animateur de talk-shows. – Pendant plus de 10 ans, George W. Bush n’a jamais rien fait sans consulter l’Homme (Rainwater) – et je ne parle pas de son père. Et l’Homme a très bien réussi pendant que son copain était gouverneur. Le Houston Chronicle dans un article fit même des allusions à des conflits d’intérêts en faisant état de certaines « transactions commerciales » concernant Rainwater et d’autres amis qui étaient, si on grattait bien, également des partenaires commerciaux. Bien sûr, je me défendais en prenant à témoins tous les dieux de la Création. – Je jure que je ne me suis pas lancé dans la politique pour m’engraisser ou engraisser mes amis. Toute insinuation comme quoi je me suis servi de ma fonction pour aider mes amis n’est tout simplement pas vraie. […] Je n’incite jamais mes partenaires commerciaux à faire affaire avec le gouvernement de l’État d’une façon ou d’une autre. J’ai cette formidable faculté de me croire même quand je mens. Après je ne fais que changer d’avis ! C’est tout ! La meilleure affaire que je réalisais fut en 1998, lorsque Tom Hicks, propriétaire des Stars de Dallas, acheta pour 250 millions de dollars les Texas Rangers. Initialement, j’avais versé, en 1989, 606 000 dollars. Je touchais pour cette vente 15 millions de dollars ! D’un coup de baguette magique, je devins multimillionnaire du jour au lendemain. Fou de joie, je m’écriais : – Quand tout sera bouclé, j’aurai fait plus d’argent que tout ce que j’aurais pu imaginer. En 1986, alors que j’étais pétrolier, j’avais déclaré que j’avais un nom et pas d’argent. Maintenant, j’ai les deux. Je vais expliquer la générosité dont firent preuve mes associés et le prix aussi élevé des Texas Rangers consenti par Tom Hicks. Le financement de l’université publique du Texas fonctionne grâce aux dons généreux d’anciens étudiants ayant fait fortune. C’est d’ailleurs le cas d’autres universités américaines. Les sommes investies finissent par rapporter gros. Lorsque je fus élu gouverneur, je décidais que le fonctionnement de cet ardent ne serait plus rendu public. Je privatisais les actifs à hauteur de 9 milliards pour les confier à un responsable. Devinez qui ? Tom Hicks ; le monsieur qui avait racheté au prix fort les Texas Rangers. Vous voulez que je vous fasse un dessin ? Les médias de l’époque ne firent pas trop de vagues. D’une part, car ils étaient plus ou moins influencés par mes amis qui faisaient partie de leurs conseils d’administration et détenaient de larges parts de capital et d’autre part, parce que mes sondages de popularité étaient au beau fixe avec 70 % de satisfaits. Jim Hightower, coordonnateur politique, écrivain. – C’est le chouchou de la presse. Tout le monde dit : « Bah, on doit aimer George Bush. Eh bien, moi, je ne l’aime pas ! Encore, un autre fils à papa. C’est un gouverneur passif. Il est complètement dépendant de l’argent des entreprises et de la liste des desiderata de ces dernières. Comme on dit, on ne peut pas plaire à tout le monde. Dans la mesure où on n’est pas à même d’imposer sa popularité, le principal est de plaire au plus grand nombre et de tenir le plus longtemps possible les rênes du pouvoir. Durant mon mandat, j’ai tout fait pour apparaître comme un gouverneur qui serait impitoyable pour les criminels et intraitable pour qu’ils accomplissent jusqu’au bout la durée initiale de leur condamnation sans qu’ils bénéficient des réductions de peines anticipées mises en place. Lors d’une réunion qui rassemblait des victimes de criminels, j’avais fait des déclarations qui enthousiasmèrent l’assistance : – Nous sommes sévères envers les criminels dans notre État. Criminels, si vous décidez de poser vos valises au Texas, un lit sur mesure vous y attend. […] La justice doit d’abord s’intéresser aux victimes. […] Nous avons le taux d’incarcération le plus élevé du pays. […] Nous ne disposons pas de délais très longs pour faire appliquer la peine de mort et au Texas, les familles des victimes ont le droit d’assister aux exécutions. Cependant, à mon auditoire emballé, j’omettais de lui dire que si j’avais alloué 32,6 millions de dollars pour l’aide psychologique aux victimes et à leurs familles, j’avais laissé dormir 182 millions de dollars qui, normalement, devaient leur être attribués. Ensuite, [1] selon le ministère de la Sécurité publique du Texas, le taux de criminalité avait augmenté durant le premier mandat de Bush, inversant la tendance des quatre années précédente passées, ce qui s’est avéré gênant pour Bush et sa plate-forme d’ordre public conservatrice. […] Sous le mandat du gouverneur, seule la Californie affichait un plus mauvais bilan que le Texas en nombre de jeunes tués par balle. En outre, au Texas, les armes à feu ont fait plus de victimes que la route. Un exploit peu glorieux partagé par seulement sept autres États. Durant ma campagne de 1994, j’avais promis que les condamnés accompliraient leurs peines jusqu’au bout et qu’aucune dérogation ne serait retenue. Je mentais, car je savais que cette promesse serait inapplicable du fait des lois en vigueur. Mais c’était ce que les gens voulaient entendre et il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut rien entendre. C’est ainsi que j’avais attaqué le bilan d’Ann Richards, alors qu’il était très positif avec une baisse régulière de la criminalité, un vaste programme de construction de prisons, une demande de réduction des libérations conditionnelles, des peines plus lourdes pour les auteurs de crimes violents. Les mises en liberté surveillée qui eurent lieu ne furent possibles que grâce aux lois décrétées avant son mandat et prescrites sous le gouvernement d’un républicain. Durant ma campagne j’avais fais beaucoup de promesses. – Je mettrai un terme à la libération des criminels et à la libération pour les violeurs et les pédophiles. Je réclamerai la fin des mises en liberté surveillée pour tous les condamnés, y compris pour ceux qui sont sous les verrous, malgré des interdictions de longue date, tant dans la constitution fédérale que dans celle du Texas, empêchant ce genre de lois rétroactives. [2]« En 1995, la législature mit effectivement fin à la mise en liberté surveillée des détenus en donnant àla Commission des libérations conditionnelles du Texas le droit de donner son veto à la libération anticipée de tout prisonnier estimé être une menace pour la société. Mais cette loi ne s’appliquait qu’aux détenus condamnés après son entrés en vigueur, soit en septembre 1996. Les législateurs n’ont pas tenté de faire appliquer cette loi rétroactivement et même les propres conseillers du gouvernement l’en ont dissuadé au vu des obstacles constitutionnels. »
[1] *** page 202
[2] *** page 204
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Les Talibans au Texas
En 1997, une délégation de chefs Talibans venus d’Afghanistan rencontre à Houston les dirigeants d’UNOCAL. On leur déroula le tapis rouge. Il fut discuté de la construction d’un pipeline qui traverserait l’Afghanistan pour acheminer le naturel depuis la Mer Caspienne. Retenez cet évènement, il est capital pour comprendre beaucoup de choses !
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
5 affaires judiciaires embarrassantes
Larry Don McQuay
Plusieurs affaires judiciaires allaient me tomber sur le coin du baigneur. Celle de Larry Don McQuay. Un violeur d’enfant multirécidiviste qui fut condamné en 1990 à 8 ans de prison et qui devait être libéré après avoir purgé 6 années comme la loi l’exigeait. Cet homme avait écrit à Andy Kahan, président du bureau d’aide aux victimes de Houston.
– Je pense qu’en l’absence de traitement adéquat, je suis voué à finir par violer puis assassiner mes pauvres victimes afin qu’elles ne me dénoncent pas. […] Je fantasme souvent sur le viol brutal d’enfants kidnappés.
Or en 1995, dès mon entrée en fonction, je supprimais les subventions gouvernementales finançant le programme des traitements pour délinquants sexuels et adultes maltraitants. Puis, en 1997, je demandais aux législateurs dans le cadre d’économie budgétaire d’un milliard de dollars de réduire fortement les dépenses relatives aux traitements spécialisés que devaient suivre les délinquants sexuels avant leur insertion dans la société. Vous imaginez dans quel bordel je me trouvais en 1997, alors qu’il était question de libérer ce salaud ! Aussitôt, des protestations s’élevèrent dans tout le pays qui se réveilla soudainement de sa léthargie dans laquelle je l’avais fait sombrer durant plusieurs années. Son réveil fut rude pour moi. Je compris qu’il fallait bouger rapidement mon petit cul. De toute part, on criait :
– Bush n’a pas tenu sa promesse.
Pour préserver mon avenir politique que je voulais flamboyant, je pressais les législateurs d’adopter un projet de loi mettant fin à toute libération anticipée et à commencer par celle de McQuay qui me pourrissait la vie. J’essayais en même temps de me secouer mes puces et les refiler aux législateurs.
– C’est la Commission des libérations conditionnelles, et non pas quelque formule mathématique, qui doit décider si un prisonnier doit rester ou non derrière les barreaux…|[…] Je ne pense pas que notre constitution donne aux criminels le droit de sortir de prison avant d’avoir purgé leur peine et ce sera un point prioritaire pour mon administration durant la session.
Un membre de la Chambre de l’État, Peggy Hamric abonda dans mon sens.
– Nous ne modifions pas la longueur de la peine. Nous modifions simplement les conditions de libération du détenu.
Manque de pot, quelque temps avant, la Cour suprême des États-Unis décréta anticonstitutionnel le cas d’une loi similaire en Floride. J’abandonnais la partie. Je considérais que ça me coûterait du surmenage pour pas grand-chose et que la partie était perdue d'avance. J’avais mon baratin tout prêt et cela seul m’importait pour répondre aux critiques qui ne sauraient tarder à me tomber dessus. Ce fut le comble, les premiers qui m'attaquèrent de front, furent des juristes et des sénateurs qui accusèrent mon manque de courage, de qualités de chef et de persévérance.
– Le gouverneur a abandonné trop tôt la partie. Nous aurions facilement adopté le projet dans la législature et il aurait pu le ratifier. Il aurait fallu des années avant qu’il ne parvienne à la Cour suprême et il aurait eu une chance sur deux que les juges reconnaissent que l’État du Texas ne modifiait pas la longueur de la peine d’un détenu. […] Lorsque la Constitution des États-Unis a été rédigée, la libération conditionnelle n’existait pas, ce point n’est pas abordé dans la constitution. Mais parce que le gouverneur a décidé d’abandonner sans même se battre, des milliers d’abominables criminels vont être automatiquement libérés de prison et personne ne peut rien.
Les associations de défense des victimes firent afficher dans les villes le portrait de deux criminels avec leur terrible curriculum vitae qui allaient être libérés dans les années à venir à cause de mon laxisme à remettre aux calendes grecques la loi sur la mise en liberté surveillée devant les tribunaux. Effectivement, au cours des années 97 et 98 des criminels récemment libérés commirent des actes odieux quelque temps après leur mise en liberté surveillée et on m’accusait d’en être le responsable. J’étais comme le pauvre agneau offert pour l’expiation de tous les malheurs du monde.
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Lawrence Russel Brewer
L’affaire qui me fit le plus de mal fut celle de Lawrence Russel Brewer. Ce criminel récidiviste et raciste blanc fut libéré en septembre 1997. Le 7 juin 1998 avec deux ex-taulards, après une nuit à boire de la bière, ils prennent dans leur camionnette James Byrd un Noir handicapé. Ils le conduisent dans un endroit désert, le déshabillent, le maltraitent, l’attachent par les chevilles à l’arrière d’un véhicule avec une corde de 7 mètres et le traînent en roulant sur 5 kilomètres. Sur le trajet, on retrouva sur 75 endroits les dents et des parties du corps et la tête décapitée du pauvre homme !
Un habitant du village de Jasper déclara :
– Si le Gouverneur Bush avait tenu sa promesse de mettre fin aux libérations automatiques de prison, Brewer serait toujours derrière les barreaux et Byrd serait toujours en vie.
Sonfronia Thompson, membre de la chambre, présenta au lendemain de l’affaire une loi, qu’elle appela la loi James Byrd, qui serait beaucoup plus sévère pour les crimes de race, de couleur, de handicapés, de religion, de nationalité ou d’orientation sexuelle qui devraient être jugés comme crimes de haine. Je refusais la révision de cette loi. Mais, personnellement, je fis l’effort de téléphoner à la famille du pauvre homme pour lui présenter mes sincères condoléances. Sonfronia, malgré toute la compassion dont je fis preuve vis-à-vis de ce pauvre bougre et les siens, sans crier gare, me tomba dessus.
– Le Gouverneur Bush se décrit comme un conservateur compatissant. Il a effectivement téléphoné à la famille de James Byrd pour lui présenter ses condoléances. Mais aujourd’hui, les condoléances ne suffisent plus. J’ai demandé au Gouverneur Bush de me montrer sa compassion en soutenant la Loi James Byrd.
Craig Kilborn du The Daily Show, enfonça le clou:
– Bush se décrit comme un « conservateur compatissant », ce qui au Texas revient à vous caresser dans le sens du poil avant de vous planter un coup de couteau dans le dos.
Joy Behar, animateur de The View sur ABC,
– George W. Bush se décrit comme un « conservateur compatissant ». N’est-ce pas un peu comme si l’on qualifiait quelqu’un de « cannibale végétarien » ?
Moi qui en 1994, avais promis de tout changé en matière de justice criminelle, je répondis en prenant de la hauteur en parfait moraliste :
– Je pense que n’importe quel crime est un acte de haine, et en particulier celui qui s’est produit à l’encontre de James Byrd. Je pense que le meilleur moyen de chasser la haine dans le cœur des gens est la religion. La vérité est que le bien et le mal existent, mais c’est quelque chose de bien plus grand que le gouvernement qui permettra de guérir le cœur des hommes.
Voilà, la messe était dite ! Il n’y a plus rien à voir ! Circulez ! C’est ce que l’on appelle des convictions à géométrie variable ou du foutage de gueule ! Et en foutage de gueule, je m’y connais.
*
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Karla Faye Tucker
Encore en 1998 ! Foutue année de merde, il y eut l’affaire Karla Faye Tucker. Le 16 juin 1983, elle avait 23 ans. Prostituée, droguée notoire, soi-disant sous l’effet de la drogue et de l’alcool depuis 3 jours, avec la complicité de son boyfriend, une petite frappe de toxicomane, elle tue sauvagement un couple à coups de hache et de marteau pour lui voler sa moto. Au cours du procès, elle déclara « avoir eu un orgasme chaque fois que sa hache frappait le dos de la victime ». Tous deux furent déclarés coupables des deux crimes et condamnés à deux fois à la peine capitale. Son complice mourut en prison d'un cancer du poumon. Karla en prison changea radicalement en lisant la Bible et en trouvant la foi en Jésus. – Cela s’est produit en octobre, trois mois après mon arrivée en prison, lorsqu’un aumônier est venu et que j’ai assisté aux offices, ce soir-là, acceptant Jésus dans mon cœur. À ce moment-là, le poids écrasant et la réalité accablante de ce que j’avais fait m’ont frappé. Je me suis mise à pleurer cette nuit-là pour la première fois depuis de nombreuses années et aujourd’hui les larmes font partie de ma vie. […] Je ne comprends pas très bien les critères de la commutation des peines de mort, mais je peux vous promettre que si vous commuez ma peine je passerai le reste de ma vie sur cette terre à aller vers les autres pour produire un changement positif dans leur vie. Ici, en prison où je suis, je vois des gens qui sont là pour des crimes horribles et d’autres pour des crimes un peu moins horribles, mais qui à ce jour agissent toujours de manière violente et blessent les autres, sans se préoccuper de la vie d’autrui ou de leur propre vie. Je peux aller vers ces filles et essayer de les aider à changer avant qu’elles ne sortent d’ici et aillent blesser quelqu’un d’autre. […] Je ne peux pas rendre les vies que j’ai prises. Mais je peux, si vous m’en laissez la chance, aider à en sauver d’autres. C’est la seule réparation que je puisse offrir. […] Si mes supplications sont rejetées, j’entrerais dans la chambre de la mort en prônant l’amour de Dieu. Durant les 15 années d’emprisonnement, elle prêcha la bonne parole aux détenues et épousa un aumônier de prison. Des demandes furent faites pour que sa condamnation à mort puisse être commuée en détention à perpétuité et qu’elle puisse poursuivre son ministère carcéral. La demande fut refusée le 8 décembre 1997 par la Cour suprême des États-Unis. Le pays connut une intense campagne en sa faveur. Bianca Jagger, l’ex-femme du fameux rocker Mick Jagger qui fait partie d’Amnesty International, fut autorisée à lui rendre visite. Elle déclara : – Cette femme de trente-huit ans est remarquable […] Elle est complètement désintoxiquée […] Sa vie serait bien plus précieuse pour cet État que sa mort. Pour ma part, j’approuvais l’exécution, seulement je me trouvais écartelé entre deux vaches à lait. D’un côté, les Conservateurs chrétiens étaient pour la commutation en détention à vie, de l’autre mes électeurs pour la peine de mort m’accuseraient de laxisme. Un sondage montra que la majorité de Texans était pour la peine de mort de Karla malgré sa conversion religieuse, arguant que ne pas la lui appliquer encouragerait d’autres femmes par ce traitement de faveur : – Si elle était Karl Tucker, un homme noir de forte carrure au lieu de Karla Tucker, la menue femme blanche séduisante, il n’y aurait pas le moindre débat autour de son exécution. Richard Dieter, directeur du Centre d’information sur la peine de mort, déclara : – Beaucoup pensent que le Gouverneur Bush lorgne du côté de la présidence des États-Unis. Quelle que soit sa décision, elle reflétera sa personnalité. Elle donnera une image de lui. Bush court le risque de paraître trop dur. Et beaucoup de gens en dehors de nos frontières du Texas pourraient ne pas apprécier une telle image. Combien il avait vu juste ! Je me trouvais entre le marteau et l’enclume. Situation bien inconfortable. Il fallait à tout prix que je sauve les apparences, préserve mes intérêts et ceux de mes commanditaires de tout poil qui m’avaient propulsé jusqu’au Gouvernement du Texas en attendant mieux. Comment paraître à la fois juste et compatissant ? Telle était la question. Avec mes conseillers, j’essayais de me tirer au mieux de la situation en retirant le maximum de marrons du feu. En privé, je demandais aux membres de la Commission des grâces de rejeter à l’unanimité le recours demandé en faveur de Karla. En public, je déclarais : – Je ne me laisserais pas influencer par des pressions politiques ou des questions liées au sexe de la personne. Je pense que mon travail est de faire respecter les lois de l’État du Texas et nous devons traiter ce cas comme n’importe quel autre cas. De toute manière, je compte suivre le verdict de la Commission des grâces. Le 2 février 1998, Victor Rodriguez, le président de la Commission annonça : – La commission a décidé de rejeter la demande de commutation de peine de Karla Tucker et la commission a rejeté sa demande de sursis. Les membres de la commission m’avaient suivi. Ils votèrent à l’unisson contre la requête. Ouf ! Par conséquent, je ne pouvais que respecter ma promesse et donc suivre la décision des 18 membres de ladite commission. Le 3 février, je fis une conférence de presse télévisée qui fut diffusée dans le monde entier pour annoncer la décision : – Karla Faye Tucker a reconnu être coupable d’un horrible crime. Elle a été condamnée par ses pairs. Le rôle de l’État est de faire appliquer nos lois et de veiller à ce que tous les individus soient traités équitablement en vertu de ces lois. Les tribunaux, y compris la Cour suprême des États-Unis, ont examiné les questions juridiques de cette affaire, et par conséquent, je n’accorderai pas de sursis d’un mois. […] Comme beaucoup d’autres personnes touchées par ce cas, j’ai demandé conseil à travers la prière. J’en ai conclu qu’il valait mieux confier le jugement du cœur et de l’âme d’un condamné à mort à une autorité supérieure. Que Dieu bénisse Karla Faye Tucker et que Dieu bénisse ses victimes et leurs familles. Karla Faye Tucker fut exécuté ce même jour. Elle est la première femme exécutée au Texas depuis 1863. Elle avait 38 ans. Avant l'injection du produit létal, elle demanda pardon à la famille de l’homme et de la femme qu’elle avait massacrés. Elle dit aux membres de sa famille qu’elle les aimait, elle remercia les responsables de la prison d’avoir été si bons avec elle et prononça ces dernières paroles : – Je vais me retrouver en face de Jésus maintenant. Je vous aime tous beaucoup. Je vous reverrai quand vous viendrez me rejoindre. Je vous attendrai. À l’extérieur de la prison, lorsque Karla fut déclarée morte des gens pleuraient et d’autres criaient : – À bas Karla ! […] Elle doit payer le prix de sa sauvagerie. Quelque temps après l’exécution le journaliste Tucker Carlson écrivit dans son journal qu’un jour lui et moi avions eu une conversation au sujet de Karla et de sa commutation de peine et que je me serai moqué de cette pauvre femme en imitant ses suppliques lors de son procès : « S'il vous plaît, ne me tuez pas. » C’est vrai des fois, je ne peux pas me retenir, et je me lâche comme un jeune gamin ou un cheval fou ! C’est comme ça. Oui ! Il faut que je me surveille sérieusement, car « Chasse le naturel, il revient au galop » ! Ce ne fut pas trop méchant. Je démentis. Cela passa comme une lettre à la poste. De toute manière, c’était sa parole contre la mienne et la parole d’un petit journaliste ne fait pas le poids contre celle d’un grand gouverneur. En attendant, ça divise l’opinion des braves gens, le doute est établi et tout le monde vite oublie. * EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush » Henry Lee Lucas Il y eut une autre affaire qui fit encore beaucoup de bruit. Ce fut celle du tueur en série tristement célèbre Henry Lee Lucas. En 1960, il tue sa mère, qui était prostituée, en la poignardant et viole son cadavre. Considéré par les psychiatres comme un psychopathe suicidaire sadique et pervers sexuel, cela ne l’empêche pas d’être libéré en 1975. Il s’associe à Ottis Toole le cannibale nécrophile. Pendant huit ans, ils parcourent le pays faisant des centaines de victimes pour être enfin appréhendé en 1983. Lucas avouera le meurtre d'environ 600 personnes, dont 199 furent confirmés. Il fut condamné à 60 ans à perpétuité pour 10 assassinats puis à la peine de mort pour avoir violé et étranglé en 1979 une auto-stoppeuse non identifiée. Elle ne portait qu’une paire de chaussettes orange lorsque son corps fut découvert. Le procureur général Jim Mattox avait émis un doute quant à l’accusation du meurtre de la jeune fille « aux chaussettes orange » arguant que Lucas travaillait comme couvreur en Floride lors du crime et donc qu’il était « hautement improbable » qu’il ait commis le crime en question. Ken Andersen qui avait assisté le procureur général démontrait cette possibilité et concluait : – Lucas est un monstre insensible qui a tué de nombreuses personnes. Un jury de douze citoyens a entendu toutes les preuves relatives aux aveux ainsi que tous les alibis cités par Mattox indiquant que des preuves mettaient en doute le fait que Lucas ait encaissé un chèque en Floride le lendemain du meurtre des chaussettes orange et se trouvaient à des milliers de kilomètres de là au moment du crime. […] La condamnation a été révisée et maintenue pendant 14 ans par 23 juges différents. Je ne sais quelle mouche me piqua le 30 juin 1998. Peut-être parce que les tueurs en série me fascinent. C’est très bizarre ! Toujours est-il que je demandais à la Commission des grâces et des libérations conditionnelles de revoir l’affaire Lucas et d’envisager une mesure de clémence en se basant principalement sur le rapport de Jim Mattox. Comme je l’avais expressément et délicatement suggéré, la Commission recommanda que j’épargne la vie du criminel. Cela fit l’effet d’une bombe, car jamais la Commission n’avait suggéré de son propre chef une commutation de peine. Ce fut une première dans l’histoire du Texas. Surtout que 4 mois plus tôt elle avait refusé celle de Karla Faye Tucker qui avait suscité un engouement qui dépassa les frontières du pays. L’un de ses avocats, George Secrets ne mâcha pas ses mots. – La Commission n’est qu’un pion politique du gouverneur et vous allez voir que Bush va approuver sans discussion la décision de la commission. Je suis sûr qu’ils ont déjà eu cette conversation. Il est normal qu’ils ne le tuent pas pour quelque chose qu’ils n’ont pas prouvé, mais il est affreusement ironique qu’ils recommandent de commuer la peine d'un vrai prédateur avec un casier effrayant. Ils ne l’ont pas fait pour Karla Faye. Malgré tous les gens qui la soutenaient, dont beaucoup qui étaient chargées de faire appliquer la loi. Ils l’ont laissé périr. Comme l’avait prédit l’avocat de Karla, j’accédais aux conseils de la Commission et je m’en expliquais. – J’examine chaque cas de condamnation à mort très sérieusement. La première question que je me pose est de savoir s’il y a un doute sur la culpabilité de l’individu. Bien qu’Henry Lee Lucas ait été reconnu coupable d’un certain nombre de crimes horribles, de sérieuses interrogations ont été soulevées sur sa culpabilité dans cette affaire-là. C’était complètement absurde, ce que je disais, mais l’important, c’est d’affirmer avec force et conviction ce que l’on dit, même si c’est aberrant ; ça marche à tous les coups ou presque. En effet, même s’il y avait des doutes pour la jeune fille aux chaussettes orange, il n’empêche que sur les 600 victimes avouées et par la suite rétractées, 199 furent confirmées. Ma démarche n’était pas très cohérente, j’en conviens. Je poursuivais : – Il est important d’avoir un gouverneur qui comprenne que l’on doit faire appliquer la loi. Le rôle de l’État n’est pas de juger le cœur. Nous devons laisser le jugement du cœur, de l’âme et de la conscience à une autorité bien plus grande que l’État. Pour Karla, j’avais appliqué une fameuse formule : tuez-la, de toute manière Dieu reconnaîtra si elle est sienne ou non. Pour Lucas, je me suis senti poussé à être un Dieu conservateur et compatissant en le graciant. C’est ainsi que je sauvais la tête du tueur en série qui mourut paisiblement dans sa prison le 13 mars 2001 d’une crise cardiaque, alors qu’au départ tout était prêt pour son exécution tout comme j’avais fait l’impossible pour que Karla soit exécutée alors que tant de gens réclamaient mon indulgence à cause de sa rédemption qui était tellement évidente. Cela fait partie des paradoxes de ma personnalité. * EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush » Joseph Tanley Faulder Une autre affaire judiciaire où je mis mon nez allait défrayer la chronique texane et internationale. Il s’agit de Joseph Tanley Faulder, un Canadien qui fut condamné, en 1975, à la suite d’un cambriolage pour le meurtre d’une riche pétrolière texane. Il resta 21 ans dans le couloir de la mort du Texas. Son exécution fut prévue en décembre 1998. Le ministère américain des Affaires étrangères, en la personne de Madeleine Albrith, avec le gouvernement canadien et le Commissaire des Nations unies pour la défense des droits de l’homme essayèrent de me persuader de casser la condamnation à mort parce que le condamné n’avait jamais été informé de son droit de contacter son consulat canadien, ce qui violait une convention internationale. En outre, lors de son procès l’avocat de Faulder ne présenta pas les circonstances atténuantes qui auraient montré que son client souffrait de lésions cérébrales irréversibles suite à une grave blessure datant de son enfance et attestée par des documents judiciaires fédéraux et régionaux qui concluaient qu’il était incapable de distinguer le bien du mal. Madeleine Albrith, et les responsables canadiens connaissant mes prétentions pour les élections présidentielles de 2000 espéraient me faire plier en me faisant comprendre que je devais ménager la chèvre et le chou et donc ménager le gouvernement canadien. C’était mal me connaître. – En général, je tiens à respecter les lois de l’État du Texas indépendamment de la nationalité de la personne concernée. Les gens ne peuvent quand même pas venir dans notre État et y commettre un meurtre de sang-froid en toute impunité. C’est un comportement inacceptable. ? […] Personne ne va menacer le gouverneur de l’État du Texas, aussi subtilement que ce soit. Tout ce que je peux promettre, c’est de me montrer juste dans l’affaire de clémence du Canadien. La Commission des libérations conditionnelles confirma la mort de Faulder et j’annonçais ma décision définitive en accord avec la commission. – Je n’ai vu aucune preuve remettant en cause le verdict du jury qui l’a déclaré coupable de ce crime. Lors d’une conférence, un journaliste canadien me dit : – La peine de mort a été abolie au Canada en 1976, que vais-je dire aux Canadiens « semblant penser que le Texas est en train de donner un spectacle digne du Far West ? Je lui répondis : – Si vous êtes Canadien et que vous venez dans notre État, n’assassiner personne. Le 17 juin 1999, Faulder devint le premier Canadien exécuté aux États-Unis depuis 1952. L’horizon des présidentielles se profilait avec de plus en plus d’éclat. Qu’importe que l’on parle en bien ou mal de vous. Quelqu’un n’a-t-il pas dit que l’important est qu’on parle de vous ? Et on parlait beaucoup de moi à travers ces affaires.EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Campagne pour un deuxième mandat en visant surtout la présidence des États-Unis
Le 3 décembre 1997, à peine un an avant les élections, dans mon école élémentaire de Houston où j’avais usé mes culottes courtes, j’annonçais, avec ma chère Laura toujours souriante à mes côtés, ma candidature pour un second mandat de Gouverneur.
– Aujourd’hui, nous sommes confrontés à de nouveaux défis et à de nouveaux choix. C’est une époque importante. Elle exige un dirigeant tourné vers l’avenir qui se montrera audacieux, qui défiera le statu quo, qui se lèvera et dira : Suivez-moi. Ce dirigeant, c’est moi. Mon premier bilan porte ses fruits : plus grande délégation du contrôle des écoles aux collectivités locales, aide sociale en pleine évolution où les gens retrouvent du travail, réforme judiciaire ayant engendré une meilleure justice, taux de libération conditionnelle le plus bas de toute l’histoire de notre État. Nous avons posé les fondations de lendemains meilleurs et maintenant il est temps de construire. Je vois le jour nouveau qui se lève, le jour où chaque enfant saura lire et écrire, le jour où chaque Texan souhaitant un emploi pourra en trouver un, le jour où chaque mère bénéficiant de l’aide sociale trouvera l’espoir et l’aide dont elle a besoin pour changer sa vie.
J’étais quand même gonflé de tenir de tels discours connaissant la réalité de la situation de l’État du Texas que j’avais aggravée notamment dans le domaine social et environnemental :
– « [1] Le Texas se classait 50e pour les dépenses par habitant en matière de programmes gouvernementaux.
– Presque, un enfant de famille à faibles revenus sur trois ne possédait pas de couverture maladie alors que la moyenne nationale se rapprochait de 1 sur 5. Le Texas, avec ses 1,5 million, était en tête du pays pour le nombre global d’enfants sans couverture sociale.
– Environ 39 % des enfants et adultes de familles à faibles revenus (sans compter les personnes âgées) affichent une santé médiocre ou mauvaise, comparée au chiffre national qui était de 31 %.
– 61 % des familles texanes à faibles revenus disaient que l’achat de nourriture était un vrai souci ou qu’elles avaient du mal à s’acheter à manger, tandis que le chiffre national était de 54 %.
– 16.9 % des Texans (un habitant sur 6) vivaient en dessous du seuil de pauvreté, comparé à la moyenne nationale de 13,6 %.
– La pauvreté enfantine atteignait 29 % – soit 4 points de plus que la moyenne nationale – classant le Texas parmi les 7 plus mauvais États du pays. Les enfants de moins de 6 ans étant ceux qui en souffraient le plus. Plus de 70 % des enfants noirs texans ou latino-américains âgés de 6 ans ou moins vivaient dans la pauvreté, voire dans une extrême pauvreté.
– Le Texas se classait quatrième en ce qui concernait le taux de grossesse chez les adolescentes.
– Seulement 22 % des chômeurs texans touchaient des allocations de chômage, comparé à la moyenne nationale de 35 %.
– Le Texas affichait un taux supérieur à la moyenne de décès d’enfants dus à la négligence ou à la maltraitance, avec 1,8 décès pour 1000 enfants chaque année, comparé à la moyenne nationale. »
En 1998, un rapport du Ministère du Logement et du Développement urbain indiquait que sur les 184 millions de dollars alloués seulement 100 millions avaient été utilisés pour aider les familles pauvres à trouver un logement ou à l’améliorer. Beatrice Lacey, une pauvre veuve de 89 ans, qui devait bénéficier de ces fonds, savait de quoi elle parlait lorsqu’elle dut quitter sa maison faute de moyens pour effectuer des réparations indispensables.
– Cette maison représente tellement pour moi. C’est la première chose que nous avons achetée, mon mari et moi. C’est là que nous avons élevé nos enfants et maintenant je l’ai perdue. J’avais voté pour George Bush parce que je croyais que c’était un homme bien et compatissant, mais maintenant je le vois sous son vrai jour. De pauvres gens comme moi perdent leur maison pendant que ses riches copains de l’immobilier profitent des réductions des impôts fonciers. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans.
Elle en a encore dans la tête, la vieille ! Excellente analyse. En janvier 1999, j’avais promis d’améliorer la qualité de l’air du Texas en réduisant de façon significative les émissions émanant des usines anciennes et exemptées. Depuis chaque fois que je prenais la parole, je me félicitais en affirmant que l’air est plus propre depuis que je suis gouverneur. Encore du foutage de gueule ! Les propriétaires des usines polluantes appartenaient à mes amis et donateurs. Se mettre aux normes leur aurait coûté une fortune. Pour eux, il n’en était pas question ! Par conséquent, je les laissais pourrir en toute légalité l’air du Texas. J’avais à assurer ma campagne de gouverneur dans un premier temps et dans un second, celle de président. Je ne pouvais pas les décevoir, j’avais trop besoin de leur appui et surtout de leur fric même si c’était au détriment de la santé de la population. Les enquêtes environnementales sur le Texas se révélaient catastrophiques.
[2]– « L’État se classait 49e pour les dépenses consacrées à l’environnement.
– Les sites exemptés de la région Houston/Galveston émettaient une quantité d’oxyde d’azote générateur de smog équivalente à celle produite par plus de 3 Millions d’automobiles.
– Le Texas était en tête du pays avec le plus gros volume de pollution de l’air.
– Houston enregistrait le taux d’ozone le plus élevé du pays en 1997, dépassant le record de Los Angeles et violant la norme sanitaire de concentration d’ozone au sol.
– Les problèmes de santé aggravés par la pollution de l’air, tel que l’emphysème chez les personnes âgées ou l’asthme chez les enfants augmentait à une vitesse alarmante.
– Près de 230 000 enfants dans 7 comtés urbains étaient exposés à des risques parce que leurs écoles étaient situées à moins de 3 kilomètres de vieilles usines dispensées qui dégageaient de dangereux polluants. »
Peter Altman, un directeur de la Coalition pour le développement de l’environnement et l’énergie durable s’indignait :
– Les enfants sont particulièrement vulnérables aux émissions des sites exemptés parce qu’ils sont plus sensibles à la pollution de l’air que les adultes. Les enfants ont tendance à faire davantage d’exercice, à être dehors plus souvent et à respirer plus près du sol là où la pollution à tendance à stagner, alors que leur corps et leur système de défense biologique n’ont pas terminé leur développement et sont vulnérables. Si le Gouverneur Bush n’est pas prêt à réparer la faille de la loi texane sur la qualité de l’air régissant les industries dispensées, nous devons lui demander s’il se montre « compatissant » à l’égard des enfants du Texas dont la santé peut être menacée par la pollution dégagée par ces mêmes sites. Le « plan facultatif » du Gouvernement pour certaines entreprises des plus riches et des plus grosses du pays était un « cadeau » de sa part au détriment de la santé des Texans. Nul doute que ces entreprises ont économisé des millions de dollars en retardant l’amélioration de leur système pendant près de trois décennies.
Tom « Smitty » Smith de l’association de défense des consommateurs, en remit une couche.
– Les comités d’action politique et les lobbyistes représentant les industries cherchant à rester dispensées des réglementations environnementales ont apporté plus de 10 millions de dollars aux campagnes politiques de l’État entre 1993 et 1998 ; dont plus de 560 000 dollars pour soutenir le gouverneur en titre. Ce rapport fait bien le lien entre air sale et argent sale. C’est un avant-goût de ce qui se produirait si Bush devait devenir président. Nos protections environnementales fédérales deviendraient facultatives ! Exigerait-il de nos plus gros pollueurs qu’ils réduisent leurs émissions ? Il se trouvera confronté aux mêmes problèmes au niveau fédéral.
C’était vrai ! Je n’avais pas de quoi pavoiser et pourtant, je faisais le beau. Ça, je sais faire. Bien sûr, après mes délirants discours sur le Texas, les journalistes ne manquaient pas, comme je les poussais en douce, de me poser des questions sur ma possible candidature à la présidence et je répondais :
– Oubliez Washington ! Je ne pense pas au niveau national ou Républicain. Je pense à ce qui est le mieux pour l’État du Texas. Je suis sérieux, je suis très occupé. C’est un gros État. […] Je sais que l’on spécule beaucoup, mais mon esprit et mon cœur sont ici, chez nous. J’ai l’intention de consacrer mon cœur et mon âme à la tâche pendant quatre années de plus…
– Cela revient-il à promettre d’honorer jusqu’au bout votre mandat de quatre ans si vous êtes réélu ? demanda un journaliste.
– Non. Mais nous verrons cela plus tard.
[1] *** page 229
[2] *** Page 244
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Campagne pour un deuxième mandat en visant surtout la présidence des États-Unis (suite)
Ce qui voulait dire, parlez-moi de Washington. Je ne pense qu’à ça. Je me fous du Texas et des Texans. Je suis un glandeur par nature. Je ne fous rien. Je brasse de l’air. Le Texas est devenu trop petit pour moi et je veux l’Amérique ! Mon deuxième mandat n’est qu’un moyen pour obtenir le poste suprême et dominer le monde. Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois, dit-on. Eh bien moi, je prouverais que l’exception confirme la règle, j’obtiendrai les deux, car pour moi, ils sont complémentaires et doivent être atteints séquentiellement. Je devais remporter l’élection avec une bonne longueur d'avance, et cela quel que soit mon concurrent pour prétendre au mandat présidentiel. Plus le temps avançait, plus les sondages me plaçaient en tête des personnalités républicaines pour remporter les Primaires du parti. Avec 17 millions de fonds recueillis pour assurer ma réélection, je maintenais le suspense.
– Aujourd’hui, je ne sais pas si je me présenterais ou non à la présidentielle. J’ai l’intention d’être réélu gouverneur.
Garry Mauro, mon challenger démocrate, se présentait dans les sondages avec 50 points de retard et seulement 5 millions de dollars comme cagnotte pour faire campagne contre moi. En plus, tous ses collègues le dissuadaient de se lancer dans la course au Gouvernement. Même le démocrate Lieutenant-gouverneur Bob Bullock prédisait qu’aucun candidat de son parti ne pourrait me battre :
– Durant ma carrière, j’ai travaillé sous 7 gouverneurs différents et le Gouverneur Bush est de loin le meilleur. Il possède une touche personnelle et professionnelle, ainsi qu’une éthique de travail et un bilan avéré, vraiment remarquable. Cela ne tient pas debout de mettre à la retraite un dirigeant qui a de bonnes réactions et fait ses preuves. Bush ferait également un bon président parce que le gouverneur s’était fait un principe de travailler de façon bipartite afin de s’assurer que son programme reçoive l’approbation de la législature.
Bullock était le parrain de la fille de Mauro et durant des années l’avait formé et soutenu dans sa carrière politique. De telles déclarations étaient extraordinaires de sa part. Était-ce mes fréquentes visites à l’hôpital avec mes lectures de la Bible lorsqu’il était malade ? Était-ce mes cadeaux de Noël et autres petites gâteries dont j’avais le secret qui me rendaient si charmant et attachant à ses yeux ? Toujours est-il que lorsqu’il mourut, d’un cancer, en juin 1999, j’interrompis ma campagne présidentielle, pour assister à son enterrement et prononcer un vibrant discours :
– C’est un ami qui a tendu la main à un gouverneur novice au-delà des partis et des générations. […] Quel homme ! Pouvez-vous imaginer Bob Bullock et St Pierre ? Bob, a dû l'enfermer dans une salle de conférence. Il ne le laissera pas sortir tant que le plan qu’il lui propose pour l’éternité ne le satisfera pas.
Alors que je parcourais le Texas pour établir le record de deux mandats successifs au gouvernement du Texas. Les sondages pour la présidentielle indiquaient que je devançais de 7 points, Al Gore le candidat probable du Parti démocrate. Je me suis dit qu'il fallait que je leur montre que je veux ce poste de gouverneur. Alors, je visitais les villes texanes sans discontinuer. Pendant 11 mois, j'ai serré des mains ; j'ai tapé sur les épaules ; j'en ai sorti des « bien bonnes » ; j'ai souri jusqu'aux oreilles ; j'ai pris des bains de foule ; j'ai signé des autographes comme une rock-star. Que ne faut-il pas faire pour être élu ? Mes discours étaient courts, amusants et je n’hésitais pas à m’auto-dénigrer. Dans les campagnes, je me pointais en jeans et bottes de cow-boy et je forçais sur l’accent texan. Dans la ville friquée de Dallas, je débarquais en costume rayé de chef d’entreprise. Dans les quartiers latino-américains, pro-démocrates, affublé d’un sombrero, je parlais espagnol, mangeais des burritos et faisais un tabac avec mes promesses :
– J’espère montrer que les Républicains ont un cœur, mais je veux aussi faire passer un message aux gens dans tout le pays sur la manière de recueillir le vote latino-américain. Je sais à quoi va ressembler l’avenir ici et nous ferions mieux de veiller à ce que les enfants latino-américains sachent lire et écrire, à ce que les parents et les entrepreneurs latino-américains reçoivent des encouragements, les mêmes que n’importe quelle autre personne. Et pourtant le discours des Ross Perot et des Pat Buchanan dit en gros ceci : « Oubliez le Mexique ! Laissez-les à part. » Tandis que le discours des anglophones dit en gros ceci, à propos des Latino-américains : « Moi, pas vous. Nous ne nous préoccupons pas de vous ». Alors qu’en fait nous nous en préoccupons. Moi en tout cas, je m’en préoccupe.
C’était du vent, du blablabla électoral. Je me gardais bien de rappeler que j’avais soutenu à fond la construction de la décharge de déchets radioactifs de Sierra Blanca dans le Texas, chose que je n’aurais jamais faite dans les sites résidentiels super luxueux de mes amis. J’avais proposé d’installer un mur supplémentaire de Berlin en barbelés entre le Texas et le Mexique pour mieux sévir contre l’immigration clandestine. J’étais resté d’un silence assourdissant lorsque le Parti républicain soutint un amendement visant à mettre fin à la naturalisation automatique des clandestins nés aux États-Unis, etc. Barbara Renaud Gonzalez savait de quoi elle parlait dans son journal du Houston Chronicle.
– Le gouverneur Bush avait utilisé la magie de l’espagnol pour séduire les Latino-Américains qui meurent d’envie de faire partie d’un Texas qui nous appartient de toute façon […] Par rapport à la population blanche, les Latino-américains de l’État présentaient des taux plus élevés de mortalité infantile et mortalité liée à la maternité, de maladies cardiovasculaires, de cancers mortels, d’infections par l’HIV et une espérance de vie inférieure. Bush a su faire illusion, alors qu’absolument rien n’a changé.
Malgré cela, je continuais à maintenir le suspense.
– Aujourd’hui, je ne sais pas si je me présenterais ou non à la présidence. […] Mes chers concitoyens texans, je vous promets d’apporter honneur et dignité au noble poste de gouverneur.
C’est ce qu’on appelle le double langage. Je laissais entendre que je visais le poste suprême et en même temps, je balançais sur Clinton et le déshonneur qu’apportaient ses exploits sexuels à la dignité de sa fonction. Karl Rove me fit un compliment intéressant :
– Ses points forts sont sa capacité à décoder l’environnement politique et à trouver la meilleure façon de formuler un message afin de bien le faire passer.
C’est vrai, j’ai toujours été un caméléon, je m’adapte rapidement à mon entourage pour en tirer personnellement le meilleur profit. […] Je suis un animal politique, mais je ne pense pas que les campagnes soient extrêmement profondes. Les questions sont profondes. Le débat devrait être profond. Mais la campagne en elle-même consiste simplement à faire passer le message aux électeurs et à conduire les électeurs aux urnes. Ce n’est pas compliqué. […] Et bien sûr qu’il vote pour moi ! Je veux gagner et je veux gagner haut la main.
Mes stratèges politiques m’assuraient qu’il était essentiel que mon frère Jeb soit élu gouverneur de la Floride qui était le troisième État le plus peuplé et pourrait dans ce contexte fraternel m’aider à remporter l’élection présidentielle. Toute la famille Bush, papa, maman Laura et moi-même lui prêtâmes main-forte lors de dîners et de réunions. J’envoyais à Jeb, mes conseillers politiques pour l’aider. Plus important, mon réseau politico-financier rassembla plus de 1 million de dollars pour le frérot en provenance surtout de commanditaires pétroliers désireux de forer dans les eaux de la Floride. Cela fit jaser en particulier Mith Caesar, le président du Parti démocrate de Floride.
– Pourquoi quelqu’un du Texas voudrait-il donner de l’argent à la Floride ? De toute évidence, c’est son frère qui est là-dessous. Ils jouent à la politique avec l’avenir de la Floride.
Je lui répondis du tac au tac :
– Si les Démocrates de Floride ne comprennent pas ce qu’est l’amour fraternel alors ils feraient mieux de revoir leurs émotions. J’aide mon frère parce que c’est mon frère. S’il demande de l’aide, je m’empresse de l’aider.
Pourtant Williams March, journaliste au Tampa Tribune, écrivait :
– L’élan soudain de contributions politiques pour la campagne de Jeb de la part de riches Texans avait davantage à voir avec George W. […] Ses partisans chez lui savent que s’il se présente comme président, cela l’aidera beaucoup d’avoir un Républicain à tête de la Floride. Surtout si c’est son frère.
Comme c’était vrai ! Comme il avait vu juste. Tout comme mes stratèges…
EXTRAITS : « Candide et son pote George W. Bush »
Ma réélection au poste de Gouverneur
Le 3 novembre 1998, j’obtins 69 % des voix. Une victoire écrasante sur mon malheureux adversaire. Mon petit frère gagna lui aussi ses élections avec panache. Le plan établi plus d’un an avant et peaufiné au fur et à mesure avait merveilleusement fonctionné. Tous les objectifs furent atteints. Le soir de mon triomphe, devant une salle de fidèle débordante de monde, comme il se doit avec ma femme et mes filles à mes côtés, je déclarais :
– La victoire retentissante de ce soir révèle que ma philosophie de conservateur compatissant fait du Texas un lieu meilleur. Mais l’élection d’aujourd’hui révèle quelque chose de plus. Elle révèle qu’un dirigeant qui est compatissant et conservateur peut gommer le fossé de l’inégalité entre les hommes et les femmes, peut ouvrir les portes du Parti républicain à de nouveaux visages et à de nouvelles voix.
Tout marchait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. J’étais réélu gouverneur, je retardais autant que possible ma candidature à la présidence, je laissais les sondages monter en ma faveur. Bref comme le disait si bien un de mes stratèges politiques :
– C’est un peu comme une femme qui se fait désirer. Plus vous fantasmez sur elle, plus vos espérances sont grandes.
À ce jeu, je suis très fort. Meilleur comédien que moi, tu meurs ! Lisez plutôt :
– Je ne suis pas sûr de vouloir passer le reste de ma vie à vivre dans une cage de verre. Être gouverneur du Texas était la plus belle période de ma vie, car je pouvais aller voir un match de base-ball des Rangers ou assister à un office dominical dans une église noire. Je ne pourrais plus aller moi-même dans une poissonnerie m’acheter des appâts et partir pêcher seul sur un lac. […] J’ai beaucoup de réserves sur le fait de mettre ma famille en particulier mes filles adolescentes dans les griffes de la politique nationale. […] Je ne connais pas beaucoup de jeunes filles de 17 ans qui diraient : « Bon sang, papa, mais qu’est ce que tu attends pour faire en sorte que tout le pays ait les yeux braqués sur moi », surtout au vu de l’atmosphère actuelle. Car Laura et moi partageons la profonde tristesse des Clinton face à la décision du magazine People de publier un article sur leur fille Chelsea. Mes deux filles, Jenna et Barbara vont entrer à l’université en 2000, l’année de l’élection présidentielle. Je suis bien sûr soucieux de leurs sentiments, mais la décision de me présenter ou non m’appartient. Je donnerais ma vie pour elles, mais elles n’ont pas le droit de mettre leur veto.
Bien entendu, j'avais sorti toute cette tirade « famille » avec de grands trémolos dans la voix. De quoi faire pleurer d’attendrissement et même à chaudes larmes dans les chaumières. Le peuple aime cela et surtout les Américains qui misent tout sur la famille.
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