Saga Bush - Chapitre 08- Le gang du « Bassin permien » | |
Chapitre VIII- Le gang du « Bassin permien », 1948-59
Pecunia non olet. (L'argent n'a pas d'odeur)
Vespasien
Au cours des années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, les familles patriciennes de l’establishment libéral anglophile de l’Est envoyèrent bon nombre de leurs rejetons coloniser ces régions géographiques des Etats-Unis qui, estimaient ces mêmes familles, étaient susceptibles de prospérer dans la période d’après-guerre. En surface, ceci semble un simple réflexe d’avidité : les fils cadets étaient envoyés dans ces zones de province où leurs méthodes instinctives de spéculation et d’usure pouvaient être utilisées afin de parasiter la richesse naissante. Plus fondamentalement, cette migration de jeunes banquiers patriciens répondait à la nécessité d’un contrôle politique. L’establishment de la côte Est, considéré comme une agglomération de factions financières dont le quartier général se trouvait à Wall Street, a été la force dominante de la politique américaine depuis que J.P. Morgan a renfloué le régime de Grover Cleveland dans les années 1890. Depuis l’assassinat de William McKinley et l’avènement de Theodore Roosevelt, le pouvoir du groupe de Wall Street n’a cessé de grandir. L’establishment de l’Est peut avoir eu ses plus anciennes racines au nord de Boston et dans la vallée de l’Hudson, mais il était bien décidé à devenir, non pas une simple faction financière régionale, mais l’élite dirigeante indiscutée des Etats-Unis dans leur ensemble, depuis Boston à Bohemian Grove et de Palm Beach au Nord-Ouest, sur la côte pacifique. Il était par conséquent impératif que la tendance constante vers la formation de factions régionales soit devancée par la présence envahissante d’hommes liés par la loyauté du sang aux cliques dominantes de Washington, de New York et de la « père patrie », la Cité de Londres.
Si l’establishment libéral de l’Est était considéré comme un cancer, il faut savoir, dans ce cas, qu’après 1945, ce cancer entra dans une nouvelle phase de métastases malignes, infectant chaque partie du corps politique américain. George Bush était l’une de ces métastases malignes et mobiles. Il n’était pas le seul. Robert Mosbacher fit lui aussi le voyage de New York au Texas et, dans son cas, ce fut directement pour se rendre à Houston.
Les divers mythographes sycophantes qui ont tissé leurs histoires à dormir debout sur la vie de George Bush ont toujours tenté de présenter cette phase de la vie de George Bush comme l’histoire d’un jeune homme foèrement indépendant qui aurait pu grimper d’un seul coup au sommet de Wall Street en faisant du commerce au nom du père Prescott et de ses relations mais qui, en lieu et place, choisit de prendre résolument la direction de la nouvelle frontière parmi les spécialistes des forages et autres travailleurs du pétrole des gisements du Texas occidental et de devenir un self-made man.
Comme George Bush le raconta lui-même dans une interview, en 1983 : « Si j’étais psychanalyste, je pourrais conclure que j’essayais, non pas de faire concurrence à mon père, mais de faire quelque chose de moi-même. Mon séjour au Texas ne fut pas une histoire à la Horatio Alger, mais le fait de déménager de New Haven à Odessa le jour même, ou à peu près, de l’obtention de mon diplôme, constitua un sacré changement dans mon style de vie. »(1)
Ces contes de fées issus de l’école de la « Studebaker rouge » cherchent à obscurcir les faits : que le transfert de George Bush vers le Texas avait été arrangé d’en haut par les copains de Prescott à la Brown Brothers, Hariman et que chaque pas vers l’avant fait par George dans le monde du pétrole était soutenu par les ressources en capitaux de l’oncle maternel de notre héros, George Herbert Walker, Jr., « Oncle Herbie », le patron de la société d’investissement de Wall Street, G.H. Walker & Co. L’oncle Herbie avait obtenu son diplôme à Yale en 1927, où il avait été membre des Skull & Bones. Voilà donc l’oncle Herbie qui va se révéler comme l’un des principaux investisseurs et membres du conseil d’administration des pétroles Bush-Overbey, ou Zapata Petroleum, et de Zapata Offshore après 1959. Si nous affirmons que le clan Bush-Walker, en tant que famille oligarchique au sens large, avait décidé d’envoyer le fils cadet George dans les champs pétroliers du Texas et de l’Oklahoma, nous ne risquons guère de nous tromper.
Le père Prescott procura à George, non pas un emploi, mais deux ; contactant dans chaque cas des copains qui dépendaient, au moins partiellement, de Brown Brothers Harriman pour leurs affaires.
L’un des copains contactés par le père Bush était Ray Kravis, qui était dans le pétrole à Tulsa, Oklahoma. L’Oklahoma avait connu un colossal boum pétrolier entre les deux guerres mondiales et Ray Kravis s’était bâti une fortune personnelle de quelque 25 millions de dollars. Ray était le fils d’un tailleur britannique dont le père était venu en Amérique et avait installé une mercerie à Atlantic City, New Jersey. Le jeune Ray Kravis était arrivé à Tulsa en 1925, en plein dans ce boum pétrolier qui allait faire la fortune de gens comme J. Paul Getty. Ray Kravis, à l’origine, était un comptable spécialisé dans les impôts et il avait inventé une martingale très spéciale pour échapper aux taxes qui permettait aux propriétés pétrolières d’être « forfaitisées » et vendues de façon à réduire des 81% normaux à 15 minables pour-cent la taxe sur les bénéfices des propriétés pétrolières. Cela voulait dire que la base de l’impôt national était rognée et que chaque contribuable, considéré individuellement, se faisait flouer afin de subsidier la formation d’immenses fortunes privées et il s’avérera que c’est un thème constant parmi les associés d’affaires de George Bush et ce, jusqu’à nos jours mêmes.
La dextérité de Ray Kravis pour mettre en place ces martingales fiscales attira l’attention de Joseph P. Kennedy, le contrebandier boucanier, entrepreneur, patron politique et patriarche du clan Kennedy du Massachusetts. Durant des années, Ray Kravis exerça les fonctions de gérant de la fortune (ou du fonds) de la famille Kennedy, le même empli qui échut plus tard à Stephen Smith. Ray Kravis et Joe Kennedy passaient tous deux l’hiver à Palm Beach, où ils étaient parfois partenaires de golf.(2)
En 1948-49, le père Prescott était le partenaire directorial de Brown Brothers Harriman Prescott connaissait Ray Kravis en tant que gros bonze financier local et brasseur d’affaires à Tulsa : on l’appelait souvent au sein des sociétés d’investissement de Wall Street en tant que consultant pour évaluer les réserves pétrolières de diverses compagnies. Les estimations fournies par Ray Kravis impliquaient souvent la quantité de pétrole dans le sol que ces firmes possédaient, et ces estimations allaient jusqu’au cœur de l’exploitation pétrolière en tant qu’exploitation rentable du sol. Dans tout cela, la production réelle était bien moins importante que les réserves qui se trouvaient toujours dans le sol et qu’il fallait encore aller chercher.
Une telle activité était révélatrice du genre de mentalité primitive de l’accumulation qu’on allait plus tard rencontrer chez Henry, le fils de Ray Kravis. Au cours des années 1980, comme nous le verrons, Henry Kravis généra quelque 58 milliards de dollars de dettes dans le but d’acquérir 36 sociétés et de constituer ainsi le plus vaste empire de sociétés, sur papier, du moins, de tous les temps. Et, comme nous le verrons également, Henry Kravis allait devenir l’un des dirigeants du gang des OPA à crédit qui devait devenir un pilier de la machine politique de George Bush. Mais, en 1948, ces événements appartenaient encore à un futur lointain.
Ainsi donc, le père Prescott demanda à Ray s’il avait un boulot pour le jeune George. Bien sûr que oui, fut la réponse.
Mais, dans l’in,tervalle, Prescott Bush avait également discuté avec un autre copain, qui lui était redevable, Henry Neil Mallon, qui était le PDG et le président du conseil d’administration de Dresser Industries, un manufacturier de pointe dans les pièces et équipements de forage pétrolier. Dresser était devenu une société en 1905, sous Salomon R. Dresser, mais avait été racheté et réorganisé par W.A. Harriman & Company en 1928-1929.
Henry Neil Mallon, qui a donné en partie son nom à l’infâme Niel Mallon Bush de Hinckley et Silverado, venait d’une famille de Cincinnati, dont les membres étaient traditionnellement au service du clan Taft, de la même manière que la famille Bush – Walker était au service des Harriman. Tout gosse, Neil Mallon s’était rendu en visite, avec sa famille, chez leurs proches amis, le président William Howard Taft et sa famille, à la Maison-Blanche. Mallon avait alors suivi les cours de la Taft School à Watertown, Connecticut, puis, de l’université de Yale, en automne 1913, où il avait rencontré Bunny Harriman, Prescott Bush, Knight Wooley et d’autres membres des Bones.
Un jour de décembre 1928, Bunny Harriman, le père Prescott et Knight Wooley étaient assis au bureau de comptabilité de Harriman pour discuter de leurs réorganisation de la Dresser Industries. Mallon, qui rentrait en Ohio après six mois passés en montagne dans les Alpes, leur rendit visite. A un certain moment de la conversation, Bunny pointa Mallon du doigt et s’exclama : « Dresser ! Dresser ! » Mallon fut alors interrogé par George Herbert Walker, le président de W.A. Harriman & Co. A la suite de cet entretien, Mallon fut immédiatement bombardé président de la Dresser, bien qu’il n’eût aucune expérience des affaires pétrolières. Manifestement, Mallon devait bien quelques fleurs au clan Walker-Bush.(3)
Prescott Bush était devenu membre du comité directorial de Dresser Industries en 1930, dans le sillage de la réorganisation de la société qu’il avait personnellement aidé à diriger. Prescott Bush était destiné à rester au sein du conseil administratif de Dresser pendant 22 ans, jusqu’en 1952, date à laquelle il entra au Sénat américain. Le père Prescott faisait donc appel à une petite dette lorsqu’il procura à George une seconde offre d’emploi, cette fois, chez Dresser Industries ou l’une de ses filiales.
George Bush savait que le boum pétrolier en Oklahoma avait franchi son point culminant et que Tulsa n’offrirait plus les occasions solides de faire rapidement de l’argent comme cela avait été le cas vingt ans plus tôt. Dresser, en contraste, était une vaste société internationale équipée pour acquérir une couverture rapide de l’industrie pétrolière et de ses pratiques de pillage. George Bush, par conséquent, appela Ray Kravis et, du ton doucereux qui lui était coutumier lorsqu’il faisait son chemin à coups de griffes vers les sommets, déclara qu’il souhaitait respectueusement refuser l’emploi que Kravis lui avait proposé à Tulsa. Sa première préférence était d’aller travailler pour Dresser. Ray Kravis, qui dépendait de Prescott pour ses affaires, le libéra sur-le-champ. « Je connais bien George Bush », dit Ray Kravis des années plus tard.« Je le connais depuis qu’il est sorti de l’école. Son père était un de mes excellents amis. » (4) Voici le moment magique où toutes les biographies officielles de Bush montrent notre héros chevauchant en direction d’Odessa, Texas, dans la légendaire Studebaker rouge, afin de se charger d’un poste en tant qu’employé aux équipements et stagiaire de direction pour la filiale de Dresser, IDECO (International Derrick & Equipment Company).
Mais le mythe de la Studebaker rouge, comme on l’a déjà fait remarquer, déforme grandement les faits. Selon l’histoire semi-officielle de Dresser Industries, George Bush fut d’abord employé par Dresser dans ses quartiers généraux de société à Cleveland, Ohio, où il travailla pour la directeur exécutif de Dresser, R.E. Reimer, un allié de Mallon.(5) Cette besogne à Cleveland est à peine mentionnée par les biographes pro-Bush, ce qui nous pousse à nous demander ce que cela pourrait cacher. L’histoire de Dresser mentionne également le fait que George Bush avait travaillé pour une autre filiale, Pacific Pumps, avant e travailler pour IDECO. Sur la même page qui relate ces faits intéressant, il y a une photo qui montre le père Prescott, Dorothy, Barbara Bush et George tenant son fils George Walker Bush. Le petit George Walker porte des bottes de cow-boy. Tous sont debout en face d’un avion de service de Dresser Industries, apparemment un DC-3. Ceci pourrait-il être la façon dont George débarqua réellement à Odessa ?
L’histoire de Dresser fait travailler George Bush pour Pacific Pumps, une autre filiale de Dresser, avant de rallier finalement IDECO. Selon l’autobiographie de campagne de Bush, il avait passé une année chez IDECO à Odessa, Texas, avant d’être transféré pour travailler à Pacific Pumps, à Huntington Park et Bakerfield, en Californie. Bush dit qu’il a travaillé à Huntington Park comme assembleur et c’est ici qu’il prétend avoir rallié la United Steelworkers Union (Syndicat unifié des sidérurgistes), obtenant une carte syndicale qu’il ressortira encore lorsqu’il sera confronté à sa longue histoire de torpillage syndical comme, par exemple, lorsqu’il fut chahuté sur un chantier naval de Portland, Oregon, durant la campagne de 1988. D’autres comptes rendus localisent Bush à Ventura, Compton et dans la « ville natale de Richard Nixon, à Whittier », durant la même période.(6) Si, en réalité, Bush se rendit d’abord en Californie et seulement après à Odessa, il peut avoir menti afin d’insister sur le fait qu’il choisit le Texas comme premier choix, et c’est une déformation des faits qui peut avoir été mijotée très tôt dans sa carrière politique afin de se défendre contre l’accusation constante qu’il était un sale profiteur nordiste.
Odessa, au Texas, et la proche ville de Midland étaient toutes deux situées dans la formation géologique connue sous le nom de Permian Basin (bassin permien), scène d’un boum pétrolier qui prit de l’ampleur dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale. A l’époque, Odessa était un complexe de chantiers et d’entrepôts où l’on amenait des équipements de forage en vue de les distribuer vers les derricks pétroliers qui foraient dans tous les coins du paysage.
A IDECO, Bush travailla pour le superviseur Bill Nelson et il avait un certain Hugh Evans parmi ses collègues. A propos de cette période, nous avons été régalés d’histoires sur la manière dont Bush et Barbara emménagèrent dans une maison compartimentée qui avait été divisée par une séparation médiane, avec une salle de bains qu’ils partageaient avec une mère et sa fille qui faisaient équipe ensemble dans la prostitution. Il y avait une odeur envahissante de gaz qui ne venait pas d’une fuite de la cuisinière, mais des puits de pétrole tout proches, quand on évacuait les gaz. George et Barbara devaient passer quelque temps à zoner dans ce cadre. Mais Bush était anxieux de s’intégrer parmi les gens et les ouvriers du pétrole. Il commença à manger le menu standard d’Odessa, composé de chili, de biscuits croustillants et de bière pour le lunch, et de steaks de poulet frit pour son souper. Peut-être son amour prétendu pour la musique country & western remonte-t-il à cette époque. Bush adore également raconter comment, la veille de Noël, en 1948, il avait été soûl au cours de diverses réceptions des clients d’IDECO et qu’il s’était effondré, ivre mort, dans l’allée en face de chez lui, où Barbara l’avait découvert. George Bush, comme on peut le voir, est vraiment un mec réglo.
Selon la version officielle et bushienne des événements, George et Bar voyagèrent durant de l’année 1949 loin de leur Texas en direction de diverses villes de Californie où Dresser avait des filiales. Bush prétend qu’il roulait un millier de milles par semaine à travers les plains de Carrizo et la vallée de Cuyama. Au cours de la même année (à moins que ce ne fût 1950 ?), ils déménagèrent pour Midland, une autre ville artificielle du Texas occidental. Midland offrait l’avantage d’être le lieu des quartiers généraux, pour l’Ouest du Texas, de maintes compagnies pétrolières qui opéraient à Odessa et environs. A Midland, George et Bar séjournèrent d’abord dans un motel d’où George faisait chaque jour le trajet en voiture vers les entrepôts d’IDECO, à Odessa, à vingt milles du sud-ouest. Ensuite, pour 7500 dollars, ils achetèrent une maison à Maple Street, un tout petit développement urbain d’après-guerre, de style lotissement protégé, appelé Easter Egg Row.
La réalité était un peu plus complexe. Le cercle social de Bush à Odessa était à peine composé de gens ordinaires du pétrole. Leur groupe d’égaux était plutôt composé de la plupart des sortes de gens qu’ils avaient connus à New Haven : une clique de récents diplômés bien chaussés des prestigieux collèges de l’Est et qui avaient été attirés vers le Bassin permien de la même façon que Stanford Hopkins, Crocker et leurs semblables avaient été attirés par San Francisco au moment de la ruée vers l’or. Ici se trouvaient Toby Hilliard, John Ashmun et Pomeroy Smith, tous de Princeton. Earle Craig avait été à Yale. Midland se vantait, à l’époque, d’avoir un Yale Club, un Harvard Club et un Princeton Club. Les indigènes parlaient de cette clique comme des « Yalies ». Etaient également présents sur la scène de Midland, J. Hugh Liedtke et William Liedtke, qui avaient grandi en Oklahoma, mais qui avaient également suivi les cours du collège d’Amherst, dans le Massachusetts.
Bon nombre de ces individus avaient accès aux grosses fortunes de l’Est pour les capitaux à risques qu’ils mobilisèrent derrière leurs diverses transactions. Le nom complet de Toby Hilliard était Harry Talbot Hilliard de Fox Chapel, près de Pittsburgh, où les Mellon avaient leur résidence digne d’un palais. Earle Craigh éyait aussi raccordé à la grosse galette dans la même région. Les frères Liedtke, comme nous allons le voir, avaient des relations avec la grosse galette pétrolière qui avait surgi autour de Tulsa. Nombre de ces « Yalies » vivaient aussi à Easter Egg Row et dans les environs. A quelques maisons de chez George Bush vivait un certain John Overbey. Selon ce dernier, les « gens de l’Est et les gens du Texas ou de l’Oklahoma semblaient tous avoir deux choses en commun. Tous eurent l’occasion de devenir agents de change ou banquiers d’investissements. Et tous, en lieu et place, préférèrent apprendre le commerce du pétrole. »(7) Overbey gagnait sa vie comme homme de terrain. Du fait que, brièvement, George Bush voulut également devenir homme de terrain, il vaut la peine d’examiner ce que cette occupation entraîne, en fait. En agissant de la sorte, nous acquerrons une compréhension permanente du caractère et du personnage de Bush. Le rôle de l’homme de terrain (prospecteur), dans l’industrie pétrolière texane, était d’essayer d’identifier des propriétés où il était possible de trouver du pétrole, parfois sur la base d’informations géologiques qui avaient filtré, parfois après avoir observé que l’une des principales compagnies pétrolières était occupée à forer au même endroit. Le prospecteur allait examiner la propriété et ensuite, il tentait d’amener le propriétaire du terrain à signer la cession des droits minéraliers sur la propriété, sous forme de bail. Si le propriétaire était bien informé de la possibilité qu’en fait on pouvait trouver du pétrole sur ses terres, le prix du bail allait manifestement grimper, parce que la cession des droits minéraliers signifiait que le revenu (ou les « royalties ») provenant de tout pétrole qui pouvait être trouvé n’irait jamais au propriétaire de la terre. Un prospecteur malin allait tenter de collecter le plus possible d’informations internes et tenir le fermier dans l’ignorance autant que possible. Dans le Texas rural des années 1940, le rôle du prospecteur pouvait assez facilement dégénérer en celui de l’artiste de l’arnaque, impitoyable, gratteur de sous, qui essayait de convaincre un sale fermier ignorant du Texas qui cherchait justement un peu d’air après la grande dépression, de ce que les chances de trouver du pétrole sur ses terres étaient à peu près nulles et que même une petite somme symbolique pour un bail sur les droits minéraliers était toujours bonne à prendre.
Une fois que le fermier ou le rancher avait signé son renoncement aux futures royalties pétrolières, l’homme de terrain allait tourner les talons et tenter de « négocier » le bail en le revendant à un prix gonflé à une grande société pétrolière susceptible d’être intéressée par un forage, ou à quelque autre acheteur. Il existait un marché animé de baux de ce genre au restaurant de l’hôtel Scharbauer à Midland, où des cartes des champs pétroliers étaient accrochées aux murs et où les baux pétroliers pouvaient changer de mains à plusieurs reprises au cours d’une même journée. Parfois, si un prospecteur était forcé de vendre un bail sur les droits minéraliers d’une terre où il pensait réellement qu’il pouvait y avoir du pétrole, il cherchait à retenir une commission, s’élevant peut-être à un seizième, ou un trente-deuxième des royalties de la production future. Mais cela signifiait moins d’argent comptant, voir pas du tout, et les opérateurs à court terme comme Overbey, qui n’avaient pas de ressources financières propres, étaient toujours à court d’argent. Overbey était heureux quand il pouvait réaliser un bénéfice de quelques centaines de dollars sur la vente d’une concession.
Ce genre d’activité plaisait manifestement aux gens à l’esprit étroit et aux cupides, à ceux qui aimaient rouler leurs semblables. C’était une chose pour Overbey, qui n’aurait pu disposer d’aucune autre alternative pour entretenir sa famille. C’en était une tout autre pour George Herbert Walker Bush, un jeune ploutocrate qui était sorti pour zoner quelque temps. Mais Bush était attiré par le jeu de la prospection et des royalties, à tel point qu’il proposa de faire venir des fonds de l’Est si Overbey le rejoignait dans un partenariat.(8)
Overbey accepta la proposition de Bush : ils allaient capitaliser une société qui donnerait en reprise les espoirs disparus des ranchers et des fermiers du NO du Texas. Bush et Overbey reprirent l’avion pour l’Est afin de discuter avec l’oncle Herbie dans le bureau lambrissé de chêne du conseil d’administration de G.H. Walker & Co. à Wall Street. Selon Esquire, « le partenaire de Bush, John Overbey, se souvient toujours de l’étourdissant tourbillon d’un voyage de collecte de fonds avec George et l’oncle Herbie : lunch au Club 21 de New York, les week-ends à Kennebunkport où un fortifiant plongeon, le dimanche, dans l’Atlantique à Walker’s Point se termina par la venue d’un serviteur pour vous emballer dans une large serviette éponge et vous tendre un martini. »(9)
Le résultat de l’odyssée vers l’Est fut un capital de 300.000 dollars dont une bonne partie avait été rassemblée chez les clients de l’oncle Herbie à la Cité de Londres, clients qui, naturellement, étaient ravis à l’idée de parasiter des ranchers du Texas. L’une de ces personnes impatientes de faire des rentrées s’appelait Jimmy Gammell, d’Edimbourg, en Ecosse, dotn la firme de comptabilité, Ivory and Sime débloqua 50.000 dollars de son Atlantic Asset Trust. Aujourd’hui, Gammell est l’éminence grise de la communauté écossaise d’investissement et il a gardé des relations personnelles étroites avec Bush depuis des années. N’oubliez pas ce nom, Gammell, il réapparaîtra dans notre récit d’ici peu.
Eugene Meyer, le propriétaire du Washington Post et le père de l’actuelle propriétaire de ce journal, Katharine Meyer Graham, engagea un investissement de 50.000 dollars sur la base des possibilités d’échapper aux taxes promises par Bush-Oberbey. Meyer, président de la Banque mondiale, procura également à l’entreprise de Bush un investissement provenant de son beau-fils Phil Graham. Le père Prescott Bush fut également initié à l’affaire, pour un montant d’environ 50.000 dollars. A l’époque où il y avait de l’argent sonnant, c’étaient des sommes considérables. Les investisseurs de Londres eurent des parts de la nouvelle société, appelée Bush-Overbey, de même que de la dette qui y était liée. Bush et Overbey allèrent s’installer dans un bureau du rez-de-chaussée du Petroleum Building à Midland.
Les affaires du prospecteur, on l’a remarqué, reposaient entièrement sur des relations personnelles et des mondanités. Il fallait qu’on soit dissimulateur et malin. On, devait apprendre à cultiver des amitiés avec des géologues, des éclaireurs, avec les petits bureaucrates du tribunal du comté où étaient gardées les archives et cadastres des terres, avec les journalistes de la gazette locale et avec ses propres concurrents, les autres prospecteurs qui pouvaient inviter quelqu’un doté d’un certain capital à risque à entrer en transaction. Le service à la communauté était un excellent moyen pour s’attirer les bonnes grâces, et George Bush offrit spontanément ses services au Fonds de Secours, à l’YMCA et à la Chambre de Commerce. Cela impliquait de petites causeries sur les femmes et les enfants, la présence à l’église – des postes trompeurs qui, dans une petite ville, devaient être omniprésentes dans les moindres détails d’une existence. C’est à cette époque de sa vie que Bush semble avoir acquis l’habitude d’écrire de petites notes personnelles destinées à s’attirer les bonnes grâces des personnes qu’il avait rencontrées tout récemment, une habitude qu’il allait garder tout au long des années afin de cultiver et maintenir son réseau personnel. De tout ce « babbitisme » (de Babbitt, roman de Sinclair Lewis, profonde satire de la bourgeoisie américaine, NdT) et de cette façon de se mettre en valeur allaient sortir les relations et les bouts d’informations qui pouvaient déboucher sur des bénéfices inattendus.
Il y avait eu un boum dans le comté de Scurry, mais il se tassait. Bush se rendit en voiture à Pyote, Snyder, Sterling City, à Monahans où la base aérienne de Rattlesnake se situait juste à la sortie de la ville. Combien de ranchers du Texas se souviennent-ils encore d’avoir vendu leurs droits minéraliers pour une croûte de pain à un George Bush souriant avant qu’on ne découvre du pétrole sur leurs terres, pétrole dont leur famille n’aurait jamais le poindre penny ?
De l’autre côté de la rue, en face de Bush-Overbey, se trouvaient les bureaux de Liedtke & Liedtke, Avocats, J. Hugh Liedtke et William Liedtke venaient de Tulsa, Oklahoma, où, tout comme Bush, ils étaient venus au monde riches en tant que fils d’un juge local qui était devenu l’un des plus gros avocats de société de la Gulf Oil. Le grand-père des Liedtke était venu de Prusse, mais avait servi dans l’armée confédérée. J. Hugh Liedtke avait trouvé le temps d’aller décrocher, en un an, le fameux diplôme de Harvard de maîtrise en gestion administrative. Après avoir servi dans la Marine durant la guerre, les Liedtke avait décroché des diplômes de droit de la section juridique de l’université du Texas, où ils louaient le logement de service de la maison du sénateur américain Lyndon B. Johnson, qui passait le plus clair de son temps à Washington. Au cours de ces années, la maison de Johnson était occupée la plupart du temps par son protégé, John Connally.
Les Liedtke combinaient la rude et grossière mentalité accumulatrice primitive d’une ville de boum pétrolier et les arts raffinés de l’usure et de la spéculation que Harvard leur avait enseignés. Leur cabinet juridique ne l’était que de nom, leur activité principale et quasi exclusive était d’acheter des concessions à royalties au nom d’un type plein de fric de Tulsa, un ami de leur famille. Les Liedtke palpaient une commission de 5% sur chaque transaction qu’ils menaient à bien.
Hugh Liedtke était toujours à la recherche de son gros coup. Suivant les traces de son collègue de Tulsa, Ray Kravis, il fit des plans et des plans jusqu’au moment où il trouva une façon d’aller plus loin que de toujours galoper après des royalties : il imagina une méthode de vendre des propriétés produisant du pétrole de façon à permettre à l’éventuel propriétaire de reporter toutes les engagements relatifs aux impôts jusqu’ moment où le champ s’était tari. Parfois, Hugh Liedtke faisait la navette entre Midland et Tulsa sur base pour ainsi dire quotidienne. Il passait les heures de sa journée à sillonner le Bassin permien pour une transaction sur des terrains, se tapait les 13 heures de route pour se rendre à Tulsa le lendemain afin de convaincre ses bailleurs de fonds de lui avancer l’argent et refaisait la route dare-dare en sens inverse vers Midland pourconclure le marché avant que le gogo s’en aille. C’est au cours de cette période qu’il vint à l’esprit de Liedtke qu’il pouvait s’épargner beaucoup d’allers et retours marathoniens s’il pouvait rassembler un million de dollars dans un capital à risque et d’« inventorier » les transactions qu’autrement il était forcé de traiter au coup par coup.(10)
Les frères Liedtke voulaient désormais aller plus loin que les concessions à royalties et les astuces pour éviter les taxes sur les terres, et entamer le forage à grande échelle et la production de pétrole. George Bush, désormais bien versé dans les tenants et aboutissants du pétrole comme rentabilisation du sol, pensait à peu près pareil. Lors d’une convergence qui allait être de mauvaise augure pour l’économie américaine des années 80, les frères Liedtke et George Bush décidèrent de grouper leurs capitaux et leur savoir-faire de rapaces en se mettant en affaires ensemble. Au début, Overbey fit partie du conseil d’administration, mais il n »’allait pas tarder à disparaître.
C’était l’année 1953, et la G.H. Walker & Co. de l’oncle Herbie devenait le principal souscripteur du stock d’actions et d’obligations convertibles qui allaient être proposées au public. L’oncle Herbie allait lui aussi acheter lui-même un bonne part du stock d’actions. Quand la nouvelle société requérait de nouveaux apports de capitaux, l’oncle Herbie se chargeait lui-même découler les obligations nécessaires. Jimmy Gammell demeura un participant de premier plan et il finit par décrocher un siège au conseil de direction de la nouvelle société. Un autre des investisseurs de premier plan était le Clark Family Estate (gestion des revenus de la famille Clark), c’est-à-dire les administrateurs qui géraient la fortune de la machine à coudre Singer.(11) Une partie de l’argent venait également de divers fonds de pension et autres fonds et donations, des sources qui allaient devenir très populaires durant l’orgie d’OPA à crédit que Bush supervisa durant les années 80. Du capital de la nouvelle société Bush-Liedtke, quelque 500.000 dollars venaient de copains des frères Liedtke à Tulsa, et les autres 500.000 dollars des cercles gravitant autour de l’oncle Herbie. Harry Liedtke parlait de ces derniers comme des « gars de New York ».
Le nom choisi pour la nouvelle société était Zapata Petroleum. Selon Hugh Liedtke, les nouveaux entrepreneurs furent attirés par le nom lorsqu’ils le virent à la devanture d’un cinéma où l’on jouait justement le nouveau film Viva Zapata!, avec Marlon Brando dans le rôle du révolutionnaire mexicain. Il est caractéristique que Liedtke explique qu’une partie de l’attrait du nom réside dans la confusion de savoir si Zapata avait été un patriote ou un bandit.(12)
La combinaison Bush-Liedtke concentra son attention sur une propriété pétrolière dans le comté de Coke appelée Jameson Field, une étendue désolée de prairie et de sauge sauvage où six puits très éloignés les uns des autres produisaient du pétrole depuis des années. Hugh Liedtke était convaincu que ces six puits de pétrole puisaient dans une seule nappe souterraine et que des douzaines, voire des centaines de nouveaux puits forés dans le même champ allaient jaillir aussi. En d’autres termes, Liedtke voulait miser la totalité du capital de la nouvelle firme sur l’hypothèse que les puits étaient « connectés », pour reprendre le jargon du pétrole. Un des sponsors de Liedtke à Tulsa n’était pas convaincu et prétendit que les puits étaient trop éloignés l’un de l’autre et qu’il était impossible qu’ils soient connectés. « Mais bien sûr, qu’ils le sont ! », fut la réponse de Hugh Liedtke. Il insista pour lancer les travaux dans une opération bancaire à valeur ajoutée. les cercles de l’oncle Herbie étaient nerveux : « Les gusses de New York étaient tout juste sur le point de pisser dans leur froc », se vanta Liedtke des années plus tard. Bush et Hugh Liedtke, manifestement, avaient les meilleures informations : les puits étaient bel et bien reliés entre eux, et 127 puits furent forés sans rencontrer un seul trou à sec. En conséquence, le prix des actions de la Zapata passa de 7 cents l’unité à 23 dollars.
Pendant ce temps, Hugh Liedtke collaborait à plusieurs petites transactions dans la zone de Midland avec un certain T. Boone Pickens qui, plus tard, allait devenir l’un des raiders de sociétés les plus fameux des années 80, un des inventeurs de la stratégie d’extorsion appelée « greenmail » (vient de greenback, billet vert, et blackmail, chantage, NdT) par laquelle un raider accumule une partie des actions d’une société et menace en permanence de se rendre chez un repreneur « hostile » (repreneur qui tente une OPA sur une société qui n’entend pas se laisser reprendre, NdT), à moins que la direction de la société ne soit d’accord pour racheter ces parts à un prix forcé. Pickens est le genre de pirate qui s’indigna lui-même, de façon hypocrite, quand le monde japonais des affaires tenta de l’empêcher d’introduire ces honteuses pratiques de pillage au sein de l’économie japonaise.
Pickens, lui aussi, était un produit du cercle social Bush-Liedtke de Midland. A l’époque où il commençait à se lancer, au milieu des années 50, Pickens voulait acheter la Hugoton Production Company, qui possédait le champ de Hugoton, l’une des plus grandes réserves de gaz naturel on-shore (sous la terre ferme) du monde. Pickens mit en scène la reprise « hostile » de Hugoton en se tournant vers Hugh Liedtke afin qu’il se fasse introduire chez les avoués du Clark Family Estate qui, comme nous venons de le voir, avait apporté une partie du capital de la Zapata. Pickens promit aux avoués de Clark un meilleur return que celui fourni par le management du moment et ce soutien s’avéra décisif en permettant à la Mesa Petroleum de Pickens de reprendre Hugoton, ce qui lança ce corsaire dans une carrière de piraterie et de pillage qui se poursuit toujours à l’heure actuelle. En 1988, George Bush accordait une interview à un magazine appartenant à Pickens et dans lequel le vice-président défendait les reprises hostiles comme étant nécessaires pour les intérêts des actionnaires.
Dans l’intervalle, après deux ou trois années d’opérations, le débit du pétrole du principal champ pétrolier de la Zapata, à Jameson, commença à ralentir. Bien qu’il y eût toujours du pétrole en abondance dans le sous-sol, la pression naturelle s’était rapidement réduite, de sorte que Bush et les Liedtke durent recourir à des stratagèmes pour amener le pétrole à la surface. Ils commencèrent à pomper de l’eau dans les formations souterraines de manière à forcer le pétrole à remonter à la surface. A partir de là, des techniques de « réveil stimulé » furent nécessaires pour garder le champ de Jameson en ligne.
Au cours des années 1955 et 1956, la Zapata fut à même d’enregistrer un léger profit. En 1957, l’année du début de la récession sous la présidence d’Eisenhower, elle enregistra une perte de 427.752 dollars et en 1959, elle fut encore de 207.742 dollars dans le rouge. 1960 (après que Bush eut quitté la scène) amena une nouvelle perte, cette fois, de 372.258 dollars. Il fallaut attendre 1961 pour que la Zapata soit capable d’enregistrer un petit profit de 50.482 dollars.(13). Malgré le fait que Bush et les Liedtke étaient tous devenus des millionnaires grâce à la valeur accrue de leurs actions, ce n’étaient pas exactement des résultats enviables. Sans les poches profondes de l’oncle de Bush, Herbie Walker, et de ses amis britanniques, toute l’aventure aurait pu sombrer très tôt.
Bush et les Liedtke avaient eu beaucoup de chance avec le champ pétrolier de Jameson, mais ils ne devaient pas trop s’attendre à ce que de tels résultats se reproduisent à l’infini. En outre, ils enregistraient désormais des pertes et la valeur de l’action Zapata s’était mise à décliner. Bush et les frères Liedtke concluaient à présent que l’époque où de vastes champs pétroliers pouvaient être découverts sur le continent nord-américain était désormais révolue. Les nouveaux champs pétroliers géants, croyaient-ils, ne pouvaient être découverts qu’off-shore (dans l’océan), situés sous des centaines de pieds d’eau sur les seuils marins, ou dans des mers peu profondes comme le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. Par une heureuse coïncidence, en 1954, le gouvernement fédéral américain commençait justement à mettre aux enchères les droits minéraliers de ces zones off-shore. Avec son père Prescott qui dirigeait son puissant réseau Brown Brothers Harriman – Skull and Bones à partir du Sénat américain tout en frayant avec le président Eisenhower sur les courts de golf ; George Bush pouvait être assuré de recevoir un traitement privilégié spécial quand il fut question de ces droits minéraliers. Par conséquent, Bush et ses partenaires estimèrent que le temps était venu pour lancer une compagnie de location de forage, la Zapata Offshore, une société du Delaware qui allait proposer ses services de forage sous eau aux sociétés constituant le cartel pétrolier international des Sept Sœurs. 40% des actions de la société offshore seraient détenues par la firme originale Zapata. La nouvelle société serait également acheteuse de concessions offshore à royalties. L’oncle Herbie contribua à mijoter un nouveau tirage d’actions pour cette branche de la Zapata.(13bis) Il était facile d’écouler les actions en raison du boum de 1954 à la bourse new-yorkaise. « Le marché des valeurs se prêtait aisément à la spéculation », allait expliquer Bush des années plus tard, « et vous pouviez obtenir des capitaux en fonds propres pour de nouvelles entreprises. »(14)
1954 fut également l’année où les Etats-Unis renversèrent le gouvernement de Jacopo Arbenz au Guatemala. C’était le début d’une série particulièrement fournie d’opérations secrètes des Etats-Unis en Amérique centrale et dans les Caraïbes, et spécialement à Cuba.
La première acquisition de la Zapata Offshore fut la « Scorpion », un gréement de forage en eaux profondes de 3,5 millions de dollars financé pour 1,5 million de dollars à partir de la vente du stock initial d’actions à laquelle il faut ajouter 2 millions de dollars provenant d’obligations émises sur le marché avec l’aide de l’oncle Herbie. La « Scorpion » était la première barge mobile de forage à trois pieds et auto-élévatrice et elle fut construite par R. G. LeTourneau, Inc., de Vicksburg, dans le Mississippi. La plate-forme pesait quelque 9 millions de livres (4.000 tonnes, NdT) et mesurait 55 mètres sur 45, et les trois pieds faisaient 42 mètres de long en pleine extension. L’installation était remorquée sur l’eau, installée dans la position de forage souhaitée avant qu’on n’en déploie les pieds et le corps principal était ensuite monté par-dessus les vagues par des moteurs électriques. La « Scorpion » fut livrée au début de 1956 et fut mis en service à Galveston en mars de la même année. Il fut enfin mis au travail dans des tâches de forage de recherche dans le golfe du Mexique pendant tout le reste de l’année.
Au cours de l’année 1956, les responsables de la Zapata Petroleum comprenaient J. Hugh Liedtke, président, George H.W. Bush, vice-président et William Brumley de Midland, Texas, trésorier. Le bureau directorial était composé comme suit :
George H.W. Bush, Midland, Texas;
J.G.S. Gammell, Edimbourg, Ecosse, directeur de British Assets Trust, Limited;
J. Hugh Liedtke, Midland, Texas;
William C. Liedtke, exploitant pétrolier indépendant, Midland, Texas;
Arthur E. Palmer, Jr., New York, NY, partenaire de Winthrop, Stimson, Putnam, and Roberts;
G.H. Walker Jr. (l’oncle Herbie), partenaire directorial de G.H. Walker and Co., New York, NY;
Howard J. Whitehill, producteur de pétrole indépendant, de Tulsa, Oklahoma;
Eugene F. Williams, Jr., secrétaire de la St. Louis Union Trust Company de St.-Louis, Missouri;
D.D. Bovaird, président de la Bovaird Supply Co. de Tulsa, Oklahoma, et président de conseil d’administration de la branche d’Oklahoma City du 10e District fédéral du Federal Reserve Board; et
George L. Coleman, investissements, Miami, Oklahoma.
Cette année, il y avait eu un directeur intérimaire, Richard E. Fleming de la Robert Fleming and Co., de Londres, en Angleterre. Les conseils étaient renseignés comme étant Baker, Botts, Andrews & Shepherd de Houston, Texas; les vérificateurs des comptes étaient la firme Arthur Andersen de Houston, et les agents de transfert étaient la J.P. Morgan & Co., Inc., de New York City et la First National Bank, sans oublier la Trust Company of Tulsa.(15)
George Bush lui-même était beaucoup plus impliqué dans le management financier de la compagnie qu’avec ses opérations sur les champs pétroliers proprement dites. Sa principale activité ne consistait pas à trouver du pétrole ou des puits de forage mais, comme il l’explique lui-même, « d’étaler du papier » - refinancer les dettes et conclure de nouveaux arrangements financiers avec les créanciers.(16)
Durant l’année 1956, en dépit de pertes perpétuelles et, une fois de plus, grâce à l’oncle Herbie, la Zapata fut pourtant à même de mettre à l’eau un autre offre, cette fois une dette convertible de 2,15 millions de dollars pour l’achat d’une seconde plate-forme de forage Le Tourneau, la « Vinegaroon », ainsi appelée d’après le nom d’un insecte piquant de l’Ouest du Texas. La « Vinegaroon » fut livrée dans le cours de l’année 1957 et ne tarda pas à enregistrer un forage « chanceux » dans le lotissement 86 au large de Vermilion Paris, en Louisiane. C’était une combinaison de gaz et de pétrole et un puits fut évalué à 113 barils de distillat et 3,6 millions de pieds cubes (100.000 m³) de gaz par jour.(17) C’était particulièrement rémunérateur, parce que la Zapata avait acquis un demi-intérêt sur les royalties provenant et du pétrole et du gaz pouvant être découverts. La « Vinegaroon » continua donc à forer au large de la Louisiane, sur un projet de la Continental Oil, également au large de Vermilion Parish.
Quant à la « Scorpion », durant une partie de l’année 1957, elle fut sous contrat avec la Bahama-California Oil Company, forant entre la Floride et Cuba. Elle fut ensuite louée par la Gulf Oil et la Standard Oil de Californie, pour le compte de qui elle commença à forer au cours de 1958 à un endroit situé sur la Cay Sal Bank, à 131 milles au sud de Miami, Floride, et à 54 milles exactement au nord d’Isabela, à Cuba. Cuba était un endroit intéressant à cette époque précise; l’insurrection de Fidel Castro allait rapidement saper l’ancien régime de Fulgencio Batista, imposé par les Etats-Unis. Cela voulait dire que la « Scorpion » avait été installée dans un endroit particulièrement chaud.
Durant l’année 1957, une certaine divergence commença à se manifester entre l’oncle Herbie Walker, Bush, et les « gars de New York » d’une part, et les frères Liedtke et leurs soutiens de Tulsa, d’autre part. Comme le faisait remarquer le rapport annuel de cette année, « Il ne fait aucun doute que les opérations de forage dans le golfe du Mexique sont devenues bien plus concurrentielles au cours des six derniers mois qu’elles ne l’ont été en aucun moment du passé. » Malgré cela, Bush, Walker et les investisseurs new-yorkais voulaient encore aller de l’avant avec les forages off-shore et l’entreprise des services de forage, alors que les Liedtke et le groupe de Tulsa voulaient se concentrer sur l’acquisition de réserves de pétrole terrestre et de gaz naturel.
Le rapport annuel pour 1958 fait remarquer que, du fait qu’il n’y a plus eu de découvertes majeures, 1958 a été « une année difficile ». C’était, bien sûr, l’année de la récession brutale sous Eisenhower. La « Scorpion », la « Vinegaroon » et la « Nola I », les trois plates-formes de forage off-shore de la société, ne pouvaient être maintenues opérationnelles en permanence durant toute l’année, de sorte que la Zapata Offshore avait perdu 524.441 dollars, plus que les propres pertes de la Zapata Petroleum, qui étaient de 427.752 dollars pour cette même année. Le point de vue des Liedtke se reflétait dans la remarque disant que « il avait été envisagé de liquider les opérations off-shore ». Le grand manitou Bush admit dans le rapport annuel de la Zapata Offshore pour 1958 : « Nous avions prédit par erreur que la plupart des grandes sociétés (pétrolières) auraient des programmes de forage très actifs en 1958. Ces programmes ne se sont tout simplement pas matérialisés. » En 1990, Bush refusa de reconnaître des mos durant qu’il y avait récession et, tout au long de 1991, il prétendit que la récession était terminée alors que, depuis longtemps déjà, elle s’était muée en dépression. Il allait s’avérer, en fait, que son aveuglement à propos des conjonctures économiques n’était pas un phénomène nouveau.
En 1959, il y eut des rapports mentionnant des tensions accrues dans le personnel, entre le dominateur et cinglant J. Hugh Liedtke, d’une part, et l’oncle de Bush, Herbie Walker, d’autre part. Liedtke était obsédé par son plan visant à créer une nouvelle société pétrolière importante, une ambition sans bornes qui allait lu faire dévaler une voie jonchée de sociétés truffées d’actifs non rentables et menant aux guerres dévastatrices entre Pennzoil, Getty et Texaco un quart de siècle plus tard. Dans le courant de cette année, les deux groupes d’investisseurs en arrivèrent à une séparation qui fut qualifiée d’« amiable » et qui, en aucun cas, n’interrompit l’étroite coopération entre Bush et les frères Liedtke. La solution fut que l’omniprésent oncle Herbie rachète les 40% de parts Liedtke-Tulsa dans la Zapata Offshore, alors que les sponsors de Liedtke rachèteraient les intérêts Bush-Walker dans la Zapata Petroleum.
Pour en arriver là effectivement, George Bush allait réclamer un nouvel apport important de capitaux. L’oncle Herbie collecta donc une nouvelle tranche de fonds pour George, de 800.000 dollars, cette fois. L’argent était supposé provenir des amis et relations des Bush – Walker.(18) Même si l’on tient compte des efforts fidèles de l’oncle Herbie, il est toujours déconcertant de voir toute une série d’importantes injections d’argent frais dans une petite compagnie pauvrement gérée qui a enregistré une série de pertes substantielles et dont les perspectives d’avenir étaient tout sauf roses. A ce point, il est par conséquent légitime de se poser la question de savoir si la Zapata était un front commun de renseignements lors de sa fondation en 1954, ou s’il le devint en 1959 ou, peut-être, un peu plus tard ? On ne peut répondre définitivement à cette question.
George Bush était désormais le président de sa propre société, le patron indiscuté de la Zapata Offshore. Bien que la société traînât derrière le reste de l’industrie de forage offshore, Bush fit une tentative peu convaincante d’expansion via la diversification, en investissant dans une usine d’outils en plastique du New Jersey, dans une société de pipelines texane, et dans une société de transmission de gaz, mais aucun de ces investissements ne s’avéra rémunérateur.
En contraste, l’approche des affaires par Hugh Liedtke était agressive au point d’en devenir picaresque. Liedtke décida qu’il allait utiliser l’argent qu’il avait récupéré en vendant ses intérêts dans la Zapata Offshore à l’oncle Herbie en vue de franchir un pas de géant sur la voie menant à la mise en place de la compagnie pétrolière de premier ordre de ses rêves, c’est-à-dire une nouvelle sœur dans le cartel pétrolier anglo-américain. Pour la mentalité malthusienne qui était celle de Liedtke, forer en quête de pétrole n’avait plus aucun sens, puisque toutes les découvertes majeures avaient été faites : ce qui comptait désormais, c’était d’acheter le pétrole qui existait déjà. Sa cible immédiate fut la South Penn Oil Company, propriétaire d’une parcelle du champ pétrolier de Bradford, et productrice d’une marque d’huile de moteur appelée Pennzoil, qu’elle vendait en quarts de gallon dans des bidons jaunes caractéristiques. La South Penn possédait une quantité importante de pétrole dans le sol. Afin de s’emparer du contrôle de la South Penn, Liedtke capitalisa à partir de ses relations personnelles avec J. Paul Getty, le fondateur de la Getty Oil, qu’il avait connu depuis que Getty s’était présenté lors d’une soirée de fiançailles en l’honneur de Liedtke, dans la demeure de la famille Skelly, à Tulsa, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. J. Paul Getty détenait environ 10% des actions de la South Penn. Liedtke mit sur pied un partenariat d’investissement et égala la part de Getty avec un intérêt de 10% bien à lui. Hypocritement, Liedtke rassura la direction de la South Penn en leur disant qu’il accumulait leur stock « uniquement dans des intentions d’investissement ». Quand Liedtke eut acheté autant d’actions que ses fonds le lui permettaient, il fit appel à Getty pour honorer un engagement précédent et s’installer lui-même à la présidence de la South Penn. Getty, qui avait été un corsaire sur le marché boursier durant les années 20, à l’époque où il avait manigancé une OPA sur la Tide Water Associated Oil, soutint Liedtke et l’ancienne direction de la South Penn fut déboulonnée au profit de l’équipe de Liedtke. J. Hugh Liedkte fusionna la Zapata Petroleum et la South Penn et donna à la nouvelle société le nom de Pennzoil.
Dès lors, J. Hugh Liedtke, suivant les traces de J. Paul Getty, avait mené à bien une OPA de lui-même. Quelques années plus tard, Liedtke avait exécuter un second raid, cette fois avec la reprise de la United Gas Pipeline Company de Shreveport, en Louisiane. La United Gas gérait 8,.800 milles (14.160 km) de gazoducs et transportait environ 7% du gaz naturel consommé aux Etats-Unis. Hugh et Bill Liedtke calculèrent que l’infrastructure de la United Gas avait coûté cher à la construction et à l’installation, mais qu’elle serait bon marché à gérer. Mettre la United Gas à terre pouvait engendrer des quantités prodigieuses de cash. Cet argent liquide pourrait dès lors être mobilisé par les Liedtke pour racheter d’autres sociétés. La United possédait du pétrole, du cuivre, du soufre et d’autres réserves minérales. La United Gas était une société d’une taille quelque six fois supérieure à celle de la Pennzoil, mais les Liedtke commencèrent à acquérir des actions.
Des problèmes surgirent quand les intentions des frères Liedtke devinrent de notoriété publique : le prix des actions United Gas grimpa en flèche et un groupe concurrent d’acheteurs du stock de la United Gas fit son apparition. Comme le groupe Pennzoil réfléchissait à son prochain coup, un certain Ecossais travaillant comme directeur suggéra une nouvelle stratégie : une offre de soumission d’argent liquide, une pratique de reprise dont on n’avait pratiquement jamais entendu parler aux Etats-Unis, mais qui était largement utilisée en Grande-Bretagne. Pennzoil pouvait annoncer publiquement un prix d’offre au public pour une partie seulement des parts. Les actionnaires, craignant que les prix du stock d’actions allait s’écrouler une fois l’offre clôturée, allait « proposer » autant de parts que la Pennzoil pouvait se permettre d’en acheter. La direction de la société, frappé par le coup de tonnerre, résista de toutes les manières possibles, mais les actions affluèrent et Pennzoil ne tarda pas à détenir 42% de la United Gas.(19) L’Ecossais en question ne pouvait être que J.G.S. Gammell, qui était resté chez les Liedtke comme membre de leur conseil d’administration. C’était le même Gammell que Bush et l’oncle Herbie avaient amené aux Etats-Unis afin qu’il investît dans l’affaire Bush-Overbey en 1950. Gammell avait amené avec lui le bacille particulièrement virulent des méthodes d’agiotage britanniques. La Pennzoil dut emprunter un quart de milliard de dollars pour racheter le stock d’actions de la United Gas, mais quand la poussière fut retombée, Pennzoil avait grossi de 500%, presque exclusivement sur base d’argent emprunté, d’usure et de dette.
Les rapaces qu’étaient les frères Liedtke décidèrent alors de soumettre la United Gas au processus particulièrement brutal consistant à la dépouiller de ses avoirs. Ils forcèrent la société à payer à Pennzoil 20 millions de dollars de dividendes de plus que la United Gas n’avait jamais possédé. Ils détachèrent les branches les plus rentables de la United Gas, spécialement les réserves de pétrole et minérales, et les transférèrent à la Pennzoil. Ils forcèrent la United Gas à puiser pour 100 millions de dollars dans leurs actions préférées et à les transférer vers la Pennzoil sous forme d’un nouveau dividende encore. Ceci représenta exactement un transfert de 100 millions de dollars du capital de la United Gas dans les coffres des Liedtke !
En 1972, George Bush était un membre du cabinet de l’administration Nixon et un type de l’intérieur, il parlait pour Tricky Dick (surnom de Richard Nixon, « Dick la malice ») et Kissinger aux Nations unies. L’influence de George doit avoir encouragé les efforts des frères Liedtke à placer deux de leurs hommes de loi de Baker & Boots à la Commission du Pouvoir fédéral. Avec ces créatures des Liedtke en place, la Commission du Pouvoir fédéral fit en sorte d’approuver toute une série de transactions par lesquelles la United Gas, ignorant les contrats existants, détourna du gaz naturel destiné à être livré en Louisiane en faveur d’autres marchés où les prix étaient beaucoup plus élevés. Le résultat de cette cupidité se traduisit par une grave pénurie de gaz en Louisiane qui se répercuta à la fois sur les utilisateurs industriels et sur la consommation domestique. Le gouverneur de la Louisiane, Edwin Edwards, déclara au cours de l’hiver 1972 que « la santé et la sécurité de millions d’habitants de la Louisiane étaient gravement menacées » suite à ces machinations des Liedtke. Le gouverneur Edwards dénonçait un« mépris absolu envers les intérêts publics de cet Etat » de la part de la Pennzoil/United Gas. Il y eut des licenciements dans certaines installations industrielles et un procès au moins accusa les sociétés Liedtke d’avoir rompu leurs contrats existants. En tout, il fut estimé (par les services publics du Middle South) qu’un énorme supplément de 200 millions de dollars avait été ajouté aux factures de gaz et d’électricité des consommateurs du Deep South (Sud profond), la partie la plus pauvre des Etats-Unis, afin de fournir d’autres combustibles de chauffage. Mais cela ne dérangea nullement les frères Liedtke, car ils étaient en train de devenir multimillionnaires via le pillage et le dépouillement des avoirs de l’United Gas.
En 1974, les Liedtke décidèrent que la carcasse dépouillée de la United Gas devait désormais être abandonnée. L’histoire de ce sordide chapitre final du pillage de la United Gas s’intitula « Aime-la et plaque-la » par le magazine Forbes : « C’est exactement, dirent les critiques, ce que les frères Liedtke ont fait avec la United Gas – ils l’ont possédée, l’ont déflorée, puis l’ont laissé tomber. »(20) Comme le faisait également remarquer Forbes : « Les contacts avec des gens comme les Johnson, les Connally et les Bush n’ont jamais fait le moindre mal aux Liedtke. » On considéra comme douteux que la United Gas, après le passage des Liedtke, puisse éviter l’effondrement en conséquence de sa position considérablement affaiblie. Mais, avec le Watergate et l’effondrement du cartel Nixon au pouvoir, les Liedtke étaient désormais allés au-delà de ce que pouvaient supporter les magouilles de Washington. Les régulateurs fédéraux forcèrent les deux requins de frères à restituer les 100 millions de dollars du transfert du capital d’actions déposées. Les Liedtke se firent également épingler pour délit d’initiés en ayant acheté 125.000 actions Pennzoil juste avant que le stock ne grimpât quand Waal Street allait apprendre la nouvelle du transfert de 100 millions de dollars. Ils durent cracher 108.125 dollars des bénéfices réalisés et furent obligés à signer un engagement officiel à ne plus jamais reproduire un gag de ce genre. Mais c’était une somme totalement insignifiante comparée aux importantes réserves pétrolières de la United Gas que la Pennzoil fut autorisée à conserver.
A la fin des années 70, les frères Liedtke allaient recevoir une entrée en République populaire de Chine grâce aux relations personnelles nouées là-bas par leur ancien partenaire et copain à vie, George Bush. Et, plus tard, durant les années Reagan-Bush, lorsque l’intervention fédérale régulatrice contre les escroqueries monstrueuses sur les marchés boursiers disparurent virtuellement suite au travail de la Task Force de George Bush sur l’assistance régulatrice, J. Hugh Liedtke, affublé à l’époque du surnom de « Président Mao », allait être le protagoniste de la guerre Pennzoil-Getty-Texaco, une conflagration qui devait semer la désolation sur des pans entiers d’une économie américaine fatalement affaiblie. Et, dans ces temps futurs, J. Hugh Liedtke allait à diverses reprises faire étalage de son étroite amitié avec son ancien partenaire d’affaires George Bush.(21)
En 1959-60, George Bush opérait en dehors de sa nouvelle base de société à Houston, au Texas, où la Zapata Offshore avait déménagé après sa séparation avec les Liedtke. Les conditions économiques s’amélioraient lentement et la facilité avec laquelle l’oncle Herbie mobilisait du capital permit à George Bush d’envisager d’étendre sa flotte d’équipements de forage off-shore. En 1963, la Zapata Offshore avait quatre plates-formes opérationnelles, la SIDEWINDER, la VINEGAROON, la SCORPION-NOLA I et la NOLA III. L’intérêt de Bush fut attiré vers le golfe de Galveston, à l’est de la Nouvelle-Orléans, ensuite, plus à l’est et au sud de Miami, et toujours plus au sud, vers Cuba, la cible d’une immense opération d’action secrète que l’administration Eisenhower, conseillée par Prescott Bush, était en train de mettre sur pied en Floride du Sud et au sous le nom de code JM/WAVE qui, au printemps 1961, allait devenir manifeste aux yeux du monde entier sous la forme de la tentative d’invasion de Cuba dans la baie des Cochons.
Dans un rapport annuel de la Zapata Offshore sorti quelques années plus tard, Bush publia la description suivante de la nature du boulot de la compagnie :
« Historiquement, peu de grosses sociétés ont possédé leurs propres plates-formes de forage. Ces opérateurs préfèrent établir des contrats pour s’offrir les services de plates-formes et équipages de contractants indépendants, normalement à un prix établi sur base journalière. Cette politique habilite les opérateurs à assurer le meilleur type de plate-forme pour chaque tâche et les décharge de la responsabilité de garder leurs propres plates-formes occupées quand leurs programmes sont écourtés.
« Les entrepreneurs qui fournissent ces plates-formes rivalisent entre eux pour fournir les équipes et équipements les plus efficaces. Puisque le coût du déplacement d’un tel équipement est élevé, les entrepreneurs doivent également avoir le type adéquat de plate-forme en disponibilité sur ou à proximité de la concession de l’opérateur au moment où ce dernier veut forer son puits. Les forages à contrats off-shore diffèrent des forages terrestres à de nombreux égards. La plupart des entreprises travaillant à terre sont d’accord pour forer un trou jusqu’à une certaine profondeur pour un prix établi. Par conséquent, les hasards du forage rencontrés sur la terre ferme sont généralement assumés par l’entreprise de forage. Puisque les entreprises off-shore fournissent normalement l’équipement sur une base journalière, la plupart des risques en rapport avec un trou foré off-shore sont assumés par l’opérateur. Les opérateurs ont des représentants à bord des plates-formes off-shore et les ont engagés pour diriger les actions à entreprendre face aux éventuels problèmes rencontrés en cours de forage.
« Une plate-forme terrestre type coûte entre 500.000 et 1.000.000 dollars. Une plate-forme off-shore autonome coûte entre 3.500.000 et 7.500.000 dollars. Par conséquent, les entrepreneurs off-shore ont un bien plus grand investissement en équipement que les entrepreneurs sur terre ferme. Pour cette raison, le nombre de firmes off-shore en concurrence est moins élevé. »(22)
Ce compte rendu explique clairement que le facteur le plus important pour la Zapata Offshore résidait dans des contrats émanant des grandes sociétés pétrolières des Sept Sœurs du cartel anglo-américain, l’oligopole pétrolière mondiale qui, à cette époque, défendait son hégémonie sur le marché pétrolier mondial par l’assassinat d’Enrico Mattei, le président de la Ente Nazionale Idrocarburi, la compagnie pétrolière de l’Etat italien, qui avait osé contrecarrer les méthodes de pillage arrogantes des Sept Sœurs et défier l’oligopole en Afrique du Nord et dans le monde arabe. Dans les premières années de la Zapata Offshore, des contrats étaient venus de Gulf Oil et de la Standard Oil of California, comme nous l’avons vu. Au début des années 60, de plus en plus de contrats vinrent de composantes de la Royal Dutch Shell, le cœur anglo-hollandais du cartel des Sept Sœurs, la force stratégique dominante de l’oligopole. La Zapata Offshore eut effectivement une assurance britannique, des contrats britanniques, des investisseurs britanniques et des sites de forage dans des champs pétroliers du Commonwealth situés dans de nombreuses parties du monde. Cela ne devait pas constituer une surprise : après tout, le partenaire de Prescott Bush, Averell Harriman, avait été l’envoyé spécial de Franklin D. Roosevelt auprès de Churchill durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale et Averell avait épousé plus tard l’ancienne femme divorcée du fils de Churchill, Randolph.
Bien que la Zapata Offshore fût une compagnie de dimensions modestes, Bush mit néanmoins sur pied un réseau de filiales très complexe, mais de façon très louche. Ce sujet est très difficile à examiner à cause de la disparition particulièrement arrangeante des dossiers (années 1960-66) de la Zapata Offshore au moment des travaux de la Commission des Sécurités et des Echanges, à Washington. Ces dossiers furent détruits « par inadvertance » par un garde-meuble fédéral. C’est le genre de tripotage d’archives officielles qui tombe à pic et Bush allait en bénéficier sans arrêt tout au long de sa carrière, depuis le rapport de combat sur le San Jacinto, en 1944, jusqu’à la disparition des bandes Hashemi-Pottinger et le broyage des documents sur les contras iraniens, plus récemment.
Un certain éclairage est fourni par un bref profil de la sous-structure de la société Zapata Offshore examinée par un certain Monsieur Allan Mandel et soumis au sénateur du Texas, Ralph Yarborough, le 13 octobre 1964, en pleine tentative de Bush de déloger le sénateur.(23) Ce rapport reposait sur « les publications sur l’industrie pétrolière de la Standards and Poors, et sur des interviews personnelles de fonctionnaires du département de l’Intérieur ».
A l’époque, découvrit Monsieur Mandel, la Zapata Offshore possédait 50% de la Seacat-Zapata Offshore Company, qui utlisait la plate-forme de forage NOLA III dans le golfe Persique. En outre, Mandel identifia les filiales suivantes de la Zapata Offshore :
A. Zapata de Mexico
B. Zapata International Corporation C. Zapata Lining Corporation D. Zavala Oil Company E. Zapata Overseas Corporation F. Zapata détient 41 pour-cent de l’Amata Gas Corporation.
La Zapata Lining n’était autre que la société de pipeline. Elle fut dissoute en 1964. La propriété d’Amata Gas était partagée avec l’American R&D Corporation, de Boston. Le rapport annuel de la Zapata pour 1964 est bizarrement silencieux à propos des autres sociétés, à l’exception de la Seacat-Zapata.
George Bush avait toujours aimé le secret et il s’avère que ceci s’est étendu aux activités d’affaires – ou aux activités d’affaires supposées – de la Zapata Offshore. Un léger éclairage fenêtre sur toute la gamme d’activités secrètes ou semi-secrètes durant ces années est fourni par des informations publiées récemment à propos des relations d’affaires de Bush dans l’ombre, avec Jorge Diaz Serrano, du Mexique, l’ancien patron (1976-81) de la compagnie pétrolière nationale mexicaine, la Pemex, et qui fut condamné et emprisonné pour avoir escroqué le gouvernement mexicain de 58 millions de dollars. En 1960, Bush et Diaz Serrano collaborèrent en secret pour créer une société mexicaine de forage appelée Perforaciones Marinas del Golfo, ou Permargo. A l’époque, Diaz Serrano avait travaillé comme homme d’affaires pour la Dresser Industries, l’ancienne firme de Bush. Diaz Serrano entra en contact avec un spécialiste américain du pétrole qui voulait forer au Mexique. Une nouvelle loi mexicaine stipulait que les contrats de forage ne pouvaient être accordés qu’à des ressortissants mexicains. Le pétrolier américain était Edwin Pauley, de la Pan American Petroleum Corporation. Lorsque Diaz Serrano voulut acheter l‘équipement de forage pour la Dresser Industries, celle-ci exigea que Diaz prenne Bush comme copropriétaire dans l’aventure. Le porte-parole de Bush, Peter Hart, admit en 1988 que Bush et la Zapata avaient été partenaires de Diaz Serrano, mais il supposa que le partenariat n’avait duré que sept mois.
Diaz Serrano est très disposé à faire savoir qu’il est un ami personnel de Bush. « On se souvient d’un homme que l’on aime et apprécie », dit Diaz, qui voulait devenir président du Mexique avant d’être condamné à cinq ans de prison pour s’être approprié des deniers de l’Etat mexicain. Les transactions d’affaires engendrèrent « une amitié dont je suis très fier ». En 1982, Diaz Serrano devint ambassadeur du Mexique à Moscou et, en route pour ses nouvelles fonctions, il fit une halte pour aller discuter avec Bush à la Maison-Blanche.
Bush réciproque cette amitié : « J’ai un très profond respect pour Jorge », déclara Bush à People Magazine en 1981. « Je le considère comme un ami. »
L’un des associés de Jorge Diaz Serrano dans l’affaire de forage fut son partenaire à long terme Jorge Escalante, qui était également resté en contact avec Bush au-delà des années intermédiaires, et c’est un fait que le bureau de Bush confirme également.
Bush fut manifestement malhonnête en ce sens que les rapports annuels de la Zapata Offshore ne mentionnent pas cette transaction avec Permargo, qui créa une société en concurrence directe avec la Zapata Offshore elle-même, et ce, au grand détriment de cette « valeur d’actionnaire » que Bush prétendait considérer comme sacrée chaque fois que sa clique de copains étaient sur la piste d’une nouvelle OPA. Bush peut aussi avoir caché illégalement des transactions au gouvernement. Les fichiers de la Zapata Offshore auprès de la Commission des Sécurités et des Echanges (la SEC) entre 1955 et 1959, sont énigmatiques, et les fichiers de la SEC sur la Zapata Offshore entre 1960 et 1966, lorsque Bush avait le contrôle exclusif de la société, furent détruits par la SEC soit en 1981, lorsque Bush venait tout juste d’accéder à la vice-présidence, soit un peu plus tard, en octobre 1983, selon divers fonctionnaires de la SEC. Peut-être ces fichiers furent-ils escamotés non seulement pour protéger Bush, mais également pour protéger la Zapata Offshore en tant qu’opération de front pour la communauté des renseignements américains. Le rapport annuel de la Zapata Offshore pour 1964 mentionne que la barge de forage NOLA I fut vendue « à une filiale d’une société mexicaine de forage » parce que c’était devenu « une opération marginale » en ce sens qu’elle ne pouvait être utilisée qu’en été, à cause d’un manque de navigabilité par mauvais temps, mais même un rapport annuel ne cite pas non plus la Permargo, dont il s’avère qu’elle est bien la société mexicaine qui a racheté la NOLA I.(24)
Diaz rappelle que Bush était un homme d’affaires hautement politisé déjà en 1960 : « A cette époque, je m’en souviens très clairement, c’était un homme jeune et quand nous parlions affaires avec lui au bureau, il passait plus de temps au téléphone à parler de politique qu’à prêter attention aux affaires de forage. C’était un homme politique né. »
Les transactions d’affaires de Bush l’avaient amené en contact direct avec un certain nombre de raiders de sociétés qui, plus tard, allaient dépasser le paroxysme de la spéculation, du pillage et de l’usure et caractériser les années Reagan-Bush. Le Bassin permien des années 40 et 50 avait attiré des personnages comme les frères Liedtke, leur ami Blaine Kerr, T. Boone Pickens, tous des habitués de haut vol des OPA, des reprises hostiles, du green-mail, des fusions et rachats des années 80. George Bush était en rapport avec eux et avec la famille Kravis, de Tulsa. Nisk Brady, de la Dillon-Reed, était un vieil ami de la famille qui allait également se joindre à l’orgie des années 80. Frank Lorenzo allait également figurer dans le tableau un peu plus tard. Le succès principal en affaires de Bush fut d’assembler cette légion de requins en tant que base de son soutien politique pour les années à venir.
Autrement, Bush était un homme d’affaires de succès très médiocre, tenu à flot par les injections constantes de capitaux émanant de son généreux oncle Herbie.
NOTES:
1. Harry Hurt III, "George Bush, Plucky Lad" (GB, un gars qui a du cran), Texas Monthly, juin 1983.
2. Voir Sarah Bartlett, The Money Machine: How KKR Manufactured Power and Profits (La machine à fric : comment KKR fabriquait pouvoir et profits), New York, 1991, pp.9-12.
3. Darwin Payne, Initiative in Energy: Dresser Industries, Inc., 1880-1978, New York, Simon and Schuster, 1979, p.232 ff.
4. Bartlett, The Money Machine, p.268.
5. Darwin Payne, Initiative in Energy, pp. 232-233.
6. Harry Hurt III, "George Bush, Plucky Lad," Texas Monthly, June 1983.
7. Harry Hurt III, "George Bush, Plucky Lad," Texas Monthly, June 1983.
8. "Bush Battle the 'Wimp Factor' (Bush surmonte le facteur mauviette), Newsweek, 19 octobre 1987.
9. Voir Richard Ben Kramer, « How He Got Here » (Comment il est arrivé ici), Esquire, juin 1991.
10.Voir Thomas Petzinger, Jr., Oil and Honor: The Texaco-Pennzoil Wars (Pétrole et honneur :les guerres entre Texaco et Pennzoil), New York, 1987, p.37 ff.
11. Petzinger, p.93.
12. Petzinger, p.40.
13. Voir le rapport annuel pour 1956 de la Zapata Petroleum, chambre de lecture des microfilms de la Bibl. du Congrès.
13bis. Jeu de mots entre offshore (en mer) et offshoot (ramification, branche, excroissance). (NdT)
14. Petzinger, p.41.
15. Id. note 13.
16. Harry Hurt III, p.194.
17. "Zapata Petroleum Corp.", Fortune, avril 1958.
18. Walter Pincus et Bob Woodward, « Doing Well With Help From Family, Friends » (Comment s’en tirer grâce à l’aide de la famille et des amis), Washington Post, 11 août 1988.
19. Petzinger, p.63.
20. "Love Her And Leave Her" (Aime-la et plaque-la), Forbes, 15 septembre 1974, pp.54-55.
21. Voir Petzinger, pp.64-67.
22. Id. note 13.
23. Voir dépliant Bush, Yarborough Papers, Eugene C. Barker Texas History Center, University of Texas, Austin.
24. Voir Jonathan Kwitny, "The Mexican Connection of George Bush," Barron's, 19 septembre 1988.
« (…) JM/WAVE (…) proliféra à travers (la Floride) en préparation de l’invasion de la baie des Cochons. Une sous-culture de fronts, de propriétaires, de fournisseurs, d’agents de transfert, de communications, de sociétés bidon, de largages aveugles, d’agences de détectives, de firmes juridiques, de firmes électroniques, de shopping centers, de lignes aériennes, de stations radio, de personnel, d’ecclésiastiques et de banques : tout un faux et secret système nerveux obéissant à des stimuli fournis par le cortex des services clandestins de Langley. Après la défaite de la baie des Cochons, la JM/WAVE se mua en Miami Station, prenant sans cesse de l’importance, la plus importante de la CIA des Etats-Unis continentaux. Une large enseigne en façade du (…) complexe de bâtiments indique : LA REGLEMENTATION DU GOUVERNEMENT DES Etats-Unis INTERDIT LA REMISE EN QUESTION DE CETTE ORGANISATION OU DE SES INSTALLATIONS. »
Donald Freed, Death in Washington (Mort à Washington),
Westport, Connecticut, 1980, p.141.
La liste proposée jusqu’ici des activités de George Bush à la fin des années 50 et au début des années 60 est certainement incomplète à de nombreux égards importants. Il y a une bonne raison de croire que Bush était engagé dans quelque chose d’autre que les seules affaires pétrolières, durant toutes ces années. En commençant à peu près à l’époque de l’invasion de la baie des Cochons, au printemps 1961, n,ous avons les premières indications nous permettant de dire que Bush, outre qu’il travaillait pour la Zapata Offshore, peut également avoir participé à certaines opérations secrètes de la communauté des services de renseignements américains.
Une telle participation aurait certainement été cohérente avec le rôle de George Bush dans les réseaux de Prescott Bush, Skull & Bones et Brown Brothers, Harriman. Au cours du 20e siècle, les cercles Skull & Bones et harrimaniens ont toujours assuré une présente de poids, souvent décisive, au sein des organisations de renseignements du département d’Etat, du département du Trésor, du bureau des renseignements navals, du bureau des services stratégiques et de la CIA. En effet, les factions financières harrimaniennes et les factions en relations avec les anglophiles de Wall Street ont généralement considéré ces parties de l’appareil d’Etat comme leur propre terrain particulier, leur propriété, laquelle devait être maintenue enracinée dans les réseaux de contrôle afin d’être effectivement dirigées d’en haut. Voir George Bush agir en interface avec la communauté des renseignements, tout en étant ostensiblement engagé dans sa carrière d’hommes d’affaires, cadrerait particulièrement bien avec ce schéma bien établi.
Un ensemble de pistes a été constitué qui suggère que George Bush aurait pu être associé à la CIA quelque temps avant l’automne 1963. Selon Joseph McBride, de The Nation, « une source présentant des connexions étroites avec la communauté des renseignements confirme que Bush commença à travailler pour la CIA en 1960 ou 1961, utilisant ses affaires pétrolières comme paravent à ses activités clandestines. »(1) A l’époque de l’assassinat de Kennedy, nous disposons d’un document officiel du FBI qui fait allusion à « Monsieur George Bush de la CIA » et, en dépit des allégations officielles allant en sens contraire, il y a tout lieu de croire que c’est en effet l’homme de la Maison-Blanche aujourd’hui. Le mystère de George Bush en tant qu’agent secret possible pivote autour de quatre axes, dont chacun représente l’un des plus grands scandales politiques et d’espionnage de l’histoire des Etats-Unis de l’après-guerre. Ces quatre points de première importance sont les suivants :
L’invasion manquée de la baie des Cochons, à Cuba, lancée les 16 et 17 avril 1961, préparée avec l’aide de la Miami Station de la CIA (connue aussi sous le nom de code JM/WAVE). Après l’échec des débarquements amphibies de la Brigade 2506, Miami Station, sous la direction de Theodore Shackley, devint le centre opérationnel de l’opération Mongoose, une série d’opérations dirigées contre Fidel Castro, Cuba et, éventuellement, d’autres cibles encore.
L’assassinat du président John F. Kennedy à Callas, le 22 novembre 1963, et la couverture dont ont bénéficié les gens responsables de ce crime.
Le scandale du Watergate, débutant par une visite en avril 1971 à Miami, Floride, de E. Howard Hunt, pour le dixième anniversaire de l’invasion de la baie des Cochons, afin de recruter des agents pour l’unité spéciale d’enquêtes de la Maison-Blanche (les « plombiers » et, plus tard, les cambrioleurs du Watergate) parmi les vétérans cubano-américains de la baie des Cochons.
L’affaire des contras iraniens, qui devint un scandale public en octobre 1986 et dont plusieurs des personnages centraux, tel Felix Rodriguez, étaient aussi des vétérans de la baie des Cochons.
Le rôle de George Bush à la fois dans le Watergate et dans l’affaire surprise des contras iraniens en octobre, sera traité en détail dans d’autres chapitres du présent ouvrage. Ici, maintenant, il est important de voir que trente années d’opérations secrètes, à maints égards, constituent un seul ensemble continu. C’est spécialement vrai en ce qui concerne les personnages en scène. Georgie Anne Geyer fait ressortir l’évidence dans un ouvrage récent : « (…) tout un nouveau cadre cubain a émergé depuis de la baie des Cochons. Les noms de Howard Hunt, Bernard Baker, Rolando Martinez, Felix Rodriguez et Eugenio Martinez allaient émerger dans le quart de siècle suivant, et souvent de façon décisive, de façon très régulière, également, dans les crises les plus dangereuses de la politique étrangère américaine. Il y eut des missions de vol de Cubains au Congo, pour le compte de la CIA, et même au profit des Portugais en Afrique. Ce furent des Cubains qui commirent les cambriolages, dans l’affaire du Watergate. Les Cubains jouèrent des rôles clés au Nicaragua, dans l’Irangate, dans la poussée américaine vers le golfe Persique ».(2) Felix Rodriguez nous raconte qu’il s’était infiltré à Cuba avec les autres membres de « l’équipe grise » en rapport avec les débarquements de la baie des Cochons. C’est le même homme que nous retrouvons à la tête de l’effort de fournitures de contras en Amérique centrale, durant les années 1980, travaillant sous la supervision directe de Don Gregg et de George Bush.(3) Theodore Shackley, le chef de station de la JM/WAVE, apparaîtra plus tard dans la campagne présidentielle de Bush de 1979-80.
A un très haut degré, de telles opérations secrètes (et les grands scandales politiques qui les ont accompagnées) ont mis en évidence le même réservoir de personnel. Elles sont à un point important l’œuvre de la même équipe. Il est par conséquent révélateur d’extrapoler vers l’avant et vers l’arrière dans le temps les individus et groupes d’individus qui apparaissent dans la brochette de personnages d’un scandale et de les comparer avec l’équipe de personnages des autres scandales, y compris les personnages secondaires qui n’ont pas été énumérés ici. Howard Hunt, par exemple, apparaît comme un participant confirmé dans le renversement du gouvernement guatémaltèque de Jacopo Arbenz en 1954, il est également un personnage important de la chaîne de commandement de la baie des Cochons, il a également été accusé d’avoir été présent à Dallas le jour où Kennedy a été assassiné, et il est enfin l’un des personnages centraux du Watergate. (On se demande quels secrets, après tout, étaient enfermés dans le coffre dont le contenu fut de façon si arrangeante catalogué d’ultra-confidentiel par le directeur du FBI, Patrick Gray.)
George Bus est manifestement l’un des protagonistes les plus importants du scandale du Watergate et il était directeur général des contras iraniens. Du fait qu’il apparaît spécialement dans les contras iraniens en proximité étroite avec les protagonistes immédiats de la baie des Cochons, il est sûrement légitime de se demander quand doit avoir commencé son association avec les Cubains de la baie des Cochons.
1959 fut l’année où Bush commença à opérer hors de son QG de la Zapata Offshore à Houston. Ce fut également l’année où Fidel Castro prit le pouvoir à Cuba. Officiellement, comme nous l’avons vu, George Bush était manifestement un homme d’affaires que le travail accaparait, par moments, en Louisiane, où la Zapata avait des opérations de forage offshore. George doit avoir été un visiteur fréquent de la Nouvelle-Orléans. Du fait de la propriété de famille à Jupiter Island, il a également dû visiter souvent la région de Hobe Sound. Et alors, il y avait les opérations de forage de la Zapata Offshore dans le détroit de Floride. Sur toutes ces activités, le matériel biographique officiel du style « Studebaker rouge » et les rapports annuels de la Zapata Offshore sont extrêmement discrets.
La connexion Jupiter Island et les réseaux de la Brown Brothers Harriman du père Bush, associés aux Skull & Bones sont sans aucun doute la clef. Jupiter Island signifiait Averell Harriman, Robert Lovett, C. Douglas Dillon et d’autres financiers anglophiles qui avaient dirigé la communauté des renseignements américains bien avant que la CIA ait même vu le jour. Et, dans l’arrière-cour des Olympiens de Jupiter Island, et sous leur direction, une base puissante d’opérations sous le manteau était en train de se constituer, dans laquelle George Bush allait être présent lors de sa création, en guise de droit de naissance, en quelque sorte.
Au cours de 1959-60, Allen Dulles et l’administration Eisenhower commencèrent à rassembler en Floride du Sud l’infrastructure d’actions secrètes contre Cuba. Ce fut le potentiel de la JM/WAVE, plus tard formellement constituée en Miami Station de la CIA. La JM/WAVE était un centre opérationnel pour le projet du régime Eisenhower de mettre sur pied une invasion de Cuba en utilisant une armée secrète d’exilés cubains anti-castristes organisés, armés, entraînés, transportés et dirigés par la CIA. Les Cubains, appelés « Brigade 2506 », étaient entraînés dans des camps secrets au Guatemala et ils bénéficiaient du soutien aérien de bombardiers B-26 basés au Nicaragua. L’invasion fut écrasée en moins de trois jours par les forces de défense de Castro.
Avant de poursuivre avec le plan si instamment préconisé par Allen Dulles, Kennedy avait établi comme conditions préalables qu’en aucune circonstance que ce soit il n’y aurait d’intervention directe des forces armées américaines contre Cuba. D’une part, Dulles avait assuré Kennedy que la nouvelle de l’invasion allait déclencher une insurrection censée balayer Castro et son régime. D’autre part, Kennedy devait être inquiet de provoquer une confrontation mondiale thermonucléaire avec l’URSS, dans l’éventualité que Nikita S. Khrouchtchev déciderait de répondre à une manœuvre américano-cubaine en coupant, par exemple, l’accès américain à Berlin.
Des traces de la présence secrète de George Bush sont disséminées çà et là autour de l’invasion de la baie des Cochons. Selon certains comptes rendus, le nom de code de la baie des Cochons était « Opération Pluto ».(4) Mais le vétéran de cette opération, Howard Hunt, réfute avec mépris que c’eût été le nom de code utilisé par le personnel de la JM/WAVE. Hunt écrit : « Ainsi, peut-être le Pentagone désignait-il l’invasion de la Brigade sous le nom de Pluto, mais pas la CIA!» (5) Mais Hunt ne nous dit pas quel était le nom de code utilisé par la CIA et le contenu du coffre de Hunt à la Maison-Blanche qui, à l’époque du Watergate, aurait pu nous révéler la réponse, fut évidemment catalogué « top secret » par le directeur du FBI Patrick Gray. Un nom de code fréquemment utilisé par le personnel de la CIA de la Miami Station s’avère avoir été « Dun Eduardo », en gros, l’équivalent de « Monsieur Edouard » ou, peut-être, « Mr Ed ». (6)
Selon des sources fiables et des comptes rendus publiés, le nom de code de la CIA pour l’invasion de la baie des Cochons fut « Opération Zapata » et c’est ainsi que Richard Bissell de la CIA, l’un des promoteurs du projet, la désignait aussi dans un pli adressé au président Kennedy, à la Chambre du Cabinet, le 29 mars 1961.(7) L’opération Zapata a-t-elle quelque chose à voir avec la Zapata Offshore ? Le bushien ordinaire pourrait répondre qu’Emiliano Zapata, après tout, avait été un personnage public de lui-même ainsi que le sujet d’un film récent de Hollywood dans lequel jouait Marlon Brando. Comme J. Hugh Liedtke l’avait fait remarquer, il était le personnage classique du révolutionnaire doublé d’un bandit. Un bushien plus calé aurait pu prétendre que la principale baie du débarquement, la Playa Giron, est située au sud de la ville de Cienfuegos, dans la péninsule de Zapata, sur la côte sud de Cuba.
Puis, il y a la question de la flottille de débarquement de la Brigade 2506, qui était composée de cinq vieux cargos achetés ou affrétés aux Garcia Steamship Lines, et portant les noms de Houston, Rio Escondido, Caribe, Atlantic et Lake Charles. Outre ces navires, qui avaient été désarmés en tant que navires de transport, il y avait deux navires de soutien un peu mieux armés, le Blagar et le Barbara. (Certaines sources font été du Barbara J.)(8) A l’origine, le Barbara était un LCI (Landing Craft Infantry – Navire de débarquement d’infanterie) plus ancien. Notre attention est tout de suite attirée par le Barbara et le Houston, dans le premier cas, parce que nous avons vu l’habitude de George Bush de nommer ses avions de combat du prénom de son épouse et, dans le second cas, parce que, à l’époque, Bush était un résident, un homme du pétrole et un militant républicain de Houston, Texas. Naturellement, l’apparition de noms comme « Zapata », Barbara et Houston peut en soi faire naître les soupçons et, en même temps, elle ne prouve rien.
Après la pitoyable défaite lors de l’invasion de la baie des Cochons, il y eut une grande animosité contre Kennedy parmi les survivants de la Brigade 2506, dont certains, finalement, retournèrent à Miami après avoir été relâchés des camps de prisonniers de guerre de Castro. Il y eut également une grande animosité contre Kennedy de la part du personnel de la JM/WAVE.
Au début des années 50, E. Howard Hunt avait été le chef de station de la CIA à Mexico City. Comme nous le raconte David Atlee Phillips (un autre vétéran aigri de la JM/WAVE) dans son compte rendu autobiographique, The Night Watch (La garde de nuit), Howard Hunt avait été le supérieur immédiat d’une jeune recrue de la CIA appelée William F. Buckley, le diplômé de Yale et membre des Skull and Bones qui, plus tard, allait fonder la National Review. Dans son compte rendu autobiographique rédigé à l’époque du scandale du Watergate, Hunt y va de la tirade suivante sur la baie des Cochons :
« Aucun événement depuis le passage de la Chine au communisme, en 1949, n’a eu un effet aussi profond sur les Etats-Unis et ses alliés que la défaite de la brigade d’invasion cubaine entraînée aux Etats-Unis à la baie des Cochons, en avril 1961.
« C’est de cette humiliation que sont venus le mur de Berlin, la crise des missiles, la guerre de guérilla à travers l’Amérique latine et l’Afrique et notre intervention en République dominicaine. Le triomphe de la tête de pont de Castro a ouvert une boîte de Pandore de difficultés qui ont affecté non seulement les Etats-Unis, mais également la plupart de nos alliés du monde libre. Ces événements sanglants et subversifs n’auraient pas eu lieu si Castro avait été renversé. Au lieu de maintenir une position ferme, notre gouvernement a pris une série de décisions de plus en plus mauvaises et a permis à la Brigade 2506 d’être anéantie. L’administration Kennedy a fourni à Castro toutes les excuses dont il avait besoin pour obtenir une emprise plus ferme sur l’île de José Marti, ensuite elle s’est retirée honteusement dans l’ombre et a espéré que le problème cubain allait tout simplement disparaître tout seul.(9)
Hunt défendait cette opinion typique que la débâcle avait été de la faute de Kennedy, et non pas d’hommes comme Allen Dulles et Richard Bissell, qui avaient planifié l’action et l’avaient recommandée. Après l’échec gênant de l’invasion, qui ne suscita jamais l’insurrection anti-castriste spontanée qu’on avait espérée, Kennedy vira Allen Dulles, son adjoint harrimanien Bissell et le directeur adjoint de la CIA, Charles Cabell §dotn le frère était le maire de Dallas à l’époque où Kennedy fut assassiné).
Au cours des jours qui suivirent la débâcle de la baie des Cochons, Kennedy fut profondément soupçonneux à l’égard de la communauté des renseignements et des propositions d’escalade militaire en général, y compris dans des endroits comme le Sud-Vietnam. Kennedy chercha à se procurer une opinion experte de l’extérieur en ce qui concerne les questions militaires. Pour ce faire, il s’adressa à l’ancien commandant en chef du Théâtre du Sud-Ouest Pacifique au cours de la Seconde Guerre mondiale, le général Douglas MacArthur. Il y a presque dix ans, une source fiable partagea avec l’un des auteurs un compte rendu d’une réunion entre Kennedy et MacArthur au cours de laquelle le général retraité mit en garde le jeune président qu’il existait au sein du gouvernement américain des éléments qui ne partageaient absolument pas ses motivations patriotiques et qui cherchaient à détruire son administration de l’intérieur. MacArthur prévint que les forces enclines à détruire Kennedy étaient cantonnées surtout dans la communauté financière de Wall Street et ses divers tentacules dans la communauté des renseignements.
Personne n’ignore que Kennedy rencontra MacArthur fin avril 1961, après la baie des Cochons. Selon l’assistant de Kennedy, Theodore Sorenson, MacArthur dit à Kennedy : «Les poulets rentrent pour se faire rôtir et il se fait que vous êtes rentré en même temps qu’eux dans le poulailler. » (10) Lors de la même réunion, toujours selon Sorenson, « mit en garde [Kennedy] contre l’implication de fantassins américains sur le continent asiatique et le président n’oublia jamais ce conseil ».(11) Ce point est confirmé à regret par Arthur M. Schlesinger, un assistant de Kennedy qui avait un intérêt tout particulier à vouloir noircir MacArthur et qui écrivit que « MacArthur exprima son point de vue de toujours disant que si quelqu’un voulait impliquer les forces américaines sur la terre ferme [d’Asie], il ferait mieux de se faire examiner le cerveau ».(12) MacArthur ressortit ce même avis au cours d’une seconde réunion avec Kennedy lorsque le vieux général revint de son dernier voyage en Extrême-Orient en juillet 1961.
Kennedy avait une grande estime pour l’opinion militaire professionnelle de MacArthur, et il avait l’habitude de tenir à portée de main ces conseillers qui prônaient l’escalade au Laos, au Vietnam et partout ailleurs. A plusieurs reprises, il invita ceux qui proposaient de débarquer des forces en Asie de convaincre MacArthur que ce serait une bonne idée. S’ils parvenaient à convaincre MacArthur, alors, lui, Kennedy, pourrait lui aussi abonder dans leur sens. A l’époque, le groupe qui proposait l’escalade au Vietnam (en même temps qu’il préparait l’assassinat du président Diem) avait une lourde coloration Brown Brothers, Harriman/Skull and Bones : les faucons de 1961-63 s’appelaient Harriman, McGeorge Bundy, William Bundy, Henry Cabot Lodge et, de Londres, quelques oligarques clés et théoriciens des guerres de contre-insurrection. Et, naturellement, durant ces années, George Bush réclamait lui aussi l’escalade au Vietnam et défiait Kennedy de « faire preuve de courage » en tentant une seconde invasion de Cuba. Dans l’intervalle, le complexe de la station de Miami, la JM/WAVE, se développait rapidement pour devenir le plus important des nombreux satellites de Langley. Son centre était situé à l’ancienne station aéronavale de Richmond, au sud de Miami, qui avait été une base de reconnaissance contre les sous-marins pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les années qui suivirent l’échec de la baie des Cochons, le complexe comptait au moins 3.000 agents et sous-agents cubains, avec une petite armée de fonctionnaires pour les diriger et s’occuper de chacun d’eux. Selon un compte rendu, il y avait au moins 55 sociétés factices pour fournir de l’emploi, une couverture et un déguisement commercial à tous ces agents. Il y avait des agences de détectives, des magasins d’armes, des agences immobilières, des ateliers de réparation de bateaux et des bateaux de tourisme équipés pour la pêche et autres distractions. Il y avait la clandestine Radio Swan, plus tard rebaptisée Radio Americas. Il y avait des flottilles entières de bateaux spécialement modifiés basés à la Homestead Marina et dans d’autres marinas disséminées dans les cayes de Floride. Des agents avaient été mis en poste à l’université de Miami et dans d’autres institutions d’éducation.
La raison d'être des effectifs et équipements massifs commandés par Theodore Shackley s’appelait désormais l’opération Mongoose, un programme de raids de sabotage et d’assassinats devant être perpétrés sur le territoire cubain, avec un effort tout particulier pour éliminer Fidel Castro en personne. Afin de mener ces opérations à partir du sol américain, des violations flagrantes et répétées des lois fédérales et de l’Etat étaient devenues monnaie courante. Des documents concernant la création de sociétés étaient été falsifiés. Les returns des taxes sur le revenu étaient des faux. Les réglementations FAA étaient violées par des avions décollant pour Cuba ou des bases avancées aux Bahamas et ailleurs. On transportait des explosifs sur des grands-routes à gros trafic civil. Le Munitions Act (Loi sur les explosifs et munitions), le Neutrality Act (Loi sur la neutralité), les douanes et les services d’immigration étaient tout simplement foulées aux pieds.(13) Par-dessus tout, les lois sur les stupéfiants étaient violées massivement puisque les vaillants combattants anticommunistes remplissaient leurs navires et avions de narcotiques illégaux qu’ils ramenaient en fraude aux Etats-Unis à la suite de leurs missions. En 1963, les activités liées à la drogue des agents secrets commençaient à attirer l’attention. La JM/WAVE, en somme, accéléra le glissement de la Floride du Sud vers le statut de capital de la drogue et de l’assassinat des Etats-Unis, statut qui fut total dans les années 80, lorsqu’elle devint aussi célèbre que Chicago durant la Prohibition.
Cette étude ne peut avoir pour tâche ne serait-ce que de commencer à traiter les raisons pour lesquelles certains éléments de pointe de l’oligarchie financière anglo-américaine, agissant peut-être avec certaines formes de soutien de réseaux aristocratiques et néo-fascistes du continent européen, ont commandité l’assassinat de John F. Kennedy. Les Britanniques et les harrimaniens voulaient l’escalade au Vietnam et, à l’époque de son assassinat, Kennedy était engagé dans un renforcement des troupes américaines. Comme l’a montré son discours à l’Université américaine de 1963, Kennedy était également intéressé par la recherche d’une voie plus stable consistant à vouloir éviter la guerre avec les Soviétiques, se servant de la supériorité militaire américaine étalée lors de la crise cubaine des missiles pour convaincre Moscou d’accepter une politique de paix mondiale via le développement économique. Kennedy était intéressé par les possibilités de la défense stratégique anti-missiles de mettre un terme à ce cauchemar de destruction mutuelle assurée qui plaisait tant à Henry Kissinger, un ancien employé mécontent de l’administration Kennedy que le président avait dénoncé comme étant fou. Kennedy considérait des mouvements destinés à limiter, voire à abolir l’usurpation d’autorité sur la monnaie nationale de la part des intérêts de Wall Street et de Londres qui contrôlaient le Système de la Réserve fédérale (FRS). S’il était réélu pour un second mandat, Kennedy était susceptible de faire réaffirmer son contrôle présidentiel – bien distinct de celui de Wall Street – sur la communauté des services de renseignements. Il y a de bonnes raisons de croire que Kennedy aurait fini par déboulonner J. Edgar Hoover de son mandat auto-désigné à vie à la tête du FBI et que, pour la première fois en bien des années, il aurait soumis cette institution au contrôle présidentiel. Kennedy s’était engagé dans une expansion vigoureuse du programme spatial, dont l’impact culturel commençait tout doucement à alarmer les oligarques de la finance. Par-dessus tout, Kennedy agissait comme un homme qui pensait qu’il était président des Etats-Unis, violant ainsi la collégialité d’une administration oligarchique de cette charge qui avait été de mise depuis les derniers jours de Roosevelt. En outre, Kennedy avait deux frères cadets qui pouvaient lui succéder, mettant ainsi une présidence forte hors de portée, pendant des décennies, du contrôle de l’establishment libéral anglophile de la côté Est. George Bush rallia l’opposition harrimanienne à Kennedy pour toutes ces raisons.
Après l’assassinat de Kennedy à Dallas le 23 novembre 1963, on supposa que E. Howard Hunt et Frank Sturgis avaient tous deux été présents, peut-être même ensemble, à Dallas le jour de la fusillade, quoique la vérité de ces suppositions n’ait jamais été définitivement établie. Tant Hunt que Sturgis étaient des vétérans de la baie des Cochons qui, plus tard, allaient apparaître au beau milieu de la scène de Watergate. Il y eut également des allégations prétendant que les deux hommes faisaient partie d’un groupe de six à huit épaves que l’on découvrit dans des wagons sur les voies derrière la butte herbeuse à proximité de Dealey Plaza and qui furent emmenés et questionnés par la police de Dallas le jour de l’assassinat. Certains soupçonnèrent que Hunt et Sturgis avaient participé à l’assassinat. Certaines de ces allégations furent au centre de la célèbre affaire de diffamation de 1985 de Hunt contre le Liberty Lobby, et dans laquelle le jury fédéral de Floride condamna Hunt. Mais, puisque le département de la police de Dallas et le shérif du comté n’avaient jamais photographié ni pris les empreintes des « clochards » en question, il est demeuré impossible jusqu’à ce jour de résoudre ce problème. Mais ces allégations et théories sur la possible présence et les possibles activités de Hunt et Sturgis à Dallas furent suffisamment répandues pour pousser la Commission sur les Activités de la CIA sur le Territoire des Etats-Unis (la Commission Rockefeller) à tenter de les réfuter dans son rapport de 1975.(14)
La biographie officielle de George Bush nous le présente en 1963 comme un homme d’affaires prospère résidant à Houston, le PDG très occupé de la Zapata Offshore et le président de l’Organisation républicaine de comté de Harris, soutenant Barry Goldwater comme probable candidat du GOP (Great Old Party = Parti républicain) à la présidence pour 1964, alors qu’en même temps, il prépare activement son élection de 1964 au sénat américain. Mais, durant cette même période, Bush peut avoir eu comme relations certains personnages également connus de Lee Harvey Oswald.
Entre octobre 1962 et avril 1963, Lee Harvey Oswald et son épouse russe, Marina, avaient des contacts fréquents avec un couple d’émigrés russes vivant à Dallas : il s’agissait de George de Mohrenschildt et de son épouse Jeanne. Au cours de l’enquête de la Commission Warren sur l’assassinat de Kennedy, de Mohrenschildt fut longuement interrogé sur ses contacts avec Oswald. Quand, au printemps 1977, le discrédit jeté sur la Commission Warren pour ses dissimulations flagrantes eut suscité des pressions de la part de l’opinion publique rendant inévitables une nouvelle enquête sur l’assassinat de Kennedy, la Commission intérieure sur les Assassinats prévit une nouvelle interview de Mohrenschildt. Mais, en mars 1977, juste avant de fixer le rendez-vous de l’audition de Mohrenschildt par Gaeton Fonzi, de l’équipe de la Commission intérieure, l’homme fut retrouvé mort à Palm Beach, en Floride. On conclut rapidement au suicide. L’une des dernières personnes à l’avoir vu vivant était Edward Jay Epstein, qui avait également interviewé de Mohrenschildt sur l’assassinat en fonction d’un ouvrage à paraître. Epstein est l’un des écrivains sur l’assassinat de Kennedy à avoir bénéficié d’excellentes relations avec feu James Angleton, de la CIA. Si de Mohrenschildt vivait encore aujourd’hui, il serait en mesure de nous éclairer sur ses relations avec George Bush et, peut-être, de nous permettre d’y voir un peu plus clair dans les activités de Bush à cette époque.
Jeanne de Mohrenschildt rejeta la conclusion du suicide à propos de la mort de son mari. « Il a été éliminé avant de se présenter devant cette commission », déclara la veuve à un journaliste, en 1978, « parce que quelqu’un ne voulait pas qu’il y aille. » Elle prétendait également que George de Mohrenschildt avait subi à son insu des inoculations de substances altérant la volonté.(15) Après la mort de Mohrenschildt, on découvrit son carnet d’adresses personnel et il contenrait cette entrée : « Bush, George H.W. (Poppy) 1412 W. Ohio voir également Zapata Petroleum Midland. » Il y a naturellement un problème, celui de dater cette référence. George Bush avait quitté son bureau et son démocile de Midland pour s’installer à Houston en 1959, lorsque la Zapata Offshore fut fondée, de sorte qu’il est possible que cette référence renvoie à une époque antérieure à 1959. Il y a également le nombre « 4-6355 ». Il y a, bien sûr, de nombreuses autres entrées, y compris une mentionnant W.F. Buckley, des frères Buckley de Noew York City, William S. Paley de CBS, plus de nombreuses autres noms du monde du pétrole, des agents de change et autres personnages du même monde.(16)
George de Mohrenschildt raconta nombre de versions différentes de sa vie, de sorte qu’il est très malaisé d’établir les faits à son propos. Selon une version, il était le comte russe Sergheï de Mohrenschildt, mais lorsqu’il arriva aux Etats-Unis, en 1938, il portait un passeport polonais l’identifiant comme Jerzy Sergius von Mohrenschildt, né à Mozyr, en Russie, en 1911. En fait, il peut avoir été un officier polonais, ou un correspondant de l’Agence polonaise d’Informations, ou ni l’un ni l’autre. Pendant quelque temps, il travailla pour l’ambassade de Pologne à Washington, DC. Certains prétendent que de Mohrenschildt rencontra le président de la Humble Oil, Blaffer, et que ce dernier lui procura un emploi. D’autres sources affirment qu’à l’époque, de Mohrenschildt faisait partie du département de la Guerre. Selon certains comptes rendus, il travailla plus tard pour le Deuxième Bureau français, qui voulait être tenu au courant des exportations de pétrole des Etats-Unis vers l’Europe.
En 1941, de Mohrenschildt s’associa à un certain baron Baron Konstantin von Maydell dans une entreprise d’affaires publiques appelée « Facts and Film » (Faits et cinéma). Maydell était considéré comme un agent nazi par le FBI et, en septembre 1942, il fut envoyé dans le Dakota du Nord pour un internement qui allait durer quatre ans. On prétend également que de Mohrenschildt était en contact avec des réseaux japonais, à l’époque. En juin 1941, il fut interrogé par la police à Port Arthur, au Texas, pour avoir été soupçonné d’espionnage après avoir été surpris à dessiner des schémas des installations du port. Au cours de l’année 1941, de Mohrenschildt avait postulé pour un poste à l’US Office of Strategic Services (OSS – Bureau des services stratégiques). Selon le compte rendu officiel, il ne fut pas embauché. Peu de temps après avoir introduit cette demande, il se rendit au Mexique où il demeura jusqu’en 1944. Durant la dernière année de son séjour, il changea son nom définitivement en de Mohrenschildt, renonçant à la version allemande « von » Mohrenschildt, et il commença à étudier en vue d’une maîtrise en ingénierie pétrolière à l’université du Texas. Selon certaines sources, au cours de cette période, il y eut contre de Mohrenschildt une enquête du Bureau des Renseignements navals en raison de sympathies communistes supposées. Après la guerre, de Mohrenschildt travailla comme ingénieur pétrolier à Cuba et au Venezuela et, à Caracas, il rencontra à plusieurs reprises l’ambassadeur de l’URSS. Au cours des années d’après-guerre, il travailla également au site pétrolier de Rangely, dans le Colorado. Dans les années 50, après avoir épousé Winifred Sharpless, la fille d’un magnat pétrolier, de Mohrenschildt fut actif comme entrepreneur pétrolier indépendant.
En 1957, de Mohrenschildt était accepté par le Bureau de Sécurité de la CIA pour être embauché comme géologue du gouvernement pour une mission en Yougoslavie. A son retour, il était interrogé par un certain J. Walter Moore, du Service de Contact interne de la CIA, avec qui il resta en contact. Au cours de l’année 1958, de Morhenschildt visita le Ghana, le Togo, le Dahomey; en 1959, il visita à nouveau l’Afrique et rentra en passant par la Pologne. En 1959, il épousait Jeanne, sa quatrième épouse, une ancienne ballerine et dessinatrice de mode née en Mandchourie, où son père avait été l’un des directeurs des Chemins de fer de la Chine orientale. Au cours de l’été 1960, George et Jeanne de Mohrenschildt racontèrent à leurs amis qu’ils allaient embarquer pour un périple de 11.000 milles le long des pistes indiennes, depuis le Mexique jusqu’en Amérique centrale. L’une de leurs principales destinations était le Guatemala City, où ils se trouvaient à l’époque de l’invasion de la baie des Cochons, en avril 1961, après quoi ils se rendirent à Panama avant de s’envoler pour Haïti, où ils passèrent deux mois. Ils rentrèrent ensuite à Dallas, où ils entrèrent en contact avec Lee Harvey Oswald, qui était revenu aux Etats-Unis après son séjour en URSS en juin 1962. A l’époque, de Mohrenschildt fréquentait aussi l’amiral Henry C. Bruton et son épouse, chez qui il introduisit les Oswald. L’amiral Brujton était l’ancien directeur des communications navales et il avait supervisé une modernisation complète et une réorganisation des moyens utilisé par la marine pour rester en contact avec navires, avions, missiles, sous-marines et autres.
Il est prouvé qu’entre octobre 1962 et la fin avril 1963, de Mohrenschildt fut un personnage très important dans l’existence d’Oswald et de son épouse russe. En dépit du manque de d’élégance sociale dont souffrait Oswald, de Mohrenschildt l’introduisit dans la société de Dallas, l’emmena à des soirées, l’aida à trouver du travail, et bien d’autres choses encore. Ce fut par le biais de Mohrenschildt qu’Oswald rencontra un certain Volkmar Schmidt, un jeune géologue allemand qui avait étudié avec le professeur Wilhelm Kuetemeyer, un expert en médecine psychosomatique et en philosophie religieuse de l’université de Heidelberg et qui avait dressé un profil psychologique détaillé d’Oswald. Jeanne et George aidèrent Marina à déménager ses affaires durant l’une de ses nombreuses brouilles avec Oswald. Selon certains comptes rendus, l’influence de Mohrenschildt sur Oswald fut si grande durant cette période qu’il pouvait quasiment dicter des décisions importantes au jeune ex-marine simplement en lui faisant des suggestions. Oswald avait peur de Mohrenschildt, prétendaient certains.
Selon d’autres versions, de Mohrenschildt était conscient de la tentative supposée d’Oswald, le 19 avril 1963, d’assassiner le général de droite bien connu Edwin Walker. Selon Marina, de Mohrenschildt demande une fois à Oswald, « Lee, comment as-tu pu manquer le général Walker ? » Le 19 avril, George et Jeanne de Mohrenschildt se rendirent à New York City et, le 29 avril, le Bureau de la Sécurité de la CIA estima qu’il n’avait pas d’objection à ce que de Mohrenschildt accepte un contrat avec le régime de Duvalier à Haïti dans le domaine du développement des ressources naturelles. Il s’avère que de Mohrenschildt est parti pour Haïti le 1er mai 1963. Pendant ce temps, Oswald avait quitté Dallas et faisait route vers la Nouvelle-Orléans.
Selon Mark Lane, « il y a des preuves que de Mokrenschildt servait en tant qu’officier de contrôle de la CIA dirigeant les actions d’Oswald ». Une grande partie de la nombreuse littérature publiée sur de Mohrenschildt converge vers l’idée qu’il servait de baby-sitter, de mentor, d’officier d’intendance ou d’agent de contrôle d’Oswald pour le compte de quelque service de renseignements.(17) Le pedigree de Mohrenschildt évoque des parallèles obsédantes avec les personnages typiques des réseaux Permindex de Georges Mandel, Ferenc Nagy, Max Hagerman, Max Seligman, Carlo d'Amelio, Lewis Mortimer Bloomfield et Clay Shaw, sur qui l’attention publique fut attirée durant les enquêtes du district attorney de la Nouvelle-Orléans, James Garrison.
Il est de ce fait des plus intéressants que le nom de George Bush ait figuré dans le carnet d’adresses personnel de George de Mohrenschildt. La Commission Warren perdit un temps absurdement long pour couvrir le fait que George de Mohrenschildt était un habitué du monde des services de renseignements. Ceci comprenait le fait d’avoir négligé le procès d’intentions très développé prétendant que de Mohrenschildt était un sympathisant nazi et communiste et, plus tard, qu’il était un agent américain à l’étranger. La Commission Warren conclut :
« L’enquête de la Commission n’a permis de découvrir aucun signe de conduite subversive ou déloyale de la part d’aucun des deux de Mohrenschildt. Ni le FBI, ni la CIA, ni aucun témoin contacté par la Commission n’ont fourni la moindre information reliant les de Mohrenschildt à des organisations subversives ou extrémistes. Il n’y a pas eu de preuve non plus les reliant de quelque façon que ce soit à l’assassinat du président Kennedy. » (18)
Le jour de l’assassinat de Kennedy, les archives du FMI montrent George Bush faisait un rapport à propos d’un membre de droite des Jeunes Républicains de Houston pour avoir fait des commentaires menaçants à l’endroit du président Kennedy. Selon les documents du FBI livrés conformément à la Loi sur la liberté de l’information,
« Le 22 novembre 1963, Mr GEORGE H.W. BUSH, 5525 Briar, Houston, Texas, a fait savoir par téléphone qu’il voulait relater certain bruit qu’il avait entendu ces dernières semaines, date et source inconnues. Il a mentionné qu’un certain JAMES PARROTT avait parlé de tuer le président lorsqu’il viendrait à Houston.
Il est possible que ce PARROTT soit un étudiant à l’université de Houston et il milite en politique dans la région de Houston. »
Selon la documentation du FBI sur la question, « une vérification avec les services secrets à Houston, Texas, révéla que l’agence avec un rapport disant qu’en 1961, PARROTT avait déclaré qu’il tuerait :le président Kennedy s’il pouvait s’en approcher ». Ici, Bush est décrit comme un « homme d’affaires honorables ». Des agents du FBI furent envoyés pour interroger la mère de Parrott et, plus tard, James Milton Parrott en personne. Celui-ci avait été réformé de l’US Air Force pour des raisons psychiatriques en 1959. Il avait un alibi valable le couvrant au moment même de la fusillade de Dallas : il était en compagnie d’un autre militant républicain. Selon les comptes rendus de presse, Parrott était membre de la faction de droite du GOP de Hosuton qui était orienté vers la John Birch Society, laquelle s’opposa à la présidence de Bush.(19) Selon le San Francisco Examiner, le bureau de presse de Bush aurait d’abord dit, en août 1988, que Bush n’avait pas lancé ce genre d’appel et qu’il mettait en doute l’authenticité des documents du FBI. Plusieurs jours plus tard, le porte-parole de Bush dit que le candidat « ne se souvenait pas » d’avoir adressé ce genre d’appel.
Le lendemain qu’il avait dénoncé Parrott au FBI, Bush reçut un briefing très senti et de haute teneur du Bureau :
Date : 29 novembre 1963
A : Directeur
Bureau de Renseignements et de Recherches
Départementd’Etat
De : John Edgar Hoover, Directeur
Sujet : ASSASSINAT DU PRESIDENT JOHN F. KENNEDY, 22 NOVEMBRE 1963
Le 29 novembre 1963, notre Bureau de Miami, Floride, a fait savoir que le Bureau du coordinateur des Affaires cubaines à Miami avait déclaré que le Département d’Etat estime que l’un ou l’autre groupe anti-castriste mal inspiré pourrait tirer parti de l’actuelle situation et entreprendre un raid non autorisé contre Cuba, croyant que l’assassinat du président John F. Kennedy pourrait annoncer un changement dans la politique américaine, ce qui est faux.
Nos sources et informateurs familiers des questions cubaines de la zone de Miami sont d’avis que le sentiment général dans la communauté cubaine anti-castriste est un sentiment d’incrédulité abasourdie et, même parmi ceux qui n’étaient pas entièrement d’accord avec la politique du président concernant Cuba, le sentiment est que la mort du président représente une grande perte, non seulement pour les Etats-Unis, mais également pour toute l’Amérique latine. Ces sources ne sont au courant d’aucun plan d’action non autorisée contre Cuba.
Un informateur qui a fourni des informations fiables dans le passé et qui est proche d’un groupuscule pro-castriste à Miami a déclaré que ces individus craignent que l’assassinat du président n’aille déboucher sur des mesures répressives sévères contre eux et, quoique pro-castristes dans leurs sentiments, ils déplorent cet assassinat.
La substance des informations ci-dessus a été fournir oralement à M. George Bush de la CIA et au capitaine William Edwards de la DIA (Defence Intelligence Agency), le 23 novembre 1963, par M. W.T. Forsyth de notre Bureau.
William T. Forsyth, décédé depuis, était un fonctionnaire du quartier général du FBI à Washington. A l’époque où il était attaché à la section du Bureau chargée du contrôle de la subversion, il avait dirigé l’enquête concernant le Révérend Martin Luther King. Participa-t-il également au harcèlement du Dr King ? Les efforts des journalistes pour localiser le capitaine Edwards sont demeurés vains.
Ce document du FBI qui identifie George Bush comme un agent de la CIA en novembre 1963 fut publié pour la première fois par Joseph McBride dans The Nation en juillet 1988, juste avant que Bush se fasse désigner par les Républicains comme candidat à la présidence. La source de McBride faisait remarquer : « Je sais que [Bush] était impliqué dans les Caraïbes, je sais qu’il était impliqué dans la suppression de certaines choses après l’assassinat de Kennedy. Il y avait un très net sentiment d’inquiétude que certains groupes cubains n’aillent agir contre Castro et tenter d’en rejeter le blâme sur la CIA. » (20) Lorsqu’il fut pressé de confirmer ou d’infirmer la chose, le porte-parole de Bush, Stephen Hart, fit le commentaire suivant : « Il doit s’agir d’un autre George Bush. » En un court laps de temps, la CIA elle-même allait colporter la même information visant à limiter les dégâts. Le 19 juillet 1988, suite au grand intérêt du public pour le rapport publié dans The Nation, la porte-parole de la CIA, Sharron Basso, se départit de la ligne de conduite habituelle de la CIA qui consistait à refuser de confirmer ou d’infirmer les rapports établissant qu’une personne était ou avait été employée à son service. La porte-parole de la CIA, Basso, déclara à l’Associated Press que la CIA croyait que « l’information devait être clarifiée ». Elle ajouta que le document du FBI faisait « apparemment » référence à un George William Bush qui avait travaillé en 1963 dans l’équipe de nuit du Quartier Général de la CIA et que « ç’aurait été l’endroit approprié pour avoir reçu un tel rapport du FBI ». Selon son compte-rendu, le George William Bush en question avait quitté la CIA pour rallier la DIA en 1964.
Que la CIA daigne donner le nom de ses anciens employés à la presse constituait une violation choquante des méthodes traditionnelles, censées normalement garder de tels noms comme secrets. Cette révélation peut avoir constitué une violation de la loi fédérale. Mais aucun effort n’était assez grand quand il s’agissait de limiter les dégâts au profit de George Bush.
Bien sûr que George William Bush avait travaillé pour la CIA, la DIA et pour le Département de la Santé publique d’Alexandria, en Virginie, avant de rejoindre l’administration de la Sécurité sociale, où il travailla au bureau d’Arlington, en Virginie, comme représentant des revendications, en 1988. George William Bush déclara à The Nation que, lorsqu’il était à la CIA, il n’était « qu’un chercheur et analyste de niveau subalterne » qui travaillait avec des documents et des photos et ne recevait jamais de briefings entre agences. Il n’avait jamais rencontré Forsyth du FBI ni le capitaine Edwards de la DIA. « Ainsi donc, ce n’était pas moi », déclara George William Bush.(21)
Plus tard, George William Bush donna forme à ses réfutations dans une déclaration sous serment devant un tribunal fédéral, à Washington, DC. L’affidavit reconnaît qu’alors qu’il travaillait aux quartiers généraux de la CIA, entre septembre 1963 et février 1964, George William Bush était le moins gradé d’une équipe de garde de trois ou quatre personnes qui était en service lorsque Kennedy fut assassiné. Mais, comme ajoute George William Bush :
« J’ai soigneusement relu le mémorandum du FBI adressé au directeur du Bureau de Renseignements et de Recherches du Département d’Etat, daté du 29 novembre 1963, qui fait mention d’un certain M. George Bush de la Central Intelligence Agency. (…) Je ne reconnais pas le contenu du mémorandum comme étant une information qu’on m’a transmise, verbalement ou sous autre forme, à l’époque où j’étais à la CIA. En fait, durant mon passage à la CIA, je n’ai reçu aucune communication verbale de quelque institution gouvernementale que ce soit et de quelque nature que ce soit. Je n’ai reçu du FBI aucune information relative à l’assassinat de Kennedy pendant le temps que j’ai passé à la CIA.
En m’appuyant sur ce qui précède, je conclus que je suis pas le M. George Bush de la CIA auquel fait référence le mémorandum. ».(22)
Ainsi, nous demeurons avec, sur les bras, un net soupçon que le « M. George Bush de la CIA » auquel fait allusion le FBI est bien notre George Herbert Walker Bush qui, outre son possible contact avec le contrôleur de Lee Harvey Oswald, pourrait également rallier les rangs des personnes qui ont organisé l’occultation autour de l’assassinat de Kennedy. Il est parfaitement concevable que George Bush soit interrogé sur une question impliquant la communauté cubaine de Miami, puisque c’est un endroit où George a traditionnellement eu une circonscription électoral, l’ayant héritée de son père Prescott Bush de Jupiter Island, avant de la refiler à son propre fils, Jeb.
NOTES
1- Joseph McBride, « George Bush, CIA Operative (GB, agent de la CIA) », The Nation, 16 juillet 1988.
2- Georgie Anne Geyer, Guerilla Prince (Prince de la guérilla), Boston, Little, Brown, 1991. 3- Felix Rogriquez, Shadow Warrior (Combattant de l’ombre), New York, Simon and Shuster, 1989. 4- A propos de Pluto, voir l’étude est-allemande de Guenter Schumacher, Operation Pluto, Berlin, Deutscher Militaerverlag, 1964. 5- E. Howard Hunt, Give Us This Day (Accordez-nous ce jour), New Rochelle, Arlington House, 1973, p.214. 6- Secret Agenda. 7- Pour l’Opération Zapata, voir Michael R. Beschloss, The Crisis Years: Kennedy and Khrushchev, 1960-63 (Les années de crise : Kennedy et Khouchtchev, 1960-63), New York, Edward Burlingame Books, 1991, p.89. 8- Pour les noms des navires de la baie des Cochons, voir Quintin Pino Machado, La Batalla de Giron (La bataille de Giron), La Havane, Editorial de Ciencias Sociales, 1983, pp.79-80. Cette source site un navire comme étant le Barbara J. Voir également Schumacher, Operation Pluto, pp.98-99. Voir également Peter Wyden, Bay of Pigs, The Untold Story (La baie des Cochons, l’histoire cachée), New York, Simon and Shuster, 1979, qui parle également du Barbara J. Selon Quintin Pino Machado, le Houston avait été rebaptisé l’Aguja (Espadon) et le Barbara leBarracuda pour cette circonstance.
9- Howard Hunt, Give Us This Day, pp.13-14.
10- Theodore Sorenson, Kennedy, New York, Bantam, 1966, p.329. 11- Sorenson, Kennedy, p.723. 12- Arthur M. Schlesinger, A Thousand Days (Mille jours), Boston, 1965, p.339. 13- Voir Warren Hinckle et William W. Turner, The Fish is Red (Le poisson est rouge), New York, Harper and Row, 1981, p.112 ff. 14- Report to the President by the Commission on CIA Activities Within the United States (Rapport au Président par la Commission sur les activités de la CIA à l’intérieur des Etats-Unis), Washington: US Goverment Printing Office, 1975, pp.251-267. 15- Jim Marrs, "Widow disputes suicide(La veuve conteste le suicide)", Fort Worth Evening Star-Telegram, 11 mai 1978.
16- Une photocopie du carnet d’adresses de George de Mohrenschildt est conservée au Centre d’arc-hives et de recherche sur l’assassinat, à Washington, DC. L’entrée sur Bush est également citée dans Mark Lane, Plausible Denial (Refus plausible), New York, Thunder's Mouth Press, 1991, p.332.
17- Pour de Mohrenschildt, voir Mark Lane, Plausible Denial; Edward Jay Epstein, Legend: The Secret World of Lee Harvey Oswald (Une légende : le monde secret de L.H.O.), Londres, Hutchinson, 1978; C. Robert Blakey et Richard N. Billings, The Plot to Kill the President (Le complot pour tuer le président), New York, Times Books, 1981; et Robert Sam Anson, « They've Killed The President! (Ils ont tué le président), New York, Bantam, 1975.
18- Rapport de la Commission Warren sur l’assassinat du président Kennedy, New York, Bantam, 1964, p.262.
19- Miguel Acoca, « FBI: 'Bush' called about JFK killing (FBI : Bush cité à propos de l’assassinat de JFK) », San Francisco Examiner, 25 août 1988.
20- Joseph McBride, « ‘George Bush,' CIA Operative (‘GB’, agent de la CIA) », The Nation, 16-23 juillet 1988, p.42.
21- Joseph McBride, « Where Was George? (Où donc était George ?) », The Nation, 13-20 août 1988, p.117.
22- Le Tribunal de District des Etats-Unis pour le District de Columbia, Action civile GHR, Centre d’archives et de recherches contre la CIA, affidavit de George William Bush, 21 septembre 1988.
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mercredi 2 avril 2014
Saga Bush - Chapitre 08- Le gang du « Bassin permien »
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