mercredi 2 avril 2014

Saga Bush - Chapitre 09/ Papa Bush au Sénat



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Saga Bush - Chapitre 09/ Papa Bush au Sénat

 Chapitre IX - Bush défie Yarborough dans la course au Sénat

La tentative avortée de Bush de déloger le sénateur démocrate du Texas, Ralph Yarborough, en 1964, est un sujet d’un intérêt primordial pour toute personne cherchant à sonder les sources et fondements de la pensée politique réelle de George Bush. Dans une société qui ne connaît rien de sa propre histoire politique récente, les événements d’il y a un quart de siècle pourraient être considérés comme éloignés et sans importance. Mais comme nous passons en revue le profil de la campagne sénatoriale de Bush en 1964, ce que nous voyons apparaître, c’est la mentalité caractéristique qui règne sur le Bureau ovale, aujourd’hui. Les principaux traits sont tous là : l’obsession récurrente du problème de la race, exemplifiée dans l’amer rejet par Bush de la loi sur les droits civiques devant le Congrès, au cours de ces mois, la fureur génocidaire dans les questions étrangères, avec des propositions de bombardement nucléaire du Vietnam, une invasion de Cuba et un rejet des négociations pour la restitution du canal de Panama, le réflexe autonomiste consistant à vouloir briser les syndicats exprimé dans la rhétorique du « droit au travail », l’hymne à la libre entreprise aux dépens des fermiers et des personnes moins nanties, avec le tout emballé dans des programmes de télévision et des efforts publicitaires habiles et démagogiques.
Au cours de cette course au Sénat, Bush adopta la coloration d’un Républicain  de type Goldwater. Il reste hautement significatif que Bush a commencé sa carrière politique publique sous le déguisement idéologique d’un Républicain sudiste, particulièrement au Texas. Le Parti républicain, au Texas, avait connu une éclipse totale depuis l’époque de la Reconstruction, avec les membres du GOP (Great Old Party, autrement dit le parti républicain) de l’Etat se plaignant de vivre dans un Etat à parti unique. Au cours des années 50, la popularité personnelle d’Eisenhower et la visibilité croissante des banquiers ultra-gauchistes de Wall Street dans ce cercle des partisans d’Adlaï Stevenson commencèrent à donner aux Républicains texans quelques ouvertures. En 1952 et 1956, le gouverneur démocrate du Texas, Allan Shivers, soutint Eisenhower qui remporta les élections texanes, chaque fois avec une majorité substantielle. En 1960, le Texas avait donné ses votes à Kennedy, bien que la marge de la victoire démocratique eût été si mince qu’elle avait constitué un problème de poids pour le candidat à la vice-présidence de Kennedy, le sénateur du Texas et chef de la majorité démocrate Lyndon B. Johnson. Mais Nixon avait remporté la victoire à Houston et dans le comté de Harris, qui se révéla la zone métropolitaine la plus importante soutenant l’accession de l’équipe Nixon-Lodge cette année. En 1960, les Républicains texans engrangèrent leur plus important succès en un siècle avec John Tower, élu au Sénat américain sur une plate-forme qui annonçait le mouvement de Goldwater. On demanda un jour à Tower s’il y avait un seul programme législatif domestique de John F. Kennedy qu’il pouvait soutenir, et sa réponse fut qu’il n’en voyait aucun. C’est le même Tower qui allait s’allier à Edmund Muskie et Brent Scowcroft au début 1987 pour concocter l’absurde blanchiment de l’affaires des contras iraniens, lequel blanchiment allait innocenter Bush et attribuer la responsabilité principale au chef d’état-major de la Maison-Blanche, Don Regan, provoquant ainsi son éviction. Ce fut le même Tower, dont la nomination par Bush au poste de secrétaire à la Défense allait avorter sur l’accusation d’alcoolisme et de harcèlement sexuel. Cette éviction allait être suivie par la mort de Tower dans un mystérieux accident d’avion, au début 1991.
Le Parti démocrate du Texas, à cette époque, se divisa en deux ailes qui se combattirent lors des primaires démocrates, ce qui, au Texas, équivalait souvent à des élections pures et simples. L’une de ces ailes était appelée libérale et elle était surtout incarnée par l’adversaire de Bush, le sénateur Ralph Yarborough. Le terme « libéral », ici, est très mal choisi : il conviendrait plutôt de dire « populiste », mais d’un populisme ennobli par le rafraîchissement du système américain classique du 19e siècle qui eut lieu au Texas durant la mobilisation de Franklin D. Roosevelt en vue de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les politiques de relance dirigiste sortirent l’économie texane d’une stagnation qui avait ses racines dans l’échec de la reconstruction d’après 1865. Les thèmes forts de ces démocrates populistes étaient l’éducation et l’infrastructure – une bonne première approximation des préoccupations réelles du gouvernement, à l’époque.
L’autre aile était appelée conservatrice et elle était regroupée autour de personnages comme Allan Shivers et le protégé de LBJ, John Connally, avec qui Bush eut toute une histoire de périodes de conflit et de moments de rapprochement. LBJ lui-même était proche du groupe Shivers- Connally. La figure typique, ici, c’est Connally, le gouverneur qui fut blessé à Dallas, Plaza Dealey, le jour où Kennedy fut assassiné et qui, plus tard, allait poursuivre son chemin pour rallier l’administration Nixon en tant que secrétaire au Trésor qui, le 15 août 1971, à Camp David,  approuva l’abolition des normes de Bretton Woods datant d’après 1944. Par la suite, Connally poussa la logique à ne pas seulement devenir un républicain, mais, en outre, un candidat républicain à la présidence et de s’accrocher une ou deux fois avec George Bush dans les neiges du New Hampshire, en 1979-80.
Le Parti démocrate du Texas comprenait également toute une armée de personnalités d’importance nationale dont les traits positifs font partie de ce qui fut perdu dans la descente vers la crise actuelle : appelez-les populistes, appelez-les le « post-New Deal » ou le « post-Fair Deal », mais ne vous méprenez pas sur le fait qu’ils furent meilleurs que leurs successeurs pour le pays : c’étaient des hommes politiques comme le légendaire président de la Chambre, Sam Rayburn, le congressiste Wright Patman de la Commission bancaire de la Chambre, qui fut une source d’irritation populiste continuelle pour la communauté bancaire de New York, et Tom Clark, qui fut attorney général sous Truman et qui, plus tard, poursuivit sa carrière à la Cour suprême des Etats-Unis et dont le fils, Ramsay Clark s’est distingué par sa dénonciation des crimes de guerre du régime Bush lors de la guerre du Golfe de 1991. Une génération ultérieure de ce même cercle fut représentée par l’ancien président de la Chambre, Jim Wright, qui fut harcelé au point d’être démis de ses fonctions au cours de la première année de l’investiture présidentielle de George Bush, et par le congressiste Henry Gonzalez. Ce dernier se profile comme l’un des très rares anciens démocrates populistes texans restés élus à ce jour. Gonzalez a rendu un nouveau lustre à la tradition rebelle honorée par le temps aujourd’hui, en proposant un projet de loi d’empêchement contre Ronald Reagan, suite aux révélations sur les contras iraniens de 1986 et, plus récemment, en soumettant un projet de loi d’empêchement contre George Bush pour sa conduite illégale dans l’opération Bouclier du Désert, et en élevant sa voix d’abord au Congrès pour la cause de l’humanité contre le génocide, avec un appel à lever les sanctions économiques contre l’Irak afin d’empêcher la mort inutile de centaines de milliers d’enfants, après que la campagne de bombardements eut été terminée. Et il en est encore resté d’autres, dans la même tradition, qui occupent des positions influentes importantes : par exemple, le congressiste Jack Brooks, du 9e district du Texas, le président particulièrement piquant et remuant de la Commission judiciaire de la Chambre, qui osa assigner à comparaître l’attorney général Thornburgh devan,t sa commision avec un ducis tecum des documents du vol au département de la Justice de softwares informatiques, dans le cadre de l’affaire Inslaw.
L’un des projets permanents de la vie de George Bush a été l’éviction, précisément, de ce groupe populiste et parfois dirigiste de démocrates, ou leur remplacement par des idéologues républicains de la « libre entreprise », ou des démocrates financiers de la race des Lloyd Bentsen.
Les démocrates populistes du Texas et de l’Oklahoma doivent être distingués de leurs collègues du vieux Sud de la Georgie, de l’Alabama et du Mississippi. Mais, pour l’establishment libéral de l’Est, il s’est avéré plus pratique de les mettre tous dans le même sac, sous l’image bien entretenue d’un président de commission du Congrès aux allures racistes, noyé dans le bourbon et conspirant dans des salles empestées de fumée de cigare en vue de défier la volonté populaire, comme l’ont exprimé toutes les chaînes de télévision. Tous les démocrates du Sud de la vieille école avaient tendance à afficher des faiblesses paralysantes sur le problèmes racial et sur la question de l’élimination des syndicats. Mais, sur l’autre page du grand livre, nombre de démocrates sudistes avaient une excellente compréhension de l’infrastructure dans le sens le plus large : améliorations internes tels autoroutes, canaux, projets hydrographiques, électrification rurale, éducation publique accessible et de qualité, services de santé, construction de centrales électriques.
Les républicains naissants des années 50 et 60, par contraste, étaient généralement aussi mauvais, même pires, que les démocrates sur ces questions de race et de travail. Et ils étaient au même niveau des fanatiques de la mystification du « libre marché » à la Adam Smith, au point que toute implication gouvernementale dans le maintien des infrastructures, des soins de santé et de l’éducation fut abandonnée. Le seul point positif laissé à certains de ces républicains sudistes en devenir, comme ceux qui suivirent Barry Goldwater en 1964, était un rejet patriotique des machinations de l’establishment libéral de l’Est tel qu’il était incarné par le gouverneur de l’Etat de New York, Nelson Rockefeller. Bush était bien évidemment un homme à la Goldwater, à cette époque, comme nous le verrons plus loin. Mais puisque Bush était lui-même un organe de ce même establishment libéral de l’Est, il était extrêmement privé de la grâce rédemptrice.
L’entreprise dans laquelle nous trouvons Bush engagé désormais, la création d’un parti républicain dans les Etats du Sud au cours des années 60 (y compris le prétendu « Texas à deux partis » d’après 1961) s’est avérée une catastrophe historique. Afin de créer un parti républicain dans le Sud, il était d’abord nécessaire de mettre en l’air la vieille coalition constituante du New Deal de Franklin D. Roosevelt entre le travail, les villes, les fermiers, les noirs et le Sud profond. Voici comment Bush se plaint de cet état de choses dans son autobiographie de campagne :

« L’Etat était solidement démocratique et la fidélité des Texans ‘au parti de nos pères’ devint encore plus forte même durant les années difficiles de la Dépression. La ligne de campagne des Démocrates dans les années 30 disait que les ‘Républicains de Hoover’ étaient responsables du chômage et des saisies des fermes; de Franklin D. Roosevelt et du Parti démocrate, on disait qu’il étaient les seuls amis que le peuple avait. » (1) 

Mais en ce qui concerne George Bush, tout ceci n’avait rien de conséquent : « Philosophiquement, j’étais républicain… » (2) Après que Bush eut annoncé sa candidature pour le siège de Yarborough, les vieux écrivains politiques de la capitale de l’Etat, Austin, secouèrent la tête : Bush avait « deux crois à porte – se présenter comme républicain et ne pas être un Texan de souche ». (3)
La méthode que les républicains du Sud mirent au point pour briser ce front solide fut la même qui fut théorisée des années plus tard par Lee Atwater, le directeur de la campagne présidentielle de Bush en 1988. C’était la technique des « questions coins », ainsi appelées précisément parce qu’elles étaient choisies pour diviser la vieille coalition du New Deal en utilisant les burins de l’idéologie. Les « questions coins » sont également appelées les « questions sociales à bouton brûlant » (hot-button social issues), et les plus explosives, parmi celles-ci, ont toujours eu tendance à être des questions raciales. Les républicains pouvaient remporter les élections dans le Sud en dépeignant le Parti démocrate comme pro-noirs. Atwater avait appris à se conduire comme un praticien avisé et vicieux de la méthode de la « question coin » à l’école de Strom Thurmond, en Caroline du Sud, après que ce dernier fut passé dans le camp républicain dans les années 60. Les invectives racistes, la démagogie antisyndicale, le chauvinisme le plus débridé, les calomnies sur les adversaires pour leur loyauté supposée à des « intérêts particuliers » - rien de tout cela n’était neuf dans les efforts de Baker-Atwater en 1968. Telle était la panoplie disponible en stock de la stratégie sudiste, et toutes ces méthodes étaient des leitmotive dans l’effort de Bush, en 1964, contre Yarborough.
De la position avantageuse des conditions d’Etat policier existant au début des années 90, nous pouvons discerner une implication plus grande encore du projet républicain sudiste dont, à plusieurs moments des années 60, Bush fut une figure de proue agissante. Quand le GOP sudiste émergea du jeu de gang et de contre-gang entre les banquiers d’investissements du type libéraux de gauche mcgoverniens et les banquiers d’investissements de type libéraux de droite nixono-reaganiens (et Bush, lui, fit partie des deux), il donna les coudées franches à cette stratégie sudiste qui élut Nixon en 1968 et qui a permis aux républicains le verrouillage virtuel du collège électoral depuis lors. L’anomalie Watergate-Carter de 1976 confirme plutôt qu’elle n’altère cette image générale. 
La stratégie sudiste dont il s’avère que Bush l’a suivie dans les années 60 n’allait être portée à l’attention du public que peu après l’élection de 1964 au cours de laquelle Goldwater engendra des suffrages exclusivement dans le Sud. Comme l’écrivait William Rusher dans The National Review : « Durant des années, les démocrates avaient entamé chaque course avec une cargaison certaine de délégués du Sud. » ‘La stratégie du parti républicain », prétendait Rusher, « a besoin d’un repartage, s’ils veulent avoir une chance de s’intercaler dans ce bloc qui naguère leur était refusé. » Sa conclusion était que « les Républicains pouvaient se mettre en position d’avoir le bloc sudiste comme handicap de départ et, après cela, ils peuvent concourir pour le reste du pays, n’ayant plus besoin que de 50% moins (disons) 111 [des votes du collège électoral]. » Faire tout cela, ajoutait Rusher avec mépris, permettrait aux candidats républicains à la présidence d’ignorer les « centres traditionnels du libéralisme urbain », spécialement dans le Nord-Est.(4) Ces idées furent peaufinées encore par le brain-trust de Richard Nixon, lequel était présidé par le juriste lié à Wall Street John Mitchell, 445 Park Avenue, et elles reçurent leur mise en forme définitive avec Kevin Phillips qui, au cours de ces années, avança la thèse disant que « tout le secret de politique » réside dans le fait de « savoir qui déteste qui », ce qui, naturellement, est une autre manière de parler des questions coins.
Les résultats de l’application réussie de la stratégie sudiste en, 1968 et au cours des années suivantes a été une période de plus de deux décennies de contrôle républicain à parti unique sur la Branche exécutive, dont George Bush, personnellement, a été le bénéficiaire, d’abord via ses multiples désignations, et ensuite via la vice-présidence et, aujourd’hui, via la possession de la Maison-Blanche elle-même. Ceci eut pour conséquence structurelle décisive de rendre possible le genre de pouvoir bureaucratique permanent, figé, que nous voyons dans le régime de Bush et dans ses hauts fonctionnaires de pointe. Comme nous le verrons, des administrateurs de l’Etat devenu société, comme James Baker et Brent Scowcroft, pour qui l’exercice du pouvoir exécutif est devenu depuis longtemps un mode de vie habituel, apparaissent à leurs propres yeux et aux yeux d’autrui à l’abri de toute forme de jugement populaire. La république démocratique requiert un moment de   catharsis durant lequel on évince les gens usés, si l’arrogance des puissants a besoin d’être tempérée. S’il n’y a pas de perspective de changement de direction à la Maison-Blanche, cela revient à vivre au sein d’un Etat à parti unique. Le parti républicain du Sud, y compris le Texas à deux partis, a fourni le verrouillage républicain de la Maison-Blanche, lequel s’est avéré un stimulus puissant pour ces tendances vers le gouvernement autoritaire, voire totalitaire qui a culminé par le fascisme administratif de l’actuel régime Bush.
L’adversaire de Bush en cette année Goldwater que fut 1964 était le sénateur Ralph Webster Yarborough. Yarborough était né à Chandler, Texas en 1903, septième de onze enfants. Il frésuenta les écoles publiques de Chandler et Tyler, travailla dans une ferme, et poursuivit en suivant les cours de la Sam Houston State Teachers College et, durant une année, ceux de l’Académie militaire américaine de West Point. Il fut membre de la 36e division de la Garde Nationale du Texas, au sein de laquelle il monta en grade, passant de simple soldat à sergent. Après la Première Guerre mondiale, il travailla à bord d’un cargo pour se payer le voyage en Europe et trouva du travail en Allemagne, dans les bureaux de la Chambre américaine de Commerce à Berlin. Il poursuivit également des études à Stendahl, en Allemagne. Il retourna aux Etats-Unis pour décrocher une diplôme en droit de l’université du Texas, en 1927 et travailla comme avocat à El Paso. A un moment, il trouva du travail comme manœuvre aux moissons dans la zone semi-aride de l’Oklahoma, à la fin des années 20, et travailla également un bout de temps comme ouvrier du pétrole. Il entra dans les services publics en tant qu’attorney général adjoint du Texas de 1931 à 1934. Après cela, il fut le directeur fondateur de la Lower Colorado River Authority, un grand projet hydrographique du centre du Texas, et il fut ensuite élu comme juge de district à Austin.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Yarborough servit dans les forces terrestres de l’armée américaine et fut membre de la seule division qui prit part à l’occupation d’après-guerre de l’Allemagne ainsi que dans l’administration MacArthur au Japon. Quand il quitta l’armée en 1946, il avait atteint le grade de lieutenant-colonel. Il apparaît clairement au survol de la carrière de Yarborough qu’il ne devait ses victoires et défaites qu’à lui-même, essentiellement, que, pour lui, il n’y eut pas de Prescott Bush pour lui assurer des lignes de crédit ou pour lui procurer d’importants postes sur un simple coup de fil à quelques gros pontes de réseaux maçonniques.
Yarborough avait défié Allan Shivers dans la course au poste de gouverneur en 1952 et il avait subi une défaite. Deux autres tentatives successives pour le siège de l’Etat à Austin s’étaient avérées tout aussi infructueuses pour Yarborough, en 1954 et 1956. Ensuite, lorsque le sénateur (et ancien gouverneur) Price Daniel avait démissionné de son siège, Yarborough fut finalement. vainqueur d’une élection spéciale. Il avait ensuite été réélu pour la Sénat pour un mandat complet en 1958.
Yarborough se distingua tout d’abord par l’ampleur de ses votes au profit des droits civiques. A peine quelques mois après être entré au Sénat, il était l’un des cinq sénateurs sudistes (y compris LBJ) à voter pour ce tournant qu’allait être la loi des droits civiques de 1957. En 1960, il était l’un des quatre sénateurs du Sud – une fois de plus, y compris LBJ – à émettre un vote en faveur de la Loi sur les Droits civiques de 1960. Et il allait être le seul sénateur des onze Etats composant jadis les Etats Confédérés d’Amérique à voter pour la loi des droits civiques de 1964, la plus radicale depuis la Reconstruction. Il s’agit de la loi qui, comme nous le verrons, fournit à Bush les munitions de l’un des principaux thèmes de ses attaques électorales en 1964. Plus tard, Yarborough allait être l’un des trois sénateurs sudistes à soutenir la Loi sur les Droits de vote de 1985 et l’un des quatre à soutenir la loi sur l’accessibilité des logements.(5)
Après que Yarborough eut quitté le Sénat, ses ennemis amers du Dallas Morning News se sentirent obligés d’admettre que « son nom est probablement attaché à plus de législation qu’aucun autre sénateur dans l’histoire du Texas ». Yarborough était devenu le président de la Commission sénatoriale sur le Travail et l’Assistance publique. Ici, ses références furent l’infrastructure, l’infrastructure sous la forme de l’éducation et l’infrastructure sous la forme d’améliorations physiques.
Dans le domaine de l’éducation, Yarborough fut soit l’auteur soit le partisan de pointe de quasiment toute pièce importante de législation allant se muer en loi entre 1958 et 1971, y compris neuf lois majeures. En tant que sénateur frais émoulu, Yarborough fut le coauteur de la Loi nationale de défense de l’éducation de 1958, qui fut à la base de l’aide fédérale à l’éducation, et particulièrement à l’enseignement supérieur.
Selon les dispositions du NDEA, un quart de million d’étudiants furent en mesure à tout moment de suivre une formation de préparation à l’université grâce à des emprunts à faible intérêt et autres avantages. Pour les étudiants universitaires, il y eut des bourses de trois ans qui payaient les cours et les minervals plus des allocations pour les dépenses vitales et ce, pour un montant de 2200, 2400 et 2600 dollars pour les trois années. Il s’agissait d’une somme importante, à cette époque. Yarborough appuya aussi des projets de lois en faveur de l’éducation médicale, la construction de classes de collège, l’éducation professionnelle, l’aide aux handicapés mentaux et les équipements de bibliothèques. Le projet de loi sur l’éducation bilingue fournit des fonds fédéraux spéciaux à des écoles comptant de grands nombres d’étudiants originaires de contextes non anglophones. Certains de ces points furent mis en évidence par Yarborough au cours d’un discours de campagne tenu le 18 septembre 1964 et intitulé « L’éducation supérieure dans ses relations avec son objectifs nationaux ».
En tant que président de la sous-commission des vétérans, Yarborough rédigea le projet de loi sur les droits des GI durant la guerre froide, qui cherchait à étendre les allocations accordées aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée et qui devait être appliqué au militaires en service entre janvier 1955 et le 1er juillet 1965. Pour ces vétérans, Yarborough proposait une assistance à la réinsertion, des formations universitaires et professionnelles et une assistance sous forme de prêt afin de permettre aux vétérans de s’acheter une maison ou une ferme à un taux d’intérêt maximal de 5,25% par an. Ce projet fut finalement adopté après des années d’efforts soutenus de la part de Yarborough contre l’opposition des présidents Eisenhower, Kennedy et Johnson. Yarborough contribua à obtenir une prolongation de cinq ans de la loi Hill-Burton, qui fournissait 4.000 lits de plus aux hôpitaux de l’Administration des Vétérans. En ce qui concerne les améliorations topographiques, Yarborough soutint des aménagements en faveur de la navigation côtière. Il se battit pour obtenir 20 millions de dollars pour l’Administration de l’Electrification rurale dans les comtés de la seule zone de Corpus Christi. Dans onze comtés de cette partie du Texas, Yarborough avait contribué à obtenir des facilités fédérales pour 4,5 millions de dollars et des prêts de 64 millions de dollars dans le cadre du programme accéléré de projets de l’administration Kennedy en vue de fournir l’eau potable et des réseaux d’égouts pour des villes et communes qui, autrement, n’auraient jamais pu se les offrir. A propos de son engagement vis-à-vis de ce genre d’infrastructure, Yarborough eut le commentaire suivant au cours d’un dîner à Corpus Christi : « Voici les projets ainsi que les programmes pour les canaux de navigation, les barrages et les réservoirs, le contrôle des ouragans et des inondations, programmes qui amènent littéralement par milliers chaque année des délégations de fonctionnaires de la ville, de membres des tribunaux de comtés, des membres des administrations des rivières et plans hydrographiques en vue d’une aide que l’on a toujours attribuées et jamais refusée. » Yarborough poursuivit : « Alors que nos efforts et nos réalisations n’obtiennent pas la publicité qui conviendrait (…) on constate une satisfaction allant au-delà des simples applaudissements lorsqu’une petite ville dénuée de système d’approvisionnement d’eau a été en mesure de fournir à ses habitants, pour la première fois, l’eau et l’égouttage (…), lorsque le cours d’une rivière a été augmenté un peu afin de sauver les récoltes d’un fermier, lorsqu’une grand-route facilite de nouvelles possibilités commerciales. »(6) Dans le domaine de la politique pétrolière, toujours vitale au Texas, Yarborough tenta de donner à l’industrie tout ce à quoi elle pouvait raisonnablement s’attendre, et plus encore. Malgré ceci, il fut implacablement détesté par de nombreux cercles d’affaires. En bref, Ralph Yarborough s’engagea réellement dans la justice raciale et économique et il fut, l’un dans l’autre, parmi les meilleurs hommes que le Parti démocratique de l’après-New Deal eut à proposer. Certes, il y eut des faiblesses : l’une des principales fut d’avoir dévié dans la direction de l’écologisme. Ici, Yarborough fut le premier à afficher une démarche visant à soutenir la loi sur les espèces en danger.
Bush s’installa à Houston en 1959, emmenant avec lui les quartiers généraux de la société Zapata Offshore. Houston était de loin la plus grande ville du Texas, c’était le centre des sièges de sociétés des firmes s’occupant du pétrole. Elle abritait également le siège de la société juridique Baker and Botts qui allait effectivement fonctionner comme composante du réseau familial Bush, puisque Baker and Botts étaient les avocats qui avaient traité les affaires des intérêts ferroviaires des Harriman dans le Sud-Ouest. Comme avocat de premier plan à Houston, à l’époque, il y avait James Baker III, un descendant de la famille indissociable du nom de la Baker and Botts, mais lui-même était partenaire d’une autre société en raison de la prétendue règle d’anti-népotisme qui empêchait les enfants des partenaires de la Baker and Botts de rallier la firme elle-même. Bush n’allait pas tarder à fricoter avec Baker et d’autres représentants de l’oligarchie de Houston, des familles Hobby et Cullen, au Petroleum Club et dans les fêtes champêtres organisées lors des étés chauds, tropicaux et humides. George, Barbara et leurs enfants emménagèrent dans une nouvelle demeure, à Briar Drive (allée des Bruyères).
A moins d’une heure en voiture, au sud de Houston, se trouve Galveston, un port sur le golfe du Mexique. Houston elle-même est reliée au golfe par un canal maritime qui a permis à la ville de devenir un port important de son propre chef. Au-delà de Galveston, il y avait le golfe et, au-delà du golfe, les Grandes Antilles, avec Cuba planté au milieu de l’archipel et, au-delà de Cuba, le Guatemala, le Nicaragua, Grenade, cibles des flibustiers tant aujourd’hui que jadis.
Il ne fallut pas attendre longtemps pour que Bush milite au sein du parti républicain du comté de Harris, lequel était en train de devenir l’un des solides bastions du GOP dans l’appareil étatique mis en place à l’époque par Peter O'Donnell, le président des républicains de l’Etat, et son associé Thad Hutcheson. A l’époque, George Bush était déjà millionnaire lui-même et, étant donné ses excellentes relations à Wall Street, il n’était pas surprenant de le retrouver dans le comité financier de GOP du comté de Harris, une fonction qu’il avait déjà assumée à Midland au profit des listes de candidats Eisenhower-Nixon en 1952 et 1956. Il était également membre de la commission des candidats.
En 1962, les démocrates se préparaient à nominer John Connally pour le poste de gouverneur, et le GOP du Texas, sous O’Donnel, était en mesure de monter une affiche plus formidable qu’auparavant, en vue de la Chambre de l’Etat à Austin. Le candidat républicain était Jack Cox, un militant du parti qui se profilait à droite. Bush accepta la fonction de coprésident pour le comté de Harris du comité financier « Jack Cox au poste de gouverneur ». Lors de l’élection au poste de gouverneur de 1962, Cox obtint 710.000 voix, un résultat étonnamment élevé. Connally fut élu gouverneur et c’est en cette qualité qu’il était présent dans le cortège motorisé de Kennedy, à Dallas, le 22 novembre 1963.
Au cours de ces années, le GOP du Texas subissait l’influence importante de la John Birch Society, qui avait pris de l’ampleur dans les années 50 grâce à la direction et au financement de Robert Welch. Le républicanisme libéral de l’administration Eisenhower, qui comptait en ses rangs des personnages aussi influents que Prescott Bush, Nelson Rockefeller, Gordon Gray, et Robert Keith Gray, avait apporté de l’eau au moulin de la John Birch Society. En réaction contre ce libéralisme de Wall Street, les gens de la Birch proposaient une idéologie de protestation impuissante et négative reposant sur un chauvinisme infatué dans les affaires étrangères et les mystifications du libre marché intérieur. Mais ils étaient très méfiants à l’égard des cliques financières du bas Manhattan et, pour ce faire, ils pouvaient compter sur la présence de George Bush.
Bush ne cesse de se plaindre des indignités dont il a souffert aux mains de ces Birchiens, avec qui il essayait pourtant d’avoir tellement de choses en commun. Mais il y rencontra des frustrations répétées du fait que son pedigree de l’establishment libéral de l’Est était toujours présent. Dans son autobiographie de campagne, Bush se plaint de ce que de nombreux Texans pensaient que le Redbook Magazine, publié par son beau-père Marvin Pierce, de la McCall Corporation, était une publication officielle du Parti communiste.
Bush raconte un périple de campagne dans le Panhandle texan en compagnie de son assistant Roy Goodearle, périple au cours duquel il travaillait une foule lors d’un de ses « barbecues politiques » typiques, avec bouffe et bière gratuites. Bush refila une de ses cartes de visite à un homme qui admit qu’il avait déjà entendu parler de lui, mais ajouta prestement qu’il ne pourrait jamais le soutenir. Bush pensa que c’était parce qu’il faisait campagne comme républicain. « Mais », comprit alors Bush, « le fait que j’étais républicain n’était pas ce qui ennuyait le gar. C’était quelque chose de pire que cela. » L’interlocuteur de Bush était décontenancé par le fait que la Zapata Offshore avait des investisseurs originaires de l’Est. Mais quand Bush répliqua en geignant que toutes les compagnies pétrolières avaient des investisseurs originaires de l’Est, son tourmenteur lui fit remarquer que l’in des principaux contributeurs de la campagne de Bush, un éminent attorney de Houston, était non seulement un « fils de pute », mais également un membre du Conseil new-yorkais des Relations extérieures.
Bush expliques, avec le gémissement de son larynx passant à la vitesse supérieure : « Le message, c’était que dans l’esprit de plusieurs électeurs, le Conseil des Relations extérieures n’était rien d’autre un outil du Monde unique de la conspiration internationaliste entre les communistes et Wall Street et, pour encore corser l’affaire, l’avocat de Houston avait également travaillé pour le président Eisenhower – un outil bien connu des communistes, aux yeux de certains membres de la John Birch. » Une explication supplémentaire est ensuite ajoutée dans une note de bas de page : « Une décennie et demie plus tard, en vue des présidentielles, je rencontrai certaines personnes politiquement du même genre lors de ma campagne. A ce moment-là, ils avaient éventé une conspiration politique encore plus sinistre que celle du Conseil des Relations extérieures – la Commission trilatérale, un groupe que le président Reagan avait reçu à la Maison-Blanche en 1981. » Ceci comprenait la révélation de l’affiliation de Bush non seulement à la trilatérale de Rockefeller, mais également aux Skull and Bones, au sujet desquels Bush se refuse toujours à faire le moindre commentaire, Lorsque Ronald Reagan et d’autres candidats soulevèrent cette question, Bush finissait de perdre les primaires du New Hampshire et, par la même occasion, son espoir d’accéder à la présidence en 1980. Bush, en bref, avait été conscient dès le début des années 60 que le fait de prêter sérieusement attention à son pedigree oligarchique lui fait perdre les élections. Sa réponse fut donc de chercher à déclarer hors limites ces matières très importantes et de commander de sales trucs et autres opérations secrètes contre ceux qui persistent à vouloir en faire un problème.(7)
 Une partie de l’influence de la Birch Society à cette époque était due au soutien et au financement accordé par la dynastie Hunt de Dallas. En particulier, le pétrolier fabuleusement riche, H.L. Hunt, l’un des hommes les plus riches du monde, était un avide sponsor de propagande de droite qu’il produisait sous l’appellation de LIFE LINE (ligne de vie). En une occasion au moins, Hunt appela Bush à Dallas au cours d’une des campagnes politiques de Bush au Texas. « Il y a quelque chose que j’aimerais vous donner » ; dit Hunt à Bush. Bush apparut avec un empressement remarquable et Hunt engagea avec lui une lingue conversation sur de nombreux sujets, mais ne fit allusion ni à la politique ni à l’argent. Finalement, comme Bush se préparait à prendre congé, Hunt lui tendit une épaisse enveloppe brune. Bush ouvrit avec curiosité l’enveloppe en espérant vraiment qu’elle contiendrait une grosse somme en liquide. Ce qu’il y trouva en lieu et place, c’était une épaisse liasse de LIFE LINE destinée à son remodelage idéologique.(8)
C’est dans ce contexte que George Bush, pétrolier médiocre, fortifié par ses relations de Wall Street et des Skull and Bones, mais sans pour ainsi dire de qualifications visibles, et à peine connu au Texas en dehors d’Odessa, de Midland et de Houston, décida qu’il avait atteint un calibre sénatorial. dans l’Empire romain, l’appartenance au Sénat était un attribut héréditaire de la classe des familles patriciennes. Prescott Bush havait quitté le Sénat au début janvier 1963. Avant que l’année fût terminée, George allait exprimer ses prétentions. Comme le sénateur Yarborough allait le dire plus tard dans un commentaire, l’affaire allait se muer en un acte de témérité.
Au printemps 1963, Bush se mit à réunir une base institutionnelle pour sa campagne. Le véhicule choisi allait être la présidence républicaine du comté de Harris, la zone entourant Houston, bastion du GOP texan. Bush avait participé à l’organisation du comté de Harris depuis 1960.
Un dimanche matin, Bush invita plusieurs militants républicains du comté à son domicile de Briar Drive. Etait présent Roy Goodearle, un jeune pétrolier indépendant qui, avant que Barbara Bush ne se l’approprie, se faisait attribuer le surnom de « Silver Fox » (renard argenté) sur la scène de Washington. Etaient également présents Jack Steel, Tom et Nancy Thawley, et quelques autres.
Goodearle, agissant sans doute comme avocat de la faction Bush, tiont à cette réunion un discours sur les dangers posés par les sectaires de la John Birch Society pour les perspectives d’avenir du GOP à Houston et ailleurs. Pendant le lunch préparé par Barbara Bush, Goodearle brossa un tableau de la situation tactique dans l’organisation du comté de Harris : une faction birchienne sous la direction du sénateur d’Etat Walter Mengdon, quoique minoritaire, était en train d’émerger en tant que puissante opposition interne du parti contre les libéraux et les modérés. Dans le dernier vote de désignation du dirigeant du GOP pour le comté, le candidat birchien avait été défait de justesse. Aujourd’hui, après trois années de présidence, le président plus modéré du comté, James A. Bertron, allait annoncer le 8 février 1963 qu’il ne pouvait plus exercer les fonctions de président du comité exécutif républicain du comté de Harris. Sa démission, allait-il déclarer, était « rendue nécessaire par le fait que j’ai négligé mes propres affaires pour vaquer à mes occupations politiques ».(9) Sans aucun doute, cela arrangeait-il passablement Bush dans la perspective de que ce dernier préparait.
Bertron démissionnait pour déménager en Floride. En 1961, il avait assisté à une réunion républicaine de collecte de fonds à Washington, DC, lorsqu’il avait été accosté par un homme qui n’était autre que le sénateur Prescott Bush, qui l’avait pris à part et lui avait demandé :« Jimmy, quand vas-tu te décider à engager George ? » « Sénateur, je fais tout ce que je peux », avait répondu Bertron, évidemment avec une certaine vexation, « c’est ce que nous essayons tous. »(10) En 1961 ou à toute autre époque, il est très douteux que George Bush eût pu trouver sa voie vers le salon des hommes sans l’aide d’un informateur payé par le sénateur Prescott Bush.
Goodearle poursuivit en racontant aux républicains réunis que si un « candidat fort » n’entrait pas en lice tout de suite, un Birchien serait susceptible de remporter le poste de président du comté. Mais afin de battre les Birchiens zélés et bien organisé, ajouta Goodearle, un anti-Birchien aurait à entreprendre une campagne éreintante, parcourir le pays et faire des discours chaque soir face aux fidèles du parti et ce, pendant plusieurs semaines. Ensuite, sur l’insistance de Goodearle, le groupe réuni se tourna vers Bush : pouvait-il encore s’empêcher de se porter candidat ? Selon ses propres dires, il ne fallut pas une seconde à Bush pour se décider et il accepta sur-le-champ.
Et c’est ainsi que George et Barbara se mirent en route pour leur première campagne dan ce que Bush allait appeler plus tard « un autre apprentissage ». Alors que Barbara s’occupait de faire de la tapisserie afin de rester éveillée tout au long d’un discours qu’elle avait entendu à plusieurs reprises, George pondait tout un baratin sur les vertus du système bipartite et sur les avantages d’avoir une alternative républicaine pour l’establishment profondément enraciné de Houston. En effet, sa plate-forme proposait un avant-goût de la stratégie sudiste. Bientôt, les observateurs locaux remarquèrent que Barbara était à même de se faire accepter comme camarade de campagne des volontaires républicains, outre le fait qu’elle était estimée en tant qu’épouse d’un candidat nanti.
Quand ce fut le moment de désigner le président pour le comté, le candidat adversaire de Bush, Russell Prior, se retira de la course pour des raisons qui n’ont pas été expliquées de façon satisfaisante, permettant ainsi à Bush d’être élu à l’unanimité par le comité exécutif. Depuis lors, gagner sans opposition a toujours été du goût de Bush au cours des élections : c’est de la même manière qu’il retourna à la chambre pour son second mandat en 1968, et les propagandistes de Bush jouèrent avec une approche similaire lors des élections présidentielles de 1992.
A l’époque de sa désignation, George, qui avait 38 ans, n’était pas exactement connu de tout le monde, même à Houston. En annonçant sa victoire, le Houston Chronicle publia la photo d’une personne tout à fait différente, libellée comme étant « George Bush », l’homme qui voulait « aiguiser le parti afin de lui donner plus de tranchant pour le boulot important qui l’attendait en 1964 » - c’est-à-dire en vue de la campagne de Goldwater vers la présidence.(11) En tant que président du comté, Bush était libre de désigner les responsables du GOP local. Certains de ces choix ne sont pas sans rapport avec le cours futur de l’histoire mondiale. Au poste de conseiller du parti, Bush désigna William B Cassin, de la firme juridique Baker and Boots, Shepherd and Coats. Comme assistants à la présidence, il désigna Anthony Farris, Gene Crossman, Roy Goodearle, et comme directeur exécutif, William R. Simmons. A ne pas négliger non plus le choix d’Anthony J.P. « Tough Tony » Farris. Il avait été canonnier à la marine à bord de bombardiers en piqué et de torpilleurs pendant la guerre et, plus tard, avait obtenu un diplôme à la faculté de droit de l’université de Houston, pour ensuite ouvrir un cabinet juridique en droit général dans l’immeuble Sterling dans la ville basse de Houston. Le « P » de son nom voulait dire Perez, et Farris fut une locomotive de la communauté mexicano-américaine et de ses « Amigos for Bush » dans nombre de campagnes. Farris était un candidat malchanceux au Congrès mais, plus tard, il fut récompensé par l’administration Nixon, qui lui offrit le poste d’attorney des Etats-Unis à Houston. Ensuite, Farris fut élu à la cour du comté de Harris en 1980. Lorsque l’ancien partenaire d’affaires et copain permanent de George Bush, J. Hugh Liedtke, de la Pennzoil, attaqua Texaco en justice pour préjudices dans la fameuse affaire de la Getty Oil, en 1985, c’est le juge Tough Tony Farris qui présida la plupart du temps le procès et qui sortit les principales régulations en vue d’accorder la plus grosse indemnité de dommages et intérêts de l’histoire, à savoir la somme incroyable de 11.120.976.110 dollars et 83 cents, entièrement au bénéfice du grand copain de Bush, J. Hugh Liedtke.(12)
Le 21 mars, Bush raconta dans le Houston Chronicle que le GOP du comté de harris était « conservateur » et non pas « extrémiste ». « Le parti républicain dans le passé – et parfois à juste titre – a été lié, dans l’esprit du public, à une forme d’extrémisme », déclarait Bush.« Nous ne le sommes nullement ou, du moins, la plupart d’entre nous ne sommes pas des extrémistes. Nous sommes simplement des gens responsables. » Bush assura que son message serait le même dans tout le pays et qu’il « allait dire la même chose à River Oaks que dans l’East End, ou à Pasadena ».
Dans le même temps qu’il s’emportait contre l’extrémisme, Bush forçait l’appareil de son parti à monter l’offensive du projet de Houston en faveur de Goldwater. Le but de cet effort était de collecter 100.000 signatures pour Goldwater et de demander un dollar à chaque signataire pour remplir les caisses du GOP. « Une excellente façon pour ceux qui soutiennent Goldwater – comme moi – de le faire connaître », estimait le président Bush. Bush inculqua un esprit partisan – on pourrait même dire vindicatif – dans le quartier général du GOP du comté : le Houston Chronicle du 6 juin 1963 rapporte que les militants du GOP s’amusaient à lancer des fléchettes contre des baudruches accrochées en face d’une photographie du vice-président Johnson. Bush déclara au Chronicle « J’ai vu l’incident. Cela ne m’a pas choqué. C’était tout bêtement un gag. »
Mais les efforts de Bush en faveur de Goldwater n’étaient pas universellement appréciés. Au début juin, Craig Peper, le secrétaire d’alors au comité des finances du parti, se dressa lors d’une réunion du parti et attaqua les responsables du mouvement du projet Goldwater, y compris Bush, et les traita « d’extrémistes de droite ». Bush n’avait pas exclu le moindre Birchien, mais il n’allait certes pas permettre de telles attaques de la part de son aile gauche. Et c’est ainsi que Bush exclut Peper, exigeant sa démission à l’issue d’une réunion en faveur de Goldwater au cours de laquelle Bush s’était vanté d’être « à 100% pour le mouvement du projet Goldwater ».
Quelques semaines après avoir éjecté Peper, Bush y alla d’une de ses premières déclarations publiques sous forme d’une page face éditorial dans le Houston Chronicle du 28 juillet 1963. Concernant les récents problèmes organisationnels, il se plaignit de ce que l’organisation du comté était « affligée de certains critiques au martini dry qui parlent et ne travaillent pas ». Ensuite, en conformité avec la doctrine de sa famille et sa propre obsession dominante, Bush embraya sur la question de la race. En tant que conservateur, il avait à déplorer le fait que les« nègres » « pensent que conservatisme signifie ségrégation ». Rien ne pouvait être plus éloigné de la vérité. C’était plutôt le résultat de la propagande crapuleuse que les gens des relations publiques républicaines n’avaient pas suffisamment réfutée : « Primo, ils tentent de nous présenter comme des racistes. Le parti républicain du comté de Harris n’est pas un parti raciste. Nous n’avons pas présenté notre histoire aux nègres du comté. Notre échec à attirer l’électeur nègre n’est pas dû au fait que notre philosophie est raciste, mais il est plutôt la résultante du fait que nous notre organisation n’a pas ratissé tout le pays. »  Quelle était, dans ce cas, la ligne du GOP sur la question raciale ? « Nous croyons dans la prémisse de base selon laquelle le nègre, individuellement, abandonne la dignité et la liberté mêmes pour lesquelles il se bat lorsqu’il accepte de l’argent en échange de son vote ou lorsqu’il obéit aux dictats de vote massif de l’un ou l’autre patron démocrate qui ne pourrait faire moins attention à la qualité des candidats qu’il pousse. » Ainsi, le GOP allait essayer de séparer l’électeur noir des démocrates. Bush admettait : « Nous avons une dure bataille à livrer ici. »
Après ces déclarations sur la race, Bush poursuivait alors sur le front des syndicats. Le soutien de Yarborough par le monde du travail était excessivement fort et Bush ne perdit pas de temps à assaillir l’Etat que représentait l’AFL-CIO et son Comité sur l’Education politique (COPE) qui s’ingéniaient à aider Yarborough dans sa course. Pour Bush, cela signifiait que l’AFL-CIO ne soutenait pas le « système bipartite ». « On produit tout un baratin pour inciter les affiliés du syndicat à aider à l’élection de Yarborough » - accusait-il – « bien avant même que l’adversaire de Yarborough soit connu. »
Durant cette période, Bush s’exprima également sur les affaires étrangères. Il exigea que le président Kennedy « montre le courage » d’entreprendre une nouvelle attaque contre Cuba.(13)
Avant d’annoncer sa candidature au Sénat, Bush décida de prendre ce qui, rétrospectivement, allait s’avérer une police d’assurance très importante pour la suite de sa carrière politique. Le 22 avril, Bush, bénéficiant du soutien du président des Républicains de l’Etat, Peter O’Donnell, introduisit une requête auprès de la cour fédérale demandant le réajustement proportionnel des districts de Congrès de la zone de Houston. La requête prétendait que les électeurs urbains du comté de Harris étaient partiellement privés de leur droit de représentation par un système qui favorisait les électeurs ruraux et elle demandait comme solution que l’on redessine un nouveau district de Congrès dans la zone. « Ceci n’est pas un problème partisan », commentait Bush, à l’esprit très civique. « C’est quelque chose qui intéresse tous les citoyens du comté de Harris. » Plus tard, Bush allait obtenir gain de cause, avec cette requête et cela allait donner lieu à un ordre de redistribution du district par le tribunal et donner ainsi naissance au 7e District de Congrès, émanant surtout des circonscriptions que Bush s’était arrangé pour remporter lors de la course au Sénat de 1964. S’agissait-il là de la main invisible des Skull and Bones ? Ceci signifierait également qu’il n’y aurait aucun titulaire enraciné, aucun bénéficiaire de quelque sorte que ce soit dans ce 7e District lorsque Bush allait s’y amener pour proposer sa candidature en 1966. mais, pour ce qui nous concerne ici, cela fait encore partie du futur.
Le 10 septembre 1963, Bush annonça sa campagne en vue du Sénat des Etats-Unis. Il était pleinement appuyé par l’organisation républicaine de l’Etat et par son président, Peter O’Donnell, qui, selon certains comptes rendus, avait encouragé Bush à se présenter. Le 5 décembre, Bush avait en outre annoncé qu’il avait l’intention de démissionner comme secrétaire du comté de Harris et de se consacrer à une campagne à plein temps dans tout l’Etat, campagne qui allait démarrer très tôt en 1964. A ce point, la principale préoccupation stratégique de Bush s’avère avoir été l’argent – le gros argent. Le 19 octobre, le Houston Chronicle y allait d’un commentaire disant que l’éviction de Yarborough allait coûter quasiment 2 millions de dollars « si on voulait faire les choses proprement ». La plupart de cet argent allait se retrouver dans les caisses de la firme de publicité Brown and Snyder, de Houston, pour des télévisions et des panneaux d’affichage. En 1963, il s’agissait d’une somme considérable, mais le copain de Bush, C. Fred Chambers, pétrolier lui aussi, s’engagea à les réunir. Au cours de ces années, Chambers semble avoir été l’un des plus proches amis de Bush et il reçut l’extrême apothéose en voyant l’un des chiens de la famille Bush appelé comme lui, en son honneur.(14)
Il est impossible d’établir, rétrospectivement, combien Bush dépensa pour cette campagne. Des fichiers sur les finances des campagnes au niveau de l’Etat existent, mais ils sont fragmentaires et sous-évaluent grossièrement l’argent qui fut engagé en réalité.
En ce qui concerne les échanges de la campagnes, Bush et ses contacts furent confrontés à la configuration suivante : il y avait trois compétiteurs pour la nomination républicaine au Sénat. La concurrence la plus forte vint de Jack Cox, le pétrolier de Houston qui s’était présenté pour le poste de gouverneur contre Connally en 1962 et dont la renommée au niveau national dépassait de loin celle de Bush. Cox allait se positionner à la droite de Bush et il allait recevoir l’appui du général Edwin Walker, qui avait été obligé de démissionner de son commandement dans l’infanterie en Allemagne en raison des discours radicaux qu’il adressait aux troupes. Ancien démocrate, on prétendit que Cox était soutenu financièrement par les Hunt de Dallas. Cox fit campagne contre les soins de santés, l’aide fédérale à l’éducation, la guerre contre la pauvreté et la perte de la souveraineté américaine au profit des Nations unies.
En compétition contre Cox, il y avait le Dr Milton Davis, un chirurgien de la cage thoracique de Dallas dont on s’attendait qu’il fût le candidat le plus faible mais dont les positions étaient peut-être les plus distinctes. Morris était partisan qu’il ne fallait « pas de traités avec la Russie », il prônait l’abrogation de l’impôt sur les revenus et la « cession de la propriété industrielle excédentaire du gouvernement, comme la TVA et les REA (taxes sur les biens immobiliers) » - ce que, plus tard, les administrations Reagan et Bush allaient appeler privatisation.
En concurrence avec Bush pour les conservateurs moins militants, il y avait l’avocat de Dallas, Robert Morris, qui recommandait de priver la Cour suprême américaine de sa juridiction d’appel dans les affaires de prières en classe.(15) Afin d’éviter un humiliant départage de deuxième tour dans les primaires, il était impératif que Bush remporte la majorité absolue lors du premier tour. Pour le faire, il devait d’abord en découdre avec Cox sur le terrain de la droite, et ensuite se déplacer vers le centre après les primaires afin de rafler les votes que Yarborough était susceptible de recevoir là.
Mais il y eut également des primaires pour Yarborough, dans le camp démocratique. Ce fut Gordon McLendon, le propriétaire d’une chaîne de radio, le Liberty Broadcasting System, qui était grevé de dettes. Le principal créancier de Liberty Broadcasting n’était autre que le banquier Roy Cullen, de Houston, un copain de Bush. Le nom de Roy Cullen apparaît, par exemple, en compagnie d’autres bushiens pur sucre comme W.S. Farrish III, James A. Baker III, C. Fred Chambers, Robert Mosbacher, William C. Liedtke, Jr., Joseph R. Neuhaus, et William B. Cassin dans une publicité en faveur de la campagne de Bush parue dans un exemplaire du Houston Chronicle daté de fin avril 1964. Finalement, lorsque McLendon fut déclaré en faillite, on découvrit qu’il devait à Roy Cullen plus d’un million de dollars. Ainsi, peut-être n’est-il pas surprenant que la campagne de McLendon fonctionna comme une aide aux propres efforts de Bush. McLendon se fit une spécialité de couvrir Yarborough de boue à propos de l’affaire Billie Sol Estes et ce fut d’ailleurs à cette question que McLendon consacra la majeure partie de son temps de parole et de son budget médiatique.     

A cette époque, Billie Sol Estes était connu pour sa condamnation pour avoir fraudé le gouvernement américain d’importantes sommes d’argent dans une arnaque impliquant une accumulation de produits chimiques dont il s’avéra qu’ils n’existaient même pas. Billie Sol faisait partie du milieu politique de LBJ. Comme le scandale Estes prenait de l’ampleur, un rapport fit son apparition établissant qu’il avait effectué au profit de Yarborough le paiement de 50.000 dollars le 6 novembre 1960. Mais, plus tard, après une enquête en profondeur, le département de la Justice avait sorti une déclaration déclarant que les charges impliquant Yarborough étaient « sans fondement aucun, en fait, et qu’elles n’étaient étayées par aucun témoignage crédible ». « L’affaire est close », avait tranché le département de la Justice. Mais cela n’empêcha pas Bush d’utiliser la question sans réserve : « Je n’ai pas l’intention de calomnier [Yarborough] à propos d’une affaire comme celle de Billie Sol Estes puisque les relations entre Yarborough et Estes sont une simple question d’archives que tout le monde peut vérifier », déclara Bush.« [Yarborough va] devoir prouver aux électeurs du Texas que ses relations avec Billie Sol Estes étaient aussi fortuites qu’il ne le prétend. »(16) Dans un communiqué émis le 24 avril, Bush déclara qu’il « accueille favorablement l’assistance de Gordon McLendon, l’adversaire de Yarborough aux primaires, dans sa tentative de forcer le sénateur en place à répondre ». Bush ajouta qu’il avait l’intention de « taper sur Yarborough tout au long de la campagne » « jusqu’à ce que j’obtienne quelque chose qui ressemble à) une réponse ».

L’autre accusation utilisée contre Yarborough au cours de la campagne figura particulièrement dans un article du Reader’s Digest publié en septembre 1964. L’histoire disait que Yarborough avait facilité le soutien et la subsidiation, par le biais de l’administration de la reconstruction de la région (ARR) texane, d’un projet de développement industriel à Crockett, dans le Texas, uniquement pour faire avorter le projet en raison de l’incompétence de la société impliquée dans la construction prévue de l’usine. L’accusation prétendait qu’Audio Electronics, les constructeurs prévus pour l’usine, avait reçu un prêt de l’Etat de 383.000 dollars pour construire les installations, alors que des gens de la ville avaient réuni quelque 60.000 dollars pour acheter le site de l’usine, avant que toute l’affaire échoue.
Le Reader's Digest prétendait avec désapprobation que Yarborough s’était adressé à un groupe de 35 habitants de Crockett par un appel téléphonique en mars 1963, leur disant qu’il avait été autorisé par la Maison-Blanche d’annoncer « que vous allez gagner une nouvelle usine, laquelle va fournir de nouveaux emplois à 180 personnes et conférer une dynamique nouvelle à votre région ». 
L’article du Reader's Digest donnait la nette impression que les 60.000 dollars investis par les résidents locaux avaient été perdus. « Parce que les gens croyaient que leur ‘annonce de la Maison-Blanche’ transmise par leur sénateur du prêt de l’ARR à Audio était une garantie du sérieux de cette dernière firme, plusieurs Texans investirent dedans et perdirent tout leur argent. Un homme avait versé 40.000 dollars. Un officier retraité de l’US Air Force y était allé lui aussi de 7.000 dollars. » Il s’est avéré en réalité que les personnes qui avaient investi dans la transaction immobilière pour le site de l’usine n’avaient rien perdu mais qu’ils s’étaient vu, en lieu et place, proposer une offre pour leur terrain, laquelle représentait un bénéfice d’un tiers sur l’investissement original et qu’ils s’en étaient par conséquent tiré avec un bénéfice substantiel.
Le quartier général de campagne de Bush passa immédiatement à l’action avec une déclaration affirmant que c’était une honte que les Texans devaient ouvrir le Reader’s Digest pour apprendre que leur sénateur « tenait la main au scandale ». « Les citoyens de la région avaient réuni 60.000 dollars en liquide, les avaient investi dans la société et les avaient perdu parce que le projet était une escroquerie et qu’il ne fut jamais lancé. » Yarborough riposta par une déclaration de son cru, faisant remarquer que les allégations de Bush étaient « fondamentalement mensongères », et ajoutant que « les fausses accusations incessantes et irresponsables de mon adversaire constituent une preuve supplémentaire de sa propension au mensonge et de son inaptitude à exercer la fonction de sénateur des Etats-Unis ». Plus révélatrice encore était l’accusation formulée par Yarborough sur la façon dont le Reader’s Digest s’était intéressé à Crockett, Texas, pour la première fois. « Le fait que les relations dans les banques d’investissement de Wall Street du père multimillionnaire de mon adversaire habilitent la parution d’articles erronés et diffamatoires dans un magazine national comme le Reader’s Digest ne permettra pas au candidat du Connecticut d’acheter un siège texan au Sénat américain. » C’était en plein dans la cible et cela fit mal. Bush gémit dans sa réponse que c’était la déclaration de Yarborough qui était « mensongère, diffamatoire et absurde » et il mettait au défi le sénateur de prouver ses dires ou de se rétracter.(17)
Outre ces tentatives pour salir Yarborough, il est caractéristique une fois de plus que la principale question autour de laquelle Bush avait bâti sa campagne était le racisme, exprimé cette fois en tant qu’opposition à la loi sur les droits civiques qui fut proposée au Congrès au cours de l’année 1964. Bush le fit certainement afin de se conformer à son profil idéologique pro-Goldwater et afin d’engranger des votes (spécialement dans les primaires républicaines) en utilisant la réaction raciste et celle des droits des Etats, mais avant tout afin d’exprimer les caractéristiques profondes de la conception philosophique du monde qui était la sienne et celle de sa famille oligarchique.
Très tôt dans la campagne, Bush avait sorti une déclaration qui disait : « Je suis opposé au projet de loi sur les droits civiques actuellement soumis au Sénat. » Non content de cela, Bush mit tout en œuvre pour s’interposer et obtenir la nullité du projet. « Le Texas a une assez bonne réputation sur le plan des droits civiques », plaida-t-il, « et je suis opposé à ce que le gouvernement fédéral intervienne plus avant dans les affaires de l’Etat et les droits individuels. » A ce point de son, plaidoyer, Bush prétendit que son désaccord ne concernait pas la totalité du projet, mais plutôt deux dispositions spécifiques dont il prétendit qu’elles ne faisaient pas partie du projet initial, mais qui, fit-il remarquer, avaient été ajoutées pour plaire aux extrémistes noirs violents. Selon sa déclaration du 17 mars, « Bush fut remarquer que le projet original de Kennedy sur les droits civiques, en 1962, ne contenait de dispositions ni pour une section des facilités publiques ni pour une Commission sur les Pratiques saines dans l’Emploi (FEPC) ». « Ensuite, après l’été chaud et turbulent de 1962, lorsqu’il devint évident qu’afin d’obtenir le soutien et les votes des dirigeants des droits civiques dans l’élection de 1964, il fallait faire quelque chose de plus, ces deux sections défectueuses furent ajoutées au projet. » « Je suggère que ces deux dispositions du projet – auxquelles je m’oppose le plus énergiquement – étaient motivées politiquement et qu’elles sont cyniques dans leur approche d’un problème des plus graves. » Mais il abandonna bientôt son approche visant à couper les cheveux en quatre et, le 25 mars, il déclara aux Jaycees (Junior Chambers, jeunes députés, NdT) de Tyler qu’il s’opposait à l’ensemble du projet de loi. Il expliqua plus tard qu’outre la section des facilités publiques et la Commission sur les pratiques saines dans l’emploi, il estimait que les « parties les plus dangereuses du projet de loi sont celles qui font du département de la Justice la force de police la plus puissante de la Nation et de l’attorney général le chef de police le plus puissant de la Nation ».
Lorsque Ted Kennedy, du Massachusetts, fit son premier discours au Sénat en avril 1964, il y intercala un passage faisant référence à feu John F. Kennedy, disant que le président défunt avait cru que « nous ne devrions pas nous haïr, mais nous aimer les uns les autres ».Bush s’en prit à Kennedy pour ce qu’il appelait une « critique déloyale de ceux qui s’opposaient au projet des droits civiques ». Dans l’interprétation de Bush, « le plaidoyer dramatique, presque larmoyant, de Kennedy en faveur de l’acceptation du projet présenta tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce projet comme des semeurs de haine ». « La conclusion est évidente », déclara Bush. « En d’autres termes, Ted Kennedy disait que toute personne qui s’oppose à l’actuel projet des droits civiques le fait parce qu’il a le cœur rempli de haine. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Ce n’est pas une question de haine ou d’amour, mais de constitutionnalité. » Bush « et d’autres conservateurs responsables » pensent simplement que le projet est d’inspiration politique. « Ce projet », poursuivit Bush, allait faire de plus amples incursions dans les droits des individus et des Etats et il allait même en arriver, en dernier recours, à la disparition de nos procès avec système de jury. Nous estimons simplement que ce type de législation de classe, reposant sur un contrôle et une intervention accru de la part des autorités fédérales, est mauvais pour la nation. » Bush ajouta que le problème des droits civiques était à la base un problème local, dont il vaut mieux confier le traitement aux Etats eux-mêmes. Ici, à coup sûr, on avait droit à cette forme de racisme aux allures respectables pour une époque comme celle de Selma et Bull Connor.
Bush se vit fournir de nouvelles munitions rhétoriques lorsque le gouverneur de l’Alabama, George Wallace, se risqua dans les primaires présidentielles de cette année et qu’il fit preuve d’une habileté inattendue à conquérir des votes dans certains Etats du Nord, recourant à un baratin qui comprenait des appels ouvertement racistes. A la suite de l’un de ces résultats dans le Wisconsin, la campagne de Bush sortit un communiqué citant le candidat qui avait affirmé « être sûr que la majorité des Américains sont opposés au projet sur les droits civiques dont on discutait actuellement au Sénat »« Bush a porté son attention sur les 25% obtenus lors des primaires du Wisconsin par le gouverneur George C. Wallace », disait le communiqué. Selon le point de vue de Bush, « on pouvait être sûr que ce vote important n’avait pas été exprimé pour Wallace lui-même, mais qu’il a été utilisé comme un moyen de montrer l’hostilité publique à l’égard du projet de loi sur les droits civiques ». « Si un flamboyant gouverneur Wallace pouvait obtenir ce genre de vote dans un Etat du Nord comme le Wisconsin, cela me prouve qu’il doit régner une inquiétude générale à propos de ce projet de loi sur les droits civiques et ce, chez nombre de gens responsables partout dans la Nation », déclara Bush à Houston. « Si j’étais membre du Sénat aujourd’hui, je voterais contre ce projet dans sa totalité. »
Bush fut décrit dans la presse texane comme un homme tentant un mélange de « politique à la Goldwater, avec une allure à la Kennedy ».(18) Cette façon de voir révèle des traits de machisme narcissique dans ce ploutocrate de 40 ans : « C’est le genre de type qui attirent le regard des femmes dans les bals de charité des country clubs. » Un abondant financement de campagne permit à Bush d’« attirer des gens supplémentaires à des rassemblements avec barbecues et boissons gratuits accompagnés de musiciens ». Ils étaient définis par la campagne de Bush comme étant un retour au « rassemblement politique à l’ancienne mode », et il produisait des groupes musicaux comme les Black Mountain Boys ou les Bluebonnet Belles. Au restaurant Garcia à Austin, Bush rencontra un groupe de deux douzaines de jeunes Républicaines sportives arborant des panneaux de campagne de Bush. « Oh les filles ! » s’extasia le candidat. « Qu’est-ce que vous êtes formidables ! Vous avez l’air terrible, sapées comme vous l’êtes ! » Les femmes « étaient folles de lui, en retour », écrivit le journaliste politique Ronnie Dugger dans  le Texas Observer, ajoutant que « la campagne de Bush pour obtenir un second sénateur républicain dans cet Etat reçoit un tas d’énergie de la part des jeunes matrones républicaines qui sont enthousiastes à son égard et qui ont plein d’argent pour des baby-sitters et pas grand-chose d’autre à faire de leur temps ». Mais, par ses exhortations en faveur de l’aventurisme militariste à l’étranger, la substance du message était en fait purement goldwaterienne.
Comme on pouvait s’y attendre de la part de l’homme qui, tout récemment, avait défié Kennedy de « faire preuve de courage » en attaquant Cuba, toutes les moindres les plus violentes de Bush concernaient Castro et La Havane et elles étaient sans aucun doute particulièrement appréciées par les survivants de la Brigade 2506 et par les Cubains de Miami. Bush commença par ce qui passait pour une position modérée dans les cercles goldwateriens du Texas : « Je prône la reconnaissance d’un gouvernement cubain en exil et j’encouragerais ce gouvernement à revendiquer son pays de toutes les manières possibles. Ceci veut dire une assistance financière et militaire. » « Je pense que nous ne devrions pas passer pour des gens qui manquent du courage de les aider à libérer leur pays », dit Bush. Le candidat Morris avait une position similaire, mais tant Cox que Davis se déclarèrent partisans d’une restauration immédiate du blocus naval contre Cuba. Part conséquent, Bush alla un cran plus haut, et appuya une nouvelle invasion de Cuba. Une brochure de la campagne « Bush au Sénat » passait en revue un certain nombre d’articles de journaux sur le candidat. Le titre de l’un de ces articles, en provenance d’un journal non identifié, était le suivant : « LE CANDIDAT DU GOP INSISTE POUR QU’ON ENVAHISSE CUBA. » Et le sous-titre : « A Austin, George Bush, le pétrolier de Houston qui fait campagne pour la nomination d’un républicain au Sénat américain a réclamé une nouvelle invasion de Cuba par un gouvernement en exil, il ne veut pas de négociations dans le traité sur le canal de Panama et il revendique une image de liberté. » D’autres dépliants de la campagne déclarent que « Cuba (…) sous Castro est une menace pour notre sécurité nationale. Je plaide en faveur de la reconnaissance d’un gouvernement cubain en exil et le soutien de ce gouvernement afin qu’il puisse revendiquer son pays. Nous devons réaffirmer la doctrine de Monroe. » Un autre tract de campagne dépeint Cuba comme « un irréparable désastre diplomatique rendu possible par l’absence d’une politique ferme à l’égard de Cuba ».
Ce que Bush proposait serait revenu à un vaste programme bien financé d’armement et de financement des exilés anti-castristes cubains de Miami et à mettre le gouvernement des Etats-Unis au service de leurs aventures – sans doute dépassant de beaucoup les programmes substantiels qui avaient déjà été financés auparavant. Les bénéficiaires auraient compris Theodore Shackley qui, à l’époque,  était chef de station de la CIA à Miami, Felix Rodriguez, Chi Chi Quintero, et le reste des gars de l’Entreprise.
Bush s’en prit au sénateur J. William Fulbright, démocrate de l’Arkansas, en raison de l’appel, dans un discours de ce dernier, en faveur d’une politique plus conciliante à l’égard de Cuba en mettant un terme au boycott économique américain. « Je considère ce discours avec une grande suspicion », déclara Bush. « Je sens qu’il s’agit d’un ballon d’essai de la part du département d’Etat afin de voir si les Américains vont avaler un nouveau pas vers une politique étrangère douce et désastreuse. » Bush pria instamment le secrétaire d’Etat Dean Rusk, un faucon de pointe, à tenir bon contre le glissement politique proposé par Fullbright. « Fullbright dit que Cuba est une ‘nuisance déplaisante’, mais je crois que le régime communiste de Castro, à 90 milles de nos côtes, est une nuisance intolérable. Je ne suis partisan que d’une libération totale de Cuba », proclama Bush, « et je crois que celle-ci ne pourra s’obtenir que par la reconnaissance d’un gouvernement cubain en exil, soutenu de leur mieux par les Etats-Unis et l’Organisation des Etats américains. »
A la mi-avril, un forum politique républicain tenu à Miami entendit le rapport d’un dirigeant cubain en exil prétendant que les Soviétiques avaient étaient occupés à positionner des missiles sur le seuil de l’océan au large de Cuba, que ces missiles étaient pointés sur les Etats-Unis et que ceci avait d’ailleurs été confirmé par des sources diplomatiques à La Havane. Il allait apparaître par la suite que toute cette histoire avait été manigancée. Pour Bush, c’était manifestement de la farine pour son moulin de campagne. Faisant un discours à Amarillo, il dit du rapport qu’il s’agissait de « la nouvelle la plus alarmante dans cet hémisphère depuis deux ans ». Il incita à ce qu’on fasse des efforts « pour virer les communistes de Cuba ».
Mais, vivant avec son temps, les déclarations de campagne les plus meurtrières de Bush concernèrent le Vietnam. Ici, Bush fit en sorte de s’identifier à la guerre, à son escalade et à l’usage des armements nucléaires.
Récemment, le sénateur Goldwater avait soulevé la possibilité d’utiliser des armes nucléaires tactiques en tant que défoliants les plus efficaces pour débroussailler la triple voûte de la jungle vietnamienne. En réponse à cette déclaration, un compte rendu de l’Associated Press cita Bush qui avait dit qu’il était partisan de tout ce qui pouvait se faire sans danger pour mettre un terme aux combats en Asie du Sud-Est. « Bush déclare qu’il est partisan d’une extension limitée de la guerre au Vietnam, y compris de l’usage restreint des armes nucléaires si ‘cela s’avère militairement prudent’ », dit encore le communiqué de l’AP.(19) Un communiqué de campagne de Bush, daté du 1er juin, lui fait dire qu’il est favorable à « une extension prudente, judicieuse et militairement valable de la guerre du Vietnam ». Cela bien avant l’incident du golfe du Tonkin et bien avant aussi que les troupes terrestres américaines fussent impliquées au Vietnam.
Bush avait plusieurs autres notes à sortir à propos des menaces de guerre en Asie du Sud-Est. En mai, il attaqua le département d’Etat parce qu’il « lambinait » au Vietnam et que cette politique « avait coûté les vies de tant de jeunes Américains ». Il se plaignit en outre de ce que les troupes américaines au Vietnam ne recevaient que « du matériel de guerre médiocre ». Répliquant à une prédiction du secrétaire à la Défense McNamara disant que la guerre pourrait durer 10 ans, Bush rétorqua : « Ce ne serait pas le cas si nous avions développé un politique gagnante dès le départ dans ce dangereux feu de brousse. » De même, en mai, Bush répondit à une offensive du Pathet Lao au Laos de la façon suivante : « Ceci devrait nous servir d’avertissement au Vietnam. Chaque fois que le monde communiste, qu’il s’agisse des Russes ou des Chinois, signent un traité ou quelque autre accord, avec une nation du monde libre, ce traité ne vaut même pas le papier sur lequel il a été rédigé. »
Avec pugnacité, Bush contesta chaque fois ceux qui voulaient de désengager du bourbier vietnamien avant qu’il ne se mue en un amas de victimes de guerre. Il en fit une composante de son « Freedom Package » (Paquetage de la liberté), une sorte de manifeste préconisant une offensive américaine impérialiste et colonialiste à l’échelle du monde – précurseur avant la lettre du nouvel ordre mondiale. Un communiqué de campagne daté du 30 mars, proclame le « Freedom Package » en ce termes : « Je ne veux pas continuer à vivre dans un monde dénué d’espoir de paix réelle et durable. » Il critiqua vertement les « symptômes de retrait » montrés par l’ambassadeur américain aux Nations unies, Adlaï Stevenson, et les sénateurs William Fulbright et Mike Mansfield. « Adlaï a proposé que nous (inter)nationalisions le canal de Panama »,faisait remarquer Bush, « et Fullbright nous demande de nous accommoder du communisme cubain et de renégocier notre traité concernant Panama, et Mansfield suggère que nous nous retirions de la lutte au Vietnam. C’est le genre de politique de retrait à laquelle nous ont habitués nos prétendus dirigeants mondiaux et c’est exactement ce que le Kremlin a ordonné. »
Pas plus que l’obsession de Bush au sujet de Panama et de son canal ne commença pas avec Noriega. Dans sa littérature de campagne, Bush affirmait sa position de base en ces termes : « Le canal de Panama (…) nous appartient de droit vu le traité et les circonstances historiques. Le canal a une importance de premier plan pour notre sécurité domestique et la souveraineté américaine sur le canal doit être maintenue. » Que veut-il dire par « de droit (…) vu les circonstances historiques » ? « Je suis opposé à la poursuite des négociations à Panama »,déclara Bush à plusieurs reprises dans ses discours et communiqués de campagne.
Si, dans le monde de 1964, Bush voyait un Saddam Hussein, un nationaliste tiers-mondiste musulman, à la peau sombre et non aligné, ce dirigeant étranger ne pouvait être que le président de l’Indonésie, Sukarno. Sukarno, de même que Nehru, Nasser, Nkrumah, Tito et Bourguiba, était l’un des personnages centraux du mouvement non aligné des nations en voie de développement qui avait fait son apparition à la Conférence de Bandung des 29 Etats afro-asiatiques en 1955. En 1964, Sukarno tenta d’empêcher la création de la Malaisie à partir de la Confédération britannique de la Malaisie. Une partie de la manœuvre de blocage de Sukarno consista à déployer des guérillas pro-indonésiennes dans la péninsule de Malacca au-dessus de Singapour et dans certaines zones du Nord de Bornéo, y compris le Sarawak et le Sabah. A partir de là, ces guérillas causèrent des problèmes au partenaire d’affaires de Bush dans le commerce du pétrole, le sultan de Brunei. Bush visa l’Indonésie et Sukarno personnellement dans une série d’attaques violentes et insultantes.
En avril, Sukarno dit à l’ambassadeur des Etats-Unis Howard P. Jones : « Il y a un pays qui menace de mettre un terme à son aide extérieure à l’Indonésie. Ce pays pense qu’il peut effrayer l’Indonésie. Je vous dis d’aller au diable avec votre aide. » Le 23 avril, Bush, depuis Big Spring, fit le commentaire suivant dans une déclaration : « Il est facile pour le président Sukarno de l’Indonésie de nous dire d’aller au diable avec notre aide étrangère – maintenant qu’il en a déjà reçu pour presque 894 millions de dollars. » Bush expliqua qu’il s’était rendu à Bornéo en 1963, à l’époque où la Fédération malaisienne était en train de naître « en faveur du monde libre ». Il ajoutait : « Ce fut l’erreur que commit la Fédération malaisienne : entrer dans le monde des nations en faveur de l’Amérique et du monde libre. Le lendemain même, Sukarno, que nous avions essayé d’acheter avec 894 millions de dollars d’aide, se retourna contre la Malaisie et annonça qu’il allait détruire la nouvelle fédération. » Le communiqué de Bush fait remarquer que « Bush, qui est président de la Zapata Offshore, a déclaré qu’une des plates-formes de la compagnie, à cette même époque, opérait au large de la côte de Bornéo – et est toujours en activité actuellement ». S’agissait-il d’un conflit d’intérêts ?
Avec des accents qui créent un pressentiment inquiétant à propos de la crise du Golfe de 1990-1991, Bush poursuivait : « « Aujourd’hui, les frontières de la Fédération malaisienne sont sillonnées de troupes indonésiennes, portant des armes fabriquées en Russie et achetées avec des dollars américains. Les Indonésiens sont sur le point d’écraser la Malaisie. Et qu’avons-nous fait ? Nous avons gentiment donné une petite tape sur le poignet de Sukarno, lui avons prêté de nouveau 20 millions de dollars, qu’il a utilisés pour acheter quelques avions à réaction, dont l’un lui sert à honorer ses rendez-vous malsains un peu partout en Extrême-Orient. Ce que nous aurions dû faire, et que nous devrions faire, c’est de dire à Sukarno : « Vous avez violé le caractère sacré de la frontière malaisienne et vous allez avoir affaire à la force du monde libre tout entier ! »
Peu de temps après, le sénateur GOP du Texas soutint une cessation de l’aide américaine à Sukarno, laquelle fut adoptée, bien que Yarborough ait voté en faveur du maintien de cette aide. Bush profita de l’occasion pour se livrer à un nouvel assaut. Avec une argumentation tordue, Bush fit remarquer que le vote de Yarborough en faveur de l’aide à l’Indonésie avait eu lieu le lendemain du jour où Sukarno avait tenu « la main amicale de la reconnaissance au gouvernement communiste du Nord-Vietnam. Ce pays, ami de Sukarno, mène une guerre au cours de laquelle, un jour à peine avant le vote de Yarborough, des balles communistes frappèrent le corps d’une jeune pilote d’hélicoptère du texas. Yarborough a voté pour que l’on apporte l’aide des Etats-Unis à un pays qui est ami à un gang occupé à tuer des gars du Texas. » Yarborough rejeta cette « critique insensée » et dit que les accusations illustraient parfaitement le manque de compréhension de Bush quant au « délicat équilibre des forces dans les affaires étrangères, et son manque de connaissance de l’état des affaires en Asie du Sud-Est ». L’argument de Yarborough était que la chose importante consistait à empêcher toute guerre entre l’Indonésie et de la Malaisie et que cette tâche devait mettre sous dépasser toute envie d’humilier Sukarno.
Les remarques de Bush dans cette campagne concordent parfaitement avec la mise sur pied par les Etats-Unis du coup d’Etat militaire de 1965 en Indonésie et au cours duquel plus de 200.000 personnes furent tuées, surtout au cours des massacres anticommunistes effectués par l’armée avec l’encouragement des conseillers américains.
En politique économique, le point de départ de Bush a toujours été « la libre entreprise sans entrave », comme il le préconisait chaudement dans une déclaration sur le chômage, le 16 mars : « Seule la libre entreprise sans entrave peut résoudre le chômage. Mais je ne crois pas que le gouvernement fédéral ait donné au secteur privé de notre économie une occasion réelle de réduire ce chômage. Par exemple, la [guerre de Johnson dans le programme de lutte contre la pauvreté] contient une nouvelle version du CCC, un Corps intérieur pour la Paix, ainsi que divers châteaux en Espagne en tous genres, à moitié maçonnés. » La littérature de campagne imprimée de Bush déclarait, sous le titre « économie fédérale », que « le système de la libre entreprise doit être débarrassé de ses entraves. Une économie forte signifie des emplois, des opportunités et la prospérité. Une économie contrôlée signifie une perte de liberté et le gâchis bureaucratique ». Le 21 avril, Bush dit aux électeurs : « Nous devons entamer une phase d’insistance sur le secteur privé de notre économie, au lieu d’insister sur le secteur public. »
Le 15 avril, Bush avait été informé de ce qu’environ 33 millions d’Américains vivaient dans la pauvreté, à quoi il répondit : « Je ne puis comprendre comment le fait de déployer un programme socialiste de soins médicaux autour du cou décharné de notre programme de sécurité sociale va constituer un coup contre la pauvreté. Et je ne connais qu’une seule réponse à [ce problème de la pauvreté] : Débarrassons notre système de libre entreprise du contrôle gouvernemental. » Autrement dit, Bush prétendait qu’il était « de la responsabilité du gouvernement local d’assumer d’abord le fardeau de soulager la pauvreté partout où elle existe, et je connais nombre de communautés qui sont plus qu’à même de régler ce problème. »
L’approche par Bush de la politique agricole suivant des lignes similaires, il combinait la rhétorique d’Adam Smith et la défense intransigeante des cartels alimentaires. Dans sa brochure de campagne, il était d’avis que « l’agriculture devait être rendue à une libre économie de marché, soumise aux lois de base de l’offre et de la demande ». Le 9 avril, à Waco, Bush s’en prit au projet de subsidiation du blé et du coton qui venait tout juste de recevoir l’approbation de la Chambre. « Si je suis élu au Sénat », dit Bush, « je jugerai toute mesure agricole sur la base de savoir si le gouvernement contribue à la rendre plus, ou moins, privée. » Bush ajouta que les subsides agricoles étaient parmi « nos programmes fédéraux les plus onéreux ».
Une autre des obsessions à répétition de Bush était son désir de briser le mouvement syndical. Au cours des années 60, il l’exprima dans le contexte de campagnes en vue d’empêcher l’abrogation de la section 14 (B) de la loi Taft-Hartley, qui permettait aux Etats de mettre hors-la-loi les piquets de grève et ceux où le syndicat était présent et, par conséquent, de protéger les lois des Etats garantissant l’ouverture sans piquet des lieux de travail ou « le droit au travail », un système qui, en pratique, empêchait l’organisation en syndicats de larges sections de la population laborieuse de ces Etats. Ces idées de Bush le ramènent à l’époque où la loi antitrust de Sherman était encore appliquée contre les syndicats de travailleurs.
« Je crois dans les lois du droit au travail », déclara Bush à un groupe d’éminents hommes d’affaires d’Austin lors d’un lunch au Commodore Perry Hotel, le 5 mars. « A chaque occasion, j’insiste auprès des membres des syndicats afin qu’ils s’opposent au paiement de cotisations politiques. S’il n’y en a qu’un sur cent qui pense par lui-même et vote pareil, il n’aurait nul d’être obligé de cotiser. »
Le 19 mars, Bush affirma que « l’attaque flagrante des syndicats contre les lois du droit au travail équivalaient à reconnaître ouvertement que le monde du travail détient un monopole et qu’il est prêt à tout pour le maintenir en place. Les revendications syndicales sont une cause directe de la spirale inflationniste qui réduit les salaires réels des travailleurs et augmente les coûts de production ». Du point de vue de l’économie scientifique, ce genre de raisonnement est une absurdité. Mais, quatre jours plus tard, Bush revint sur le sujet, attaquant le président des Travailleurs automobiles unis, Walter Reuther, un personnage qu’à plusieurs reprises, Bush tenta à mettre sur un même pied que Yarborough, en raison de ses exigences qui « ne feront que provoquer l’extinction de la libre entreprise en Amérique. On peut trouver en Virginie Occidentale un parfait exemple de la façon dont les syndicats peuvent faire grimper le prix d’un produit au point qu’il disparaisse du marché. Les revendications excessives de John L. Lewis vis-à-vis de l’industrie du charbon ont fait grimper le prix du charbon, ont forcé le consommateur à utiliser un produit de substitution moins cher, ont tué l’industrie charbonnière et, aujourd’hui, la Virginie Occidentale présente un taux de chômage excessif ».
Le jour de la Fête du Travail, Bush prit la parole face à un rassemblement dans le jardin du tribunal de Quanah, et réclama « la protection des droits du travailleur individuel par le biais de l’Etat plutôt que par celui du gouvernement fédéral. Le travailleur en tant qu’individu est oublié par tous les Walter Reuther et Ralph Yarborough, et c’est à la communauté des affaires qu’il incombe de protéger les précieuses ressources en main-d’œuvre de notre pays contre l’exploitation par ces dirigeants ouvriers de gauche », déclara Bush qui, pour le même prix, aurait tout aussi bien pu suggérer que le renard fût autorisé à garder le poulailler.
L’Est du Texas était une zone à tension raciale inhabituellement élevée et Bush passa le plus clair de son temps à attaquer le projet de loi sur les droits civiques. Mais l’alliance entre Yarborough et le syndicalisme était l’un de ses thèmes favoris et son baratin ordinaire suivait une voie de ce genre, quand il se trouvait face aux hommes d’affaires d’Austin. Yarborough, commençait-il, « représenterait en fait davantage le Michigan qu’il ne représente le Texas ». Ceci, comme nous le verrons, était en partie une tentative maladroite de réfuter l’accusation de Yarborough prétendant que Bush n’était rien d’autre qu’un carpetbagger du Nord-est. Bush continuait alors : « L’une des raisons pour lesquelles Yarborough représente si mal le Texas, c’est qu’il passe la plupart de son temps à représenter les intérêts ouvriers à Detroit. Ses scores électoraux font le bonheur de gens comme Walter Reuther et James Hoffa. Cet homme a voté pour chaque projet de loi sur les intérêts particuliers, pour chaque mesure de grosses dépenses qui a pu attirer son attention. »
Durant cette période, la Camco, une compagnie d’équipement pétroliers dont Bush était l’un des directeurs, fut mêlée à quelques amers problèmes syndicaux. La section régionale du Bureau National des Relations de l’Emploi requit un arrêt fédéral de suspension contre la firme afin de la forcer à reprendre quatre délégués syndicaux qui avaient été illégalement licenciés. Les officiels du syndicat des machinistes, qui essayait d’organiser syndicalement la Camco, accusèrent également Bush d’avoir été complice de ce qu’ils prétendaient avoir été un refus illégal de la Camco d’appliquer un ordre NLRB de 1962 enjoignant à la Camco de réembaucher onze travailleurs licenciés parce qu’ils avaient assisté à une réunion syndicale. Bush répondit qu’il n’allait pas se laisser intimider par les syndicats. « Comme tout le monde le sait, les patrons des syndicats sont tous en faveur du sénateur Ralph Yarborough », rétorqua Bush, et il avait été trop occupé avec la Zapata pour prêter quelque attention que ce soit à la Camco.(20) Selon Roy Evans, secrétaire-trésorier de l’AFL-CIO du Texas, Bush était « un membre de l’aile dinosaurienne du Parti républicain ». Evans traita Bush de « réac de Houston » et prétendit que Bush avait « perdu contact avec tout le monde au Texas, sauf avec les radicaux de la droite ».
Un peu plus tôt, en février, Yarborough avait fait remarquer dans sa veine populiste typique que son approche législative consistait à « placer le pot de confiture sur l’étagère la plus basse de sorte que le petit homme puisse mettre la main dessus ». Cela avait scandalisé Bush qui, le 27 février, répliquait que « c’est une attitude cynique tendant à isoler le petit homme de ses autres concitoyens ». Pour Bush, la marmelade resterait toujours sous clé et cadenas, hormis pour le petit nombre de Wall Street. Quelques jours plus tard, le 5 mars, Bush développa sa pensée en disant qu’il était « hostile à la législation concernant des intérêts spéciaux parce qu’elle tend à unifier les Américains. Je ne pense pas que nous puissions nous mettre d’avoir des Américains vétérans, des Américains noirs, des Américains latins et les Américains du monde du travail, à notre époque ». Et voici Buish en philosophe politique, prétendant que le pouvoir de l’Etat autoritaire doit aborder ses citoyens sous une forme entièrement atomisée, non organisée en groupes d’intérêts ou soucieux d’organiser leur défense.
Bush était particulièrement en colère à propos du projet de loi pour les GI de la guerre froide, qu’il taxa de « projet fétiche » du sénateur. « Heureusement », dit Bush, « il n’a pas pu faire passer son projet pour les GI de la guerre froide dans le gosier du Congrès. C’est une mauvaise législation qui va éroder notre mode de vie américain. J’ai quatre fils, je suis sûr que je haïrais le fait que le moindre d’entre eux irait mesure sa dévotion et son service à son pays à l’aune des bénéfices spéciaux que l’oncle Sam pourrait lui donner. » Neil Bush ne ferait certainement pas ça! De toute façon, le projet de loi pour les GI de la guerre froide n’était rien d’autre qu’un « effort cynique pour obtenir des voix », conclut Bush.
Il y avait toutefois dans le cœur de Bush un recoin douillet pour au moins quelques intérêts particuliers. Il était un fervent partisan de la tolérance de réduction sur le pétrole de 27,5% « entérinée par le temps », une annulation de taxe qui permettait au cartel pétrolier des sept sœurs d’échapper à une part importante de ce qu’il aurait autrement dû payer en taxes. La pression publique pour réduire cette tolérance augmentait et le cartel pétrolier s’apprêtait à concéder un ajustement mineur dans l’espoir que cela allait neutraliser les tentatives d’obtenir l’abolition complète de la tolérance de réduction. Bush prônait également ce qu’il décrivait comme « un programme sensé d’importation de pétrole, susceptible de réduire les importations à un niveau non préjudiciable pour notre industrie pétrolière domestique ». « Je sais ce que c’est que de gagner son mois dans les affaires pétrolières », se vantait-il. Bush déclara également aux fermiers du Texas qu’il voulait limiter les importations de bœuf étranger de façon à protéger leurs marchés domestiques.
La contre-attaque de Yarborough sur cette question est d’une grande importance pour comprendre pourquoi Bush était si fanatiquement engagé à mener la guerre dans le Golfe afin de restaurer sur son trône le dégénéré et esclavagiste émir du Koweït. Yarborough fit remarquer que la compagnie de Bush, la Zapata Offshore, forait au Koweït, dans le golfe Persique, à Bornéo et à Trinidad. « Tout puits produisant du pétrole foré dans les pays étrangers par des sociétés américaines signifie du pétrole bon marché dans les ports américains, moins d’arpents de terre texane sous concession de pétrole et de gaz, moins de revenus pour les  fermiers et ranchers texans… », affirmait Yarborough. « Cette question est bien définie, dans cette campagne – un sénateur démocrate qui se bat pour l’existence du système de la libre entreprise telle qu’il est exemplifié par les producteurs indépendants de pétrole et de gaz du Texas, et un candidat républicain qui est le foreur sous contrat au profit du cartel pétrolier international. » A cette époque, le cartel pétrolier n’y allait pas avec le dos de la cuiller contre ceux qui l’attaquaient ouvertement. On pense une fois de plus au pétrolier italien Enrico Mattei. Pour Bush, ces intérêts de cartel seraient toujours sacro-saints. Le 1er avril, Bush parla de la géopolitique du pétrole : « J’étais à Londres à l’époque de la crise de Suez et j’ai rapidement constaté comment le reste du monde libre peut devenir totalement dépendant du pétrole américain. Lorsque le canal a été fermé, les nations libres du monde entier ont tout de suite commencé à pleurer après le pétrole texan. »
Plus tard, au cours de la campagne, Yarborough visita la ville de Gladewater dans l’Est du Texas. Là, sur arrière-plan de derricks pétroliers, Yarborough parla de la propriété par Bush du stock d’actions de la Pennzoil et des quotas de la Pennzoil représentant 1.690 barils par jour de pétrole importé, accusant Bush de léser les producteurs de pétrole texans en important du pétrole étranger à bas prix.
Ensuite, rapporte un journal, « le sénateur étaya son accusation par une allusion au ‘cheikh du Loweït, à ses quatre femmes et à ses 100 concubines’ qui, ajouta-t-il, vivent dans la luxure grâce au pétrole des puits forés par Bush dans le golfe Persique et qu’il revend à des prix écrasés aux Etats-Unis. Il dit que le pétrole importé se vend à 1,25 dollar le baril alors que le pétrole texan, à 3 dollars, paie les taxes des écoles, des villes, du comté et les taxes fédérales et qu’il permet de continuer à remplir les feuilles de paie. Yarborough débuta sa journée de campagne par un déjeuner avec ses partisans de Longview. Un peu plus tard, à Gladewater, il dit qu’il avait vu un autocollant ‘Bush for Senator’ sur un pare-chocs de voiture à Longview. ‘N’est-ce pas une déchéance pour un Est-Texan de faire l’homme-sandwich pour un carpetbagger du Connecticut qui extrait du pétrole pour le cheikh du Koweït afin que celui-ci puisse entretenir son harem ?’ »(21)
Yarborough défia Bush à plusieurs reprises de livrer davantage de détails sur ses intérêts de forage et de production à l’étranger. Il parla des « sociétés de Bush forant dans le golfe Persique en Asie ». Il accusa Bush « d’être allé en Amérique latine pour enregistrer deux de ses sociétés de forage en Extrême-Orient, au lieu de les enregistrer aux Etats-Unis ». « Ceci, une fois de plus », réfléchit Yarborough, « soulève les questions de l’évasion fiscale ». « Dis-leur, George », jubilait-il, « ce que tes sociétés, financées à coups de dollars américains, de capitaux américains, de main-d’œuvre américaine, font aux sujet des impôts américains sur le revenu ». Bush protesta en disant que « chaque plus petit dollar dû par chaque société dans laquelle j’ai des intérêts a été payé ».(22)
Le statut de l’Administration de l’Electrification rurale (REA) fut aussi un thème de la campagne. Goldwater avait déclaré à Denver, Colorado, le 3 mai 1963 que le temps était venu « de dissoudre la REA ». Dans son désir de se montrer comme un clone orthodoxe de Goldwater à tous les égards, Bush n’avait pu prendre ses distances vis-à-vis de cette exigence. La REA était populaire à juste titre en raison de ses efforts pour amener l’électricité dans les secteurs les plus pauvres des campagnes. Yarborough fit remarquer avant toute chose que Bush « ne serait pas capable de reconnaître une boule de coton d’un épi de maïs », mais il insista pour « refiler à un non-Texan un coup auprès des fermiers et ranchers du Texas. Vendre la REA texane au monopole de l’électricité privée consisterait à accepter les exigences des grosses structures énergétiques de l’Est et les aspirations des banquiers d’investissement new-yorkais en charge du financement privé des monopoles énergétiques. Mon adversaire entre en ligne de compte une fois qu’il s’agira d’hériter sa part de ces structures de banques d’investissement new-yorkaises », expliqua Yarborough à une assemblée de fonctionnaires de la REA texane.
Marchant dans les traces de Prescott Bush, George était implacablement hostile aux projets d’infrastructure sponsorisés par le gouvernement. Naturellement, ce genre de projet constitue l’essence du système américain d’économie politique tel que le comprenaient Franklin, Hamilton, Lincoln et FDR (Franklin Delano Roosevelt). Un projet hydrographique en cours au Texas à cette époque (1964) était le projet Trinity River. Tout au début de la campagne, Bush déclara qu’il ne pouvait soutenir ce projet parce qu’il accroissait fortement un déficit budgétaire fédéral qui était déjà par trop élevé. Mais cette prise de position s’avéra tellement impopulaire parmi l’électorat du Texas que Bush, plus tard, retourna sa veste, disant qu’il avait toujours vu d’un bon œil le projet de la Trinity River et que, peut-être, il y avait moyen de le réaliser sans creuser davantage le déficit.
Sur d’autres questions, Bush défendait les positions suivantes :

A propos de l’éducation : « L’éducation engage la responsabilité des Etats. L’aide fédérale implique automatiquement le contrôle fédéral. Je suis favorable au prélèvement d’un surplus de taxes par les Etats de façon à pouvoir échafauder les programmes locaux et des Etats. Nous devons relever le défi de l’éducation MAIS au niveau de l’Etat et au niveau local. » Le président de l’éducation plaidait-il pour quelque chose de différent ?

A propos des timbres alimentaires : Bush les a appelés « un nouveau gadget pour les régions frontières » avec « d’intéressantes possibilités de marché noir, ici ».

A propos de la prière à l’école, Bush se montrait passablement pieux : « Je suis inquiet à propos de l’érosion de notre fibre morale et de notre héritage religieux. Je crois que la prière dans les écoles publiques et sur base volontariste reste dans la lignée des grandes traditions sur lesquelles ce pays a été fondé… Les attaques vicieuses dans les tribunaux à propos des prières dans les écoles ou faisant référence à Dieu dans nos existences doivent être repoussées. »

A propos de la Chine communiste : « Beijing », disait Bush en 1964, « ne devra jamais être admise à l’ONU. Au cas où cela se ferait, dans ce cas, je préconise notre retrait des Nations unies. » Bush était l’homme qui, plus tard, allait voter pour l’admission de la Chine dans le corps mondial, en 1971.  

A propos des Nations unies : Les Nations unies « telles qu’elles sont constituées actuellement, sont gravement déficientes et ont échoué à maintenir la paix. Les Etats-Unis ont pris la responsabilité d’assurer la liberté du monde occidental. Nous ne devons pas laisser cette responsabilité à l’Assemblée générale. Toutes les nations devraient payer ce qu’elles doivent ou perdre leur vote. »

A propos de l’aide à l’étranger, la brochure de campagne de Bush recommande qu’elle « soit réduite de façon draconienne, sauf dans ces régions où une assistance technologique et militaire est nécessaire pour la défense du monde libre et où elle est économiquement avantageuse pour les Etats-Unis. Nous devrions utiliser notre aide à l’étranger pour renforcer nos amis et accroître la liberté, et non pour plaire à nos ennemis. »

Le Traité d’interdiction des Tests nucléaires, bien que négocié par Averell Harriman en personne, fut rejeté par Bush. Selon des prospectus de campagne, le traité « tel qu’il a été ratifié par le Sénat, ne fonctionnera pas. Je serais partisan d’un traité comportant des garanties adéquates et à toute épreuve. » Bush ajoutait qu’il adoptait cette position « bien que tous ceux qui s’opposent au traité soient accusés d’être des fauteurs de guerre. Je suis le père de cinq enfants et je suis aussi concerné que tout un chacun par la propreté de l’air et l’inviolabilité de mon domicile, mais ceci représente une demi-mesure et elle ne fait pas son travail. »
Comme les sénatoriales primaires républicaines approchaient, Bush déclara qu’il était confiant de pouvoir remporter une majorité absolue et éviter un second tour. Le 30 avril, il prédit que Hill Rise allait remporter le Derby du Kentucky sans second tour et qu’il allait également l’emporter au premier tour. Il n’y eut pas de second tour dans le Derby du Kentucky, mais Bush n’atteignit pas son but. But fut le premier avec 44% des voix avec 62.579, alors que Jack Cox était second avec 44.079 voix, Morris, troisième, et Davis quatrième. Le nombre total de votes valables fut de 142.961, de sorte qu’un second tour fut nécessaire.
Cox, qui avait attiré 710.000 voix dans sa course de 1962 contre Connally pour le poste de gouverneur, était à ce moment bien mieux connu que Bush dans l’Etat. Cox avait le soutien du général Edwin Walker, qui s’était proposé pour les nominations démocratiques au poste de gouverneur, en 1962, et avait obtenu quelque 138.000 voix. Cox bénéficiait également du soutien de H.L. Hunt.
Morris avait remporté le comté de Dallas et il invitait instamment ses partisans à voter contre Bush. Mais déclara dans le Dallas Morning New du 5 mai que Bush était « trop libéral » et que la force de Bush dans les primaires était due au soutien des « libéraux » républicains.
Entre le début mai et le second tour, le 6 juin, Cox monta une campagne vigoureuse de dénonciation et d’accusations contre Bush en tant que créature de l’establishment libéral de l’Est, des intérêts bancaires de Wall Street et de principal antagoniste de Goldwater pour la nomination au poste de président du GOP du gouverneur détesté de l’Etat de New York, Nelson Rockefeller. Selon une histoire dénichée par Stuart Long, du Long News Service à Austin, les partisans de Cox faisaient circuler des lettres insistant sur le rôle de Prescott Bush en tant que partenaire de la Brown Brothers Harriman comme base de l’accusation selon laquelle George Bush était le jouer des « faiseurs de rois libéraux de l’Est ». D’après Long, les lettres contiennent également des références au Conseil des Relations étrangères de New York, dont il disait qu’il était un « groupe de dîneurs en cravates noires ».(23) Les lettres favorables à Cox affirmaient également que la société Zapata Offshore de Bush figure dans des rapports d’offres de services pour des contrats de forage au profit de la Standard Oil du New Jersey des Rockefeller.
Une brochure contre Bush retrouvée dans les papiers de Yarborough au Barker Center d’Austin est intitulée « Qui se trouve derrière les Bush ? » et elle a été publiée par la Coalition des Conservateurs en vue de battre les Bush et dont un certain Harold Deyo, de Dallas, était renseigné comme secrétaire-président. L’attaque contre Bush, ici, se focalise sur le Conseil des Relations extérieures (CRE), dont, à l’époque, n’était pas un membre public. La brochure renseigne un certain nombre de contributeurs à la campagne de Bush et les identifie ensuite en tant que membres du même CRE. Ceux-ci comprennent Dillon Anderson et J.C. Hutcheson III de Baker and Botts, Andrews and Shepherd, Leland Anderson d’Anderson, Clayton and Company, Lawrence S. Reed de Texas Gulf Producing, Frank Michaux, W.A. Kirkland du CA de la First City National Bank. La brochure se concentre ensuite sur Prescott Bush, identifié comme un « partenaire d’Averell Harriman au sein de la Brown Brothers, Harriman, and Company ». Averell Harriman est renseigné en tant que membre du CRE. « Se pourrait-il que Prescott S. Bush, en accord avec ses amis de l’Est du CRE, ramasse tous ces « dollars américains » qui alimentent la campagne de George ? On rapporte de source sûre que M. George Bush a signé un contrat pour un temps très large et très cher d’audience à la télévision, juste avant l’élection finale, la semaine dernière. » La brochure cite également Paul Kayser d’Anderson, Clayton ainsi que le secrétaire de campagne de Bush pour le comté de Harris.  On dit que cinq responsables de cette campagne, cités comme étant W.L. Clayton, L. Fleming, Maurice McAshan, Leland Anderson et Syndor Oden, appartiennent également au CRE.
A propos du CRE proprement dit, la brochure cite l’étude de Helen P. Lasell intitulée « Power Behind Government Today » (Le pouvoir qui sous-tend le gouvernement aujourd’hui), qui estimait que le CER, « dès sa création, avait joué un rôle important dans la planification de tout ce projet diabolique visant à créer UNE SEULE FEDERATION MONDIALE des Etats socialistes sous les Nations unies ». « Ces plans soigneusement élaborés, très détaillés, en rapport avec la Banque mondiale, et l’utilisation des milliards de dollars exempts de taxes de la fondation, furent appliqués secrètement durant une période de plusieurs années. Leur aboutissement pouvait signifier non seulement la destruction absolue de notre forme de gouvernement, de notre indépendance nationale et de notre souveraineté, mais, à un certain degré au moins, ceux de toutes les nations du monde entier. » Le Nouvel Ordre Mondial, nous le voyons, n’est vraiment pas nouveau. La brochure accuse en outre une certaine madame M.S. Acherman, une supportrice en vue de Bush à Houston, d’avoir promu une campagne d’inscription pour l’ancien sénateur libéral, appartenant aux Brahmin de Boston, Henry Cabot Lodge, du Massachusetts, en vue des primaires présidentielles pour le Texas. Lodge avait remporté les primaires du New Hampshire, en 1964, ce qui avait rapidement incité Bush à annoncer qu’il ne s’agissait que d’un phénomène régional et qu’il était toujours « pour Goldwater ». 
Comme l’élection finale approchait, Cox s’intéressa tout particulièrement au financement que Bush percevait en provenance de l’Est. Le 25 mai, à Abilene, Cox s’en prit à Bush, l’accusant d’avoir monté « l’une des plus grandes noubas financières jamais vues au cours d’une campagne politique ». Cox dit qu’il ne pouvait pas espérer également ce financement « parce que Jack Cox n’est pas, et ne sera jamais, en relation de quelque manière que ce soit, avec les faiseurs de rois de l’Est qui cherchent à contrôler les candidats politiques. Les conservateurs du Texas se souviendront, le 6 juin, qu’aussi sûrement les millions de Rockefeller ne peuvent acheter la désignation présidentielle, les millions mis à la disposition de George Bush ne peuvent lui acheter une nomination au Sénat. » Cox déclara que tout son soutien financier, au moins, lui était venu de l’intérieur des frontières du Texas.
L’organisation républicaine texane d’O'Donnell avait été massivement mobilisée en faveur de Bush. Bush bénéficiait du soutien des principaux journaux de l’Etat. Quand l’élection finale vint enfin, Bush fut vainqueur avec quelque 62% des suffrages. Yarborough déclara que Bush « avait étouffé Cox sous des monceaux de dollars ».
Gordon McLendon, fidèle à lui-même, avait utilisé sa propre émission de télévision d’avant les primaires pour relancer les accusations contre Yarborough concernant Billie Sol Estes. Yarborough battit néanmoins McLendon dans les primaires sénatoriales des démocrates avec presque 57% des voix. Etant donné l’avantage démesuré des démocrates du Texas dans les votes enregistrés et étant donné également l’avantage imposant de LBJ sur Goldwater en tête de la liste des candidats démocrates, il aurait pu se faire que la victoire de Yarborough fût courue d’avance. Le fait que ce ne fut pas le cas fut imputable aux dissensions internes qui secouaient les rangs des démocrates texans.
Tout d’abord, il y eut les démocrates qui se déclarèrent ouvertement en faveur de Bush. Le véhicule de cette défection avait un nom : les démocrates conservateurs en faveur de Bush, présidés par Ed Drake, l’ancien leader des démocrates de l’Etat en faveur d’Eisenhower, en 1952. Drake fut rejoint par l’ancien gouverneur, Allan Shivers, qui avait également soutenu Ike et Dick en 1952 et 1956. Puis, il y eut les « le comité des démocrates de l’Est du Texas pour George Bush », présidé par E.B. Germany, l’ancien leader démocrate de l’Etat et président en 1954 du CA de la Lone Star Steel.
Puis, il y eut diverses formes de soutien caché en faveur de Bush. Le millionnaire du pétrole de Houston, Lloyd Bentsen, qui avait été membre du Congrès à la fin des années 40, avait été envisagé comme possible candidat au Sénat. L’argument de base de Bush, c’était que LBJ s’était mêlé de la politique du Texas afin de dire à Bentsen qu’il se tienne en dehors de la course au Sénat et qu’il évite ainsi à Yarborough un défi plus grand encore au primaires. Le 24 avril, Bush déclara que Bentsen était un « bon conservateur » qui avait été tenu en dehors de la course par les « scènes pour cœurs tendres » de Yarborough. Ceci, et d’autres indications encore, montre une entente politique voilée entre Bush et Bentsen, entente qui allait réapparaître lors de la campagne présidentielle de 1988.
Ensuite, il y a eu les forces associées au gouverneur Big John Connally. Yarborough allait confier plus tard que Connally avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour saborder sa campagne et qu’il n’avait été soumis en cela que par certaines restrictions imposées par LBJ en personne. Même ces restrictions ne représentèrent aucun soutien indirect à Yarborough de la part de LBJ, mais on pouvait plutôt les attribuer au désir de LBJ d’éviter le déplaisir de voir son Etat natal représenté par deux sénateurs républicains durant son propre mandat à la Maison-Blanche. Mais Connally sabota quand même Yarborough autant que LBJ le lui permit.(24) Bush et Connally ont eu une relation complexe, avec des points de convergence et de nombreux points de divergence. Si l’on remonte à 1956, un lobbyste qui travaillait pour le pétrolier texan Sid Richardson avait menacé de « chasser [Bush] des affaires de forage off-shore à coups de pied au cul » si Prescott ne votait pas pour la dérégulation du gaz naturel au Sénat.(25) Plus tard, Connally devint le chargé d’affaires de certains intérêts de Richardson. Alors qu’il était en visite à Dallas, le 19 mars, Bush sortit une déclaration disant qu’il était d’accord avec Connally dans ses critiques sur l’attorney Melvin Belli, qui avait condamné la Cour du District à Dallas, lorsque son client, Jack Ruby, s’était vu condamner à mort pour avoir abattu Lee Harvey Oswald en novembre de l’année précédente.
En public, LBJ était pour Yarborough, bien qu’il ne pût entièrement passer sur les frictions entre les deux hommes. Prenant la parole à Stonewall, après la Convention démocratique nationale, LBJ avait eu le commentaire suivant : « Vous avez entendu et vous avez lu que le sénateur Yarborough et moi-même avions eu des différends, à certains moments. J’ai lu beaucoup plus de choses, à ce propos, que je n’en avais conscience. Mais je veux dire ceci, c’est que je ne pense pas que le Texas ait eu un sénateur, de mon vivant, dont je connaisse aussi bien la carrière que celle du sénateur Yarborough. Et je ne pense pas que le Texas ait eu, de mon vivant, un sénateur qui ait voté plus de lois en faveur du peuple que le sénateur Yarborough n’en a voté. Et aucun membre du sénat américain ne s’est dressé pour me combattre ou pour se battre pour les gens plus que ne l’a fait Ralph Yarborough depuis que je suis président. » De son côté, Bush cita plus tard une analyse de Time Magazine à propos de la course au Sénat de 1964 et qui concluait que « si Lyndon s’était tenu à l’écart, le républicain Bush aurait eu sa chance. Mais Johnson n’est pas du genre à se tenir en dehors du coup, ce qui fait que Bush est perdant. »(26)
Yarborough, de son côté, avait dépeint LBJ sous les traits d’un « homme politique texan enivré de pouvoir » et il avait fait appel au président Kennedy pour garder LBJ en dehors de la politique du Texas. Les attaques de Yarborough contre Connally furent un peu plus explicites et hautes en couleur : il accusa Connally d’agir comme un « vice-roi, et nous nous sommes débarrassés de ceux du Texas lorsque le Mexique l’emporta sur l’Espagne ». Selon Yarborough, « le Texas n’avait plus eu de gouverneur progressiste depuis Jimmy Alfred », qui avait occupé le poste de 1935 à 1939. Bush s’ingénia à rappaler qu’il s’agissait d’une attaque contre les démocrates W. Lee O'Daniel, Coke Stevenson, Buford H. Jester, Allan Shivers, Price Daniel et John Connally.
Yarborough critiqua aussi les oligarques de droite de la région de Dallas pour avoir transformé la ville, de démocrate qu’elle était, en un « bastion de la réaction ». Pour Yarborough, le Fort Worth Star-Telegram était encore « pire que la Pravda ». 
La stratégie de Yarborough en vue des élections de novembre se concentra sur l’identification de Bush à Goldwater dans l’esprit des électeurs, puisque la rhétorique pour ainsi dire belliciste du républicain de l’Arizona le vouait désormais à une défaite quasi certaine. Le premier instinct de Yarborough avait été de faire une campagne substantielle, insistant sur toutes sortes de problèmes et sur ses propres réalisations sur le plan législatif. En 1988, Yarborough raconta au biographe de Bush, Fitzhugh Green : « Quand j’ai débuté ma campagne en vue d’être réélu, je resservais saurs, m’ont dit : tout ce que tu dois faire, c’est citer Bush, qui s’est déjà proclamé à cent pour-cent partisan de Goldwater et de la guerre au Vietnam. Et c’est ce que j’ai fait, finalement, et ça a marché ons cesse mes archives personnelles de mes six années au sénat. Mais mes conseillers pour mes discon ne peut mieux. »(27)
Faisant campagne à Port Arthur, le 30 octobre, dans une partie de l’Etat où sa base ouvrière ratissait large, Yarborough attaqua Bush à plusieurs reprises en le déclarant « plus extrémiste encore que Barry Goldwater ». Selon Yarborough, même après que Barry Goldwater eut rejeté le soutien de la John Birch Society, Bush dit qu’il « acceptait volontiers le soutien de la même Birch Society et qu’il se ralliait à ses vues ». « Elisez un sénateur du Texas et non les banquiers investisseurs du Connecticut avec leurs 2.500.000 dollars », insista Yarborough auprès des électeurs.(28)
Ces attaques étaient hautement efficaces et Bush y répondit en mobilisant son budget médias afin qu’il y ait davantage de passages de son spot TV du « vol de l’Avenger » durant la Seconde Guerre mondiale, tandis qu’il préparait un ultime sale truc pour la TV. Il n’y aurait pas de débat entre Bush et Yarborough, mais cela n’empêcha pas Bush d’organiser un débat télévisé « à chaise vide », lequel fut diffusé sur plus d’une douzaine de chaînes à travers l’Etat, le 27 octobre. L’état-major de campagne de Bush rédigea un débat dans lequel Bush répondait à des citations élaborées à partir de bandes audio des discours de Yarborough, avec les phrases souvent réduites de moitié, sorties de leur contexte et déformes de toutes sortes de manières. Yarborough répondit en ces termes : « Le truc sournois que mon adversaire tente de me mettre sur le dos ce soir en extrayant des phrases que j’ai prononcées de leur contexte, en utilisant des enregistrements de ma voix et en faisant participer ma voix comme un élément de l’émission est illégal et il jette le discrédit sur toute personne qui aspire à devenir sénateur américain. J’entends protester contre cette astuce illégale auprès de la Commission fédérale des Communications. » « La méthode de Bush consistait à « couper mes déclarations en deux, ensuite à commander à ses rédacteurs de discours de Madison Avenue de répondre à ces simples phrases. » « Mon adversaire est un défenseur de l’extrémisme, des ragots de bas étage et de la crainte partout où il passe. » « Sa conduite ressemble davantage à celle de la John Birch Society qu’à la conduite du Sénat des Etats-Unis », ajouta encore Yarborough. Bush avait également déformé la voix de Yarborough au point qu’on ne la reconnaissait plus du tout. 
Yarborough protesta à la CFF à Washington, prétendant que Bush avait violé la section 315 de la Loi sur les Communications fédérales dans sa formulation de l’époque, parce que les remarques de Yarborough avaient été censurées au préalable et utilisées sans sa permission. Yarborough accusa également Bush d’avoir violé la section 325 de la même loi, puisqu’il apparaissait que des parties de l’émission à la « chaise vide » constituaient du matériel qui avait déjà été diffusé ailleurs et qui ne pouvait plus être réutilisé sans autorisation. La CFF répondit que les bandes utilisées avaient été constituaient dans les salles où Yarborough avait pris la parole.
Tout au long de la campagne, Yarborough avait parlé des dangers des écoutes électroniques. Il avait fait remarquer que « tout le monde pouvait se muer en plombier, se brancher sur un fil, se muer en espion, quand il dispose de quelques dollars pour acheter les ustensiles à bas prix du marché. Des enregistreurs et microphones minuscules sont fabriqués aujourd’hui de façon à ressembler à des boutons de revers ou des épingles de cravate. On peut également trouver des enregistreurs de la taille d’un bouquin ou d’un paquet de cigarettes. Il existe une mallette équipée d’un micro disposé sur la serrure et la plupart des enregistreurs peuvent être transportés dans une simple mallette, alors que le micro à la montre de poignet n’est plus un gadget utilisé par le seul Dick Tracy – on peut en fait l’acheter aujourd’hui pour 37,50 dollars. »Yarborough lança l’accusation prétendant qu’au cours de la période de campagne des primaires, son bureau de Washington avait été soumis à des écoutes téléphoniques et, des années plus tard, il signala que la CIA avait espionné la totalité de Capitol Hill, durant ces années.(29)
Bush souffrait également des références permanentes de Yarborough à sa naissance et son contexte situés en Nouvelle-Angleterre. Bush prétendit qu’il n’avait rien d’un carpetbagger nordiste, mais qu’il était devenu texan par choix et, à cet égard, il se compara à Sam Rayburn, Sam Houston, Austin, le colonel Bill Travis, Davy Crockett, Jim Bowie, et autres héros de Fort Alamo. Ce n’était pas la fausse modestie qui embarrassait Bush. A la fin, Bush affirma sans le hurler qu’il n’était pas un carpetbagger de la dimension de Bobby Kennedy, qui ne pouvait même pas voter dans l’Etat de New York, où il faisait campagne pour se faire élire au Sénat. « Il faudrait voir qui trimballe des carpettes dans ses bagages », hennit Bush.
Au cours des derniers jours de la campagne, Allan Duckworth, du Dallas Morning News, partisan de Bush, essayait de convaincre ses lecteurs de ce que la course allait en droite ligne vers une « photo finish ». Mais, en fin de compte, les réseaux de Prescott, les millions de dollars, les enregistrements, et le soutien de 36 journaux différents ne furent d’aucune utilité pour Bush. Yarborough battit Bush d’une marge de 1.463.958 voix contre 1.134.337. Dans le contexte de la victoire raz-de-marée de LBJ sur Goldwater, Bush s’était toutefois un peu mieux comporté que le porte-drapeau habituel de son parti, puisqu’au Texas, LBJ vainquit Goldwater par 1.663.185 voix contre 958.566. Yarborough, grâce en partie à son vote en faveur des la Loi sur les Droits civiques, remporta une grande majorité des districts noirs et il fit presque aussi bien chez les gens d’origine latino. Bush ne remporta que les habituels comtés républicains, y compris les poches de soutien au GOP dans la zone de Houston.
Yarborough allait donc se retrouver sénateur pour la durée d’un nouveau mandat et il allait donner de la voix contre la guerre du Vietnam. Dans les jours qui précédèrent immédiatement la clôture de la campagne, il avait parlé de Bush et de ses semblables comme de l’avant-garde « d’une époque et d’une société où plus personne ne parlera au nom des gens qui travaillent ». George Bush, vaincu comme il le fut, allait désormais redoubler d’efforts dans sa lutte pour qu’un tel monde devienne réalité. Yarborough, bien que victorieux, apparaît, en rétrospective, comme l’arrière-garde d’une Amérique imparfaite mais meilleure, qui allait disparaître à la fin des années 60 et dans les années 70.

NOTES:

1. George Bush et Victor Gold, Looking Forward (Regardons vers l’avant), New York, 1987, p.84.
2. Bush et Gold, p.84.
3. John R. Knaggs, Two-Party Texas (Un Texas à deux partis), Austin, 1985, p.34.
4. Pour un résumé de la stratégie sudiste, voir Nixon Agonistes (Partisans et ennemis de Nixon), Boston, 1970, pp.262 ff.
5. Pour un aperçu des archives de votes de Yarborough à propos de cette question et d’autres, voir Chandler Davidson, Race and Class in Texas Politics (Questions raciales et de classe dans la politique texane), Princeton, 1990, pp.29 ff.
6.Pour les réalisations de Yarborough au Sénat jusqu’en 1964, voir Ronnie Dugger, « The Substance of the Senate Contest » (La substance des débats sénatoriaux), dans The Texas Observer, 18 septembre 1964.
7. Bush et Gold, op.cit., pp.77ff.
8. Voir Harry Hurt III, Texas Rich (Les riches du Texas), New York), p.191.
9. Sur les efforts de Bush pour arriver à la présidence du comté de Harris, il est intéressant de comparer son Looking Forward avec les coupures du Houston Chronicle de cette époque telles qu’ellesont été conservées sur microfiches à la Texas Historical Society de Houston. Bush dit qu’il avait décidé de concourir pour le poste au printemps 1962, mais la presse de Houston situe avec précision cette campagne au printemps 1963. Bush prétend aussi avoir été président du comté pendant deux ans, alors que les journaux de Houston prouvent qu’il a exercé cette fonction du 20 février 1963 au 5 décembre 1963 environ, soit durant moins d’un an.
10. Harry Hurt III, "George Bush, Plucky Lad" (GB, un gars qui a du cran), Texas Monthly, juin 1983, p.196.
11. Houston Chronicle, 21 février 1963.
12. A propos d’Anthony Farris dans l’affaire Pennzoil contre Texaco, voir ci-dessous, ainsi que Thomas Petzinger, Jr., Oil and Honor (Pétrole et honneur), New York, 1987, passim.
13. Boston Globe, 12 juin 1988, cité dans Michael R. Beschloss, The Crisis Years (Les années de crise), p.581.
14. Voir Barbara Bush, C. Fred's Story (L’histoire de C. Fred), New York, 1984, p.2. C’est un exemple de la manie curieuse de Madame Bush de composer des livres dans lesquels elle parle par le biais d’un personnage canin, une chose qu’elle a répétée pour ses actuels animaux domestiques ainsi que pour Millie, son gadget de relations publiques. Dans son récit sur la manière dont son chien C. Fred a hérité son nom, on apprend comment George Bush gère habituellement les noms de ses chiens par le commentaire suivant : « Pas du tout. Nous les Bush avons toujours baptisé nos enfants d’après les gens que nous aimions. » Ainsi donc, C. Fred écrit : « J’ai reçu le nom du meilleur ami de George Bush, C. Fred Chambers, de Houston, au Texas. Je l’ai rencontré à de nombreuses reprises et il ne semble pas vraiment apprécier le grand honneur que lui ont décerné les Bush. »
15. Voir Ronnie Dugger, « The Four Republicans » (Les quatre Républicains), dans The Texas Observer, 17 avril 1964.
16. Les citations tirées du matériel de campagne de Bush et de Yarborough, sauf si autres indications, proviennent des papiers personnels du sénateur Yarborough déposé à l’Eugene C. Barker Texas History Center de l’université du Texas, à Austin.
17. Voir Ronnie Dugger, "The Substance of the Senate Contest" (La substance du débat sénatorial), dans The Texas Observer, 18 septembre 1964.
18. Voir "The Historic Texas Senate Race" (La course au Sénat historique au Texas), The Texas Observer, 30 octobre 1964.
19. Cité dans Ronnie Dugger, voir note 17.
20. Ibid.
21. Dallas News, 24 octobre 1964.
22. Dallas News, 3 octobre 1964.
23. Un rapport sans titre parmi les papiers personnels de Yarborough en possession du Barker Texas History Center fait état de « l’affiliation du sénateur Bush dans une organisation de type club-restaurant appelée le ‘Conseil des Relations étrangères’. Le vieux Bush était souvent attaqué à coups de calomnies – surtout via le canal de communication épistolaire du type ‘j’ai appris que’ – et les jeunes Bush furent particulièrement soulagés lorsque Barry Goldwater prononça sans qu’on le lui ait demandé des paroles d’affectueuses louanges pour son ancien collègue au cours d’un dîner à 100 dollars par tête qui eut lieu à Dallas ». 
24. Jusqu’où ces efforts peuvent être allés est sujet à controverse. A la page 300 de son ouvrage The Hundred Million Dollar Payoff (Un pot-de-vin de 100 millions de dollars), publié chez New Rochelle, Douglas Caddy reproduit un mémorandum interne des militants de la Non-Partisan Political League qui exprime leur profonde inquiétude à propos des perspectives d’élection pour Yarborough, qui est présenté comme « le dernier démocrate libéral honnête que nous ayons dans le Sud ». Le mémo, adressé par Jack O'Brien à A.J. Hayes, est daté du 27 octobre 1964 et cite des rapports de divers syndicalistes disant qu’« ‘on a mis le paquet’ pour battre Ralph Yarborough et pour le remplacer par un républicain, Bush, le fils de Prescott Bush du Connecticut. La seule question qui importe est de savoir si ce ‘paquet’ est un produit du gouverneur Connally seul ou s’il est le produit des efforts conjoints de Connally et du président Johnson ». Toujours selon le mémo, « Walter Reuther appela Lyndon Johnson pour lui exprimer son inquiétude à propos de n’être pas parvenu à inviter Madame Yarborough à voyager avec lui » dans l’avion de LBJ à travers le Texas. Les dirigeants syndicalistes tentaient de contribuer à rassembler des fonds pour organiser des émissions de télévision de dernière minute pour Yarborough et d’obtenir davantage de soutien verbal au sénateur de la part de LBJ.
25. Voir Bush et Gold, Looking Forward, p.82.
26. Ibidem, p.87.
27. Fitzhugh Green, George Bush: An Intimate Portrait (GB : Un portrait intime), New York, 1989, p.85.
28. Dallas News, 31 octobre 1964.
29. Ronnie Dugger, "Goldwater's Policies, Kenndy's Style" (La politique de Goldwater, le style de Kennedy), dans The Texas Observer, 30 octobre 1964.

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